Il y a 150 ans, Lord Kelvin proposait une description macroscopique de la condensation capillaire, un phénomène fondamental qui gouverne de nombreuses propriétés comme l’adhérence, le frottement, la lubrification et rend possible la construction de châteaux de sable. Une équipe de chercheurs de l’Université de Manchester apporte enfin des explications sur le fonctionnement de la capillarité à échelle microscopique.
Alors qu’elle est fréquemment utilisée pour décrire les phénomènes de condensation, l’équation de Kelvin semble bien fonctionner à l’échelle du micromètre et du nanomètre. Pourtant, cette équation ne devrait pas être applicable pour des capillaires de seulement quelques nanomètres, une échelle comparable à la taille des molécules d’eau (0,3 nm).
Le défi de la preuve expérimentale
Si l’équation de Kelvin est utilisée faute d’une meilleure approche théorique, c’est aussi parce qu’il est extrêmement difficile d’étudier expérimentalement de tels phénomènes à l’échelle moléculaire. Créer des capillaires de cette taille est un défi, en particulier à cause de problèmes liés à la rugosité de surface.
Dans l’étude publiée dans le journal Nature, l’équipe de chercheurs dirigée par le professeur Andre Geim, corécipiendaire du prix Nobel de physique en 2010 et pionnier du graphène, explique comment a été réalisée cette prouesse.
En assemblant deux cristaux de mica et de graphite, séparés par de fines bandes de graphène, ils ont réussi à concevoir des capillaires artificiels suffisamment petits pour condenser la vapeur d’eau dans des conditions ambiantes.
En contrôlant l’épaisseur des bandes de graphène qui jouent le rôle d’intercalaire entre les deux cristaux ils ont ainsi pu obtenir des capillaires de hauteur variable, dont des capillaires d’un seul atome de hauteur, capables d’accueillir seulement une couche de molécules d’eau.
Lord Kelvin avait-il raison ?
L’équipe de chercheurs s’attendait à une défaillance de la physique conventionnelle. Au lieu de ça, les expérimentations ont démontré que l’équation de Kelvin pouvait en effet décrire la condensation capillaire à l’échelle nanométrique, du moins de manière qualitative.
Dans un communiqué de presse de l’université de Manchester, le Docteur Qian Yang, premier auteur de l’étude, affirme ainsi : « Le fonctionnement de la vieille équation s’est avéré correct. C’est un peu décevant pour nous, mais aussi très excitant d’avoir finalement résolu ce mystère centenaire. »
Comme l’explique le professeur Geim : « Lord Kelvin était un scientifique remarquable, qui a fait beaucoup de découvertes, mais même lui serait sûrement surpris de constater que sa théorie tient encore la route à l’échelle atomique. En fait, il a justement admis cette impossibilité dans son article de référence. »
Puis il ajoute : « Nos travaux ont prouvé qu’il avait à la fois tort et raison en même temps. »
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