[Publié le 01/10/2009]
Le marché de l’eau sera le thème de la troisième conférence d’Innov’Eco, le rendez-vous des professionnels des cleantech d’Ile-de-France dont Green Univers est partenaire fondateur, ce jeudi 24 septembre à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris. A la veille de cette rencontre, nous vous proposons un gros plan sur ce marché : les besoins, les investissements nécessaires, les acteurs en place.
L’eau, une ressource en péril
Comment éviter une crise mondiale de l’eau ? A Davos en janvier dernier, lors du World Economic Forum, le sujet a éclipsé pendant quelques heures la crise financière. Economistes, investisseurs, chefs d’entreprises et responsables politiques de tous les pays ont planché sur la ressource en eau, un enjeu vital à leurs yeux pour l’avenir de la planète.
Car si l’eau occupe 70 % de la surface de la terre, elle manque cruellement, 97,5 % étant de l’eau salée. Et les réserves sont très inégalement réparties puisque neuf Etats en concentrent 60 %. Dans de nombreux pays en développement, la situation est catastrophique : plus de 3 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l’eau.
2,8 milliards d’habitants, soit 44 % de la population mondiale, vivent dans des zones souffrant de stress hydrique, selon l’OCDE. Et ce chiffre pourrait atteindre 3,9 milliards en 2030 sous l’effet du réchauffement climatique. Les glaciers de l’Himalaya et du Tibet, par exemple, approvisionnent en eau 2 milliards de personnes. Or, au rythme actuel, ils pourraient avoir disparu à la fin du XXI ème siècle ! Des rivières majeures ont déjà atteint des seuils critiques : le Colorado, le Gange, le Jourdain, le Nil par exemple.
L’agriculture très gourmande en eau
L’agriculture est souvent montrée du doigt car elle est la principale utilisatrice de l’eau : elle capte 70 % de la ressource. Mais l’urbanisation croissante et l’industrialisation nécessitent aussi une consommation de plus en plus soutenue. En Asie, selon le rapport du World Economic Forum, la demande en eau va bondir de 65 % pour l’industrie d’ici à 2030, de 30 % pour les usages domestiques (urbanisation) alors qu’elle augmentera de seulement 5 % pour l’agriculture.
Ce qui risque de provoquer de graves tensions. D’autant que les villes des pays émergents sont encore très insuffisamment équipées en infrastructures : en Chine, par exemple, 60 % des 669 grandes cités souffrent de pénuries d’eau et près de la moitié ne disposent pas de systèmes d’assainissement efficaces.
Dans les pays industrialisés, la situation est beaucoup moins dramatique mais elle est néanmoins fragile. Et les conséquences du réchauffement climatique pourraient vite devenir inquiétantes. Déjà, en 2007, la sécheresse a coûté 1 point de croissance du PIB à l’Australie !
Des investissements massifs nécessaires
Pour accroître les réserves et économiser l’eau, les solutions existent mais elles nécessitent des investissements massifs des acteurs publics et privés. Selon l’OCDE, un investissement de 10 milliards de dollars par an serait nécessaire pour réduire de moitié le nombre de personnes privées d’accès à l’eau dans les pays en développement. Cela générerait un bénéfice économique de 38 milliards par an grâce, entre autre, aux coûts évités.
Depuis quelques années, le dessalement de l’eau de mer est expérimenté dans plusieurs pays, notamment au Moyen-Orient. Environ 0,05 km3 d’eau dessalée, dont 15 % issus d’eau saumâtre (avec une forte concentration en sel), sont produits chaque jour dans le monde, selon un rapport de l’association Entreprises pour l’Environnement.
Cette production représente 0,45 % de la consommation mondiale journalière d’eau douce, mais croît au rythme de 10 % par an. Et des usines de dessalement d’une capacité de production de 0,001 km3 par jour sont en projet. Mais le dessalement a des inconvénients : des conséquences environnementales négatives (rejets de saumure, effluents chimiques ?) des besoins énergétiques importants (et donc un impact climatique, les usines étant essentiellement alimentées par des énergies fossiles) et un prix de vente élevé de l’eau produite.
Une solution : la récupération des eaux de pluie
Le recyclage des eaux usées a l’avantage d’être beaucoup moins cher. D’ici à 2015, les capacités mondiales de recyclage des eaux devraient plus que doubler pour passer à 20 km3 par an, contre 7,1 aujourd’hui d’après Entreprises pour l’Environnement. De nombreuses recherches sont en cours dans ce domaine, notamment pour rendre l’eau issue des stations d’épuration potable et utilisable à des fins alimentaires.
Autre solution économique, la récupération des eaux de pluie. Elle est encore peu développée sauf dans les pays secs, pourtant elle nécessite des investissements réduits et l’eau récupérée est gratuite.
La détection des fuites dans les réseaux est aussi un enjeu important dans les pays émergents comme dans les pays industrialisés. Chaque année, on estime que 5 milliards de mètres cubes d’eau s’échappent en pure perte des tuyaux. La plupart des fuites sont dues au mauvais état des systèmes de canalisation. La France n’échappe pas à ce problème. Selon le Cemagref, les déperditions atteindraient l’équivalent de 20 % des eaux consommées dans notre pays. Plus de la moitié des 850.000 kilomètres de canalisations datent des années 1970. La réduction des fuites fait partie des objectifs fixés par une directive européenne de 1998 sur la qualité de l’eau ainsi que par le Grenelle de l’environnement.
Les sociétés de gestion innovent via des systèmes de détection plus rapides et plus performants, comme une surveillance à distance par détection acoustique (repérage des bruits générés par la fuite) ou le recours à un gaz traceur (injection d’un gaz inerte dans l’eau sous pression, détecté à la surface du sol lorsqu’il s’échappe à l’endroit de la fuite).
Un secteur économique porteur
Pour les entreprises, ces nouveaux secteurs représentent des marchés considérables et à multiples facettes. En matière de distribution, de gestion et de traitement de l’eau, la France est en pointe, avec les deux leaders mondiaux, Veolia Eau et Suez Environnement. Le premier alimente plus de 80 millions de personnes en eau potable, le second 76 millions.
Derrière ces deux géants, l’Ile-de-France compte de nombreuses PME qui traquent les marchés au-delà des frontières de l’Hexagone. C’est le cas par exemple de la société Eau pure, spécialisée dans le traitement des eaux municipales et industrielles, implantée en région parisienne et dans le Jura, qui vient de lever des fonds pour accélérer son développement. Déjà présente au Chili, au Vietnam et au Maghreb, elle vise d’autres pays.
Des PME se développent également, comme Hydrasol (Hauts-de-Seine) qui propose des solutions pour piloter au mieux l’arrosage, Hydroconcept (Yvelines) avec des technologies pour le traitement des eaux usées industrielles ou encore Aqua Tools (Yvelines), qui commercialise des kits pour le contrôle qualité microbien dans les installations d’eau. Des « Blue techs » qui comptent profiter des énormes besoins du secteur pour se développer et créer des emplois.
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Cet article se trouve dans le dossier :
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