En ce moment

Le mécontentement de certains agriculteurs face aux projets de mégabassines

Posté le 3 décembre 2024
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, tous les agriculteurs ne sont pas unanimement en faveur des mégabassines. Certains d'entre eux, directement concernés par le projet de la Coop de l'eau des Deux-Sèvres de construire 16 réserves de substitution, ont décidé de ne pas s'acquitter de leurs factures pour exprimer leur opposition.

Et si la contestation ne venait pas d’associations de défense de l’environnement, mais de l’intérieur ? Un article du Parisien révèle que la Coop de l’eau[1] des Deux-Sèvres, la structure porteuse d’un projet de création de 16 mégabassines, doit faire face à des impayés d’agriculteurs. Une quinzaine d’entre eux sont concernés, mais ils étaient une trentaine à l’origine, avant que certains ne régularisent leur situation.

Au total, près de 200 exploitations sont adhérentes à la Coop de l’eau des Deux-Sèvres, mais toutes n’auront pas accès à l’une des réserves de substitution construites. L’adhésion est en effet obligatoire, dès lors qu’une exploitation est située sur le bassin de la Sèvre Niortaise Marais Poitevin (SNMP) et prélève plus de 1 000 m3 d’eau dans le milieu naturel (rivière, nappes phréatiques). Certains de ces agriculteurs « non-raccordés » ne souhaitent donc pas financer des ouvrages auxquels ils n’auront pas accès, tandis que d’autres ne souhaitent pas financer un projet qu’ils ne soutiennent pas.

Au final, une centaine d’exploitations ne devraient pas être raccordées à ces bassines, notamment des maraîchers, dont quelques-uns ont fait part de leur mécontentement. Dans une réponse apportée à un article de La Nouvelle République, Thierry Boudaud, le président de la Coop de l’eau, a expliqué que ces réserves fonctionnent selon le principe de substitution qui consiste à « diminuer la pression sur la ressource en période estivale. Les études et simulations ont montré que le pourcentage de volume substitué dans les réserves permettait la consommation du volume restant dans le milieu en période estivale. Les exploitations restantes dans le milieu sont donc aussi sécurisées ».

Il ajoute que « la Coopérative de l’eau repose sur un principe de coopération et de mutualisation, à savoir que chaque m3 d’eau participe au financement du projet (de réserves de substitution). Ainsi, le plus gros consommateur paie la plus importante contribution. À l’inverse, le plus petit consommateur paie la plus petite ».

Un prix de l’eau en très forte augmentation pour l’irrigation

Parmi les mauvais payeurs, plusieurs agriculteurs négligent volontairement de s’acquitter de leur facture pour exprimer leur colère face à l’augmentation du prix de l’eau. Selon Reporterre, le prix du m3 d’eau prélevée dans les ruisseaux ou dans les nappes a augmenté de 7 à 11 centimes entre 2019 et 2024. Quant à celui pompé dans la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon, il atteint 34 centimes. La forte augmentation du prix s’explique par la flambée du coût de construction des ouvrages ces dernières années. En cause, l’augmentation du prix des matériaux, des taux d’emprunt plus élevés, ainsi que la nécessité de mettre en place des dispositifs de sécurité pour faire face aux actes malveillants, avec par exemple l’installation de caméras infrarouges pour surveiller les sites.

Des difficultés de trésorerie sont également à l’origine du non-paiement des factures d’eau de certains agriculteurs. C’est le cas notamment de céréaliers, dont les besoins en irrigation se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers de m3. Face à ces factures impayées, des adhérents à la Coop de l’eau se sont vus appliquer des pénalités sur le montant à régler ou ont reçu des lettres d’huissiers. Les sanctions peuvent aller plus loin puisque des restrictions de prélèvement d’eau ont été mises en place par l’EPMP (Établissement public du Marais poitevin), l’organisme en charge de la répartition des volumes d’irrigations. Ces restrictions peuvent aller de 30 à 90 % sur la campagne d’irrigation couvrant la période d’avril 2024 à mars 2025.

Malgré ces difficultés, la Coopérative de l’eau des Deux-Sèvres poursuit son projet initié en 2011. À ce jour, seule la réserve à Mauzé-sur-le-Mignon est en service ; celle de Sainte-Soline devrait être opérationnelle pour la campagne d’irrigation de 2025. Un temps suspendu, le chantier de la bassine à Priaires a repris, tandis que la construction de la quatrième réserve de substitution à Épannes a débuté en début d’année.


[1] Coop de l’eau des Deux-Sèvres


Pour aller plus loin