L’éolien est une énergie renouvelable fluctuante, mais associé à l’hydro modulable, il peut fournir de l’électricité à la demande, notamment pendant les périodes de pointe où les prix de l’électricité sont plus élevés. Avec une STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage), quand la production éolienne dépasse la demande, l’eau d’un bassin bas est pompée et stockée dans un bassin haut. L’énergie potentielle ainsi obtenue permet de produire à nouveau de l’électricité quand la production éolienne est inférieure à la demande. Le rendement d’un cycle de pompage-turbinage (plus de 80%) est particulièrement élevé comparativement aux autres solutions de stockage tel que l’hydrogène (36%), et la durée de vie d’une STEP est supérieure au siècle, soit bien davantage que les piles à combustible ou que les batteries électrochimiques.
Le mariage de l’eau et du vent pour tous
L’île d’El Hierro a retenu cette approche éco-intelligente. Mais c’est un projet hydro-éolien 80 fois plus puissant que celui de l’île Canarienne qu’a concocté le Royaume du Maroc. Il consiste en quatre parcs éoliens, localisés sur différents sites du Royaume afin d’optimiser l’effet de lissage et cumulant une puissance de 850 MW, couplés à une STEP sur le site d’Abdelmoumen, dans l’arrière-pays d’Agadir, où un lac de barrage est déjà en place. La puissance éolienne installée du pays passera ainsi à environ 1000 MW.
Avec un facteur de capacité moyen d’environ 35%, le parc éolien de 1000 MW délivrera une puissance moyenne d’environ 350 MW. La STEP de 350 MW permettra, en fonction de la demande électrique marocaine, de temporiser les variations de la production éolienne entre 0 et 700 MW (soit le double de la puissance moyenne). Le projet hydro-éolien comprend également des lacs de barrages sur le site de M’Dez et El Menzel (170 MW) à environ 60 kilomètres au sud-est de la ville de Fès.
Mais c’est surtout la construction d’un réseau électrique pour que les villages isolés puissent avoir accès à l’électricité qui donne tout son sens au projet et lui donne un visage Humain. Selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE): « Le programme, à travers son volet production, vise à participer à la satisfaction d’une demande sans cesse croissante d’électricité tout en améliorant l’accès à l’électricité d’une partie de la population marocaine, notamment celle résidant dans les zones reculées du Royaume. Ceci devrait contribuer à réduire progressivement les déséquilibres de développement régionaux, et à favoriser l’inclusion sociale. » La composante «Distribution Electrification rurale» du programme porte sur la construction de lignes Moyenne Tension et Basse Tension et de postes de distribution MT/BT « en vue du raccordement de 86000 ménages dans 25 provinces du Royaume, pour y porter le taux d’accès à l’électricité à environ 99%. Cette composante contribuera à la réalisation des objectifs du Programme National d’Electrification Rurale Globale (PERG).»
L’hydro-éolien meilleur marché que le nucléaire nouvelle génération et que le thermosolaire
Le coût d’investissement global du projet (1000 MW éolien + 520 MW hydro + réseau électrique moyenne et basse tension pour alimenter 86 000 foyers isolés) s’élève à 1600 millions d’euros. Pour avoir un ordre d’idée, une centrale thermosolaire de 1000 MW, technologie qui était très mise en avant par la Fondation Desertec avant le retrait de Siemens et de Bosch, cela coûte aujourd’hui 4500 millions d’euros.
Etant donné la richesse des vents au Maroc (et sur l’ensemble du Sahara), le prix de revient du kWh éolien n’est que de 3 à 5 centimes. Le surcoût du stockage STEP, permettant de délivrer de l’électricité à n’importe quel moment de la journée, est de moins de 2 centimes par kWh éolien selon l’Agence Internationale de l’Energie. Le prix de revient du kWh éolien hydro-assisté est donc inférieur à 5 + 2 = 7 centimes. Soit beaucoup moins que les 10,5 centimes du kWh nucléaire nouvelle génération (EPR) ou que les 16 centimes du kWh thermosolaire. L’hydro-éolien permet à tous d’accèder à une électricité à la fois vraiment durable et bon marché.
Le projet hydro-éolien marocain est financé en partie par la Banque Africaine de Développement avec un prêt, accordé en juin 2012, de 359 millions d’euros (auxquels s’ajoutent 125 millions de dollars provenant du Clean Technology Fund) le reste provenant notamment de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). L’appel d’offres pour la construction de la STEP a été lancé fin novembre 2012. Le Français Alstom, qui a déjà construit au Maroc la STEP d’Afourer (460 MW), pourrait y trouver un nouveau marché. Le groupe français est aussi impliqué, avec EDF SEI, dans un projet de STEP en bordure de mer (50 MW) en Guadeloupe. L’appel d’offres pour les parcs éoliens a également été lancé en novembre, et 6 soumissionnaires sont retenus pour y participer :
- EDF Energies Nouvelles (France)/Mitsui & Co (Japon)/Alstom (France);
- Nareva Holding (Maroc)/Taqa (Emirats Arabes Unis)/Enel Green Power (Italie)/Siemens (Allemagne);
- International Power (GDF Suez, France)/Vestas (Danemark);
- Acwa Power (Arabie Saoudite)/Gamesa Eolica (Espagne)/Gamesa Energia (Espagne);
- General Electric (Etats-Unis);
- Acciona Wind Power (Espagne)/Acciona Energia (Espagne)/Al Ajial Funds (Maroc).
Selon Massolia.com, portail sur les énergies vertes au Maroc, « le projet sera développé dans le cadre d’un partenariat public-privé où l’ONEE, le Fonds Hassan II et la Société d’Investissements Energétiques (SIE) s’associeront au partenaire stratégique de référence retenu à l’issue du processus d’Appel d’Offres y afférent. »
En 2020, le Royaume du Maroc produira plus de 15% de son électricité avec l’éolien, une filière qui ne consomme pas une seule goutte d’eau douce. Soit deux fois plus que la France si cette dernière parvient à modifier son cadre réglementaire pour tenir les engagement du Grenelle de l’environnement. Et 42% avec l’ensemble des filières renouvelables selon la Loi sur les énergies renouvelables adoptée à l’unanimité par la Chambre des Conseillers du Roi Mohammed VI. Une autre STEP (de 400 MW), en plus de celle d’Abdelmoumem, est prévue avant 2020. A ce rythme le Royaume pourraît atteindre le 100% renouvelable dès 2040 !
Un concurrent se lève déjà pour le Maroc à l’autre extrémité du continent: le Lesotho, avec des partenaires chinois, a annoncé un projet hydro-éolien de 6000 MW, complexe qui délivrera deux fois plus d’électricité qu’un EPR. Décidément, l’Afrique montre vraiment la voie de la croissance verte.
Par Olivier Daniélo
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