Tous nos pas dans le cyberespace sont suivis, enregistrés, analysés, et nos profils se monnayent en permanence. Face à ce « tracking » de masse, un livre donne des solutions accessibles au grand public.
Applications mobiles, webmails gratuits, capteurs installés dans des montres connectées ou des pèse-personnes… Les entreprises récupèrent d’énormes quantités d’informations sur notre vie privée. Même les États mettent sous surveillance leurs citoyens.
Face à ces différentes menaces, beaucoup de personnes répondent : « je n’ai rien à cacher ». Certes, le risque n’est pas « dramatique » si des entreprises privées se contentent d’exploiter ces données pour nous envoyer des publicités ciblées. On peut toujours utiliser des extensions pour navigateur Web (comme Ghostery, HTTPS Everywhere ou TrackMeNot) et préférer Firefox à Chrome pour ne pas être suivi à la trace par des sites et les régies publicitaires. Sur son smartphone Android, il est possible de remplacer Gmail par K-9 mail.
Mais quand sera-t-il demain lorsque les objets connectés et les voitures autonomes communiqueront des données personnelles aux assureurs ? Et qu’en sera-t-il demain si un gouvernement instaure une surveillance très précise des faits et gestes de ses citoyens ?
Face à toutes ces menaces (surveillance, censure, profilage, influence des algorithmes), Tristan Nitot a souhaité écrire un livre très pédagogique afin que chacun en prenne conscience : « Surveillance:// » (C&F Éditions). Entrepreneur, blogueur et conférencier, il est actuellement Chief Product Officer de Cozy Cloud (une solution d’auto hébergement des données). Il a été à l’initiative de la création de Mozilla Europe, qu’il a présidée, et a été membre du Conseil National du Numérique (2013-2015). Sous-titré « Les libertés au défi du numérique : comprendre et agir », son petit livre d’environ 200 pages est très accessible et propose des solutions pour ne plus être le « produit » des services commerciaux proposés gratuitement.
« Les utilisateurs n’ont pas été formés et ont adopté les technologies sur le tas. Il faut expliquer comment cette surveillance se met en place, sans ennuyer », explique-t-il.
Tristan Nitot cite le cas des applications mobiles : « nous ne savons pas très bien ce que leurs éditeurs font avec nos données. L’accès à notre carnet d’adresses peut se comprendre lorsqu’il s’agit d’une application de messagerie. Mais est-ce normal que Facebook récupère les carnets d’adresses (et les photos) de tous ses utilisateurs pour constituer un réseau social fantôme ? Le pire est que ce réseau social récupère aussi les adresses email de personnes qui ne sont pas encore inscrites, mais dont les coordonnées sont enregistrées sur les carnets d’adresse d’internautes qui sont, eux, inscrits ! Mais d’autres applications aussi anodines que des lampes de poche récupèrent des informations à notre insu ! »
Pour cet expert, « Apple est plus “raisonnable” que Google dont le système exploitation Android est clairement fondé sur l’apparente gratuité des services pour récupérer nos données en vue de proposer de la publicité ciblée. C’est dans leur ADN. Avec certaines applications iOS, Apple demande moins de permissions. Son approche est plus subtile et son business model n’est pas basé sur l’exploitation commerciale de données, mais sur la vente de matériels (iPhone, iPad…), de logiciels (applications) et de services (capacité de stockage) ».
À l’avenir, le grand public, mais aussi les professionnels, devra peut-être payer pour bénéficier de services plus respectueux de la vie privée et de la confidentialité des données comme c’est le cas avec le smartphone sous Android Blackphone et le service de messagerie chiffré Protonmail (dont le nombre de clients américains a augmenté depuis l’élection de Trump). Pour Tristan Nitot, « il faut éviter les services vivant de publicités ciblées en utilisant des systèmes que j’appelle SIRCUS (Systèmes informatiques redonnant le contrôle aux utilisateurs). Les principes de base sont le logiciel libre, le contrôle du serveur (où sont stockées mes données), le chiffrement des informations et des communications, l’élimination du profilage nécessaire à la publicité ciblée ».
Philippe Richard
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE