Fondée en 2015, la SBTi (Science-based targets Initiative) est une organisation créée par le CDP (Carbon Disclosure Project), le Pacte mondial des Nations Unies (UN Global Compact), le World Resources Institute (WRI) et le World Wide Fund for Nature (WWF). Son travail est d’élaborer des normes et des outils pour permettre aux entreprises d’atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici à 2050 au plus tard, mais aussi de valider leur trajectoire pour atteindre cet objectif. Elle est aujourd’hui l’un des principaux labels dans le domaine de la décarbonation des entreprises et revendique accompagner plus de 4 000 groupes du secteur privé, dont des multinationales. Cette organisation se retrouve aujourd’hui dans la tourmente et est même accusée de greenwashing.
En cause : un communiqué publié en avril dernier, dans lequel la SBTi annonce avoir démarré des travaux de révision de sa norme phare appelée Corporate Net-Zero. Elle précise qu’elle a l’intention d’autoriser l’utilisation de certificats d’attributs environnementaux (CAE) à des fins de réduction des émissions de scope 3, considérant dorénavant que les crédits carbone sont un outil supplémentaire pour lutter contre le changement climatique. Ce virage est le fruit de nombreuses consultations sur ce sujet et la SBTi écrit : « qu’un premier projet de règles de base, de seuils et de garde-fous pour l’utilisation potentielle des certificats d’attributs environnementaux à des fins de réduction des émissions de scope 3 sera publié par SBTi d’ici juillet 2024. »
Les scopes sont des catégories d’émissions de gaz à effet de serre utilisées lors de la réalisation de bilan carbone. Alors que les émissions des Scopes 1 et 2 sont liées aux opérations propres d’une entreprise, celles du Scope 3 englobent toutes les émissions indirectes se produisant sur la chaîne d’approvisionnement en amont et en aval de l’entreprise. Elles sont liées à l’achat de marchandises, de matières premières et de services, ainsi qu’à l’utilisation des produits ou services vendus. Or, dans certains secteurs, comme celui des fournisseurs de carburants, le scope 3 peut représenter la grande majorité des émissions d’une entreprise.
Ne pas contrevenir aux principes fondamentaux de la comptabilité carbone
L’annonce de la SBTi a provoqué de nombreuses réactions d’acteurs de l’action climatique, à commencer par les propres employés de cette organisation qui accusent son conseil d’administration d’avoir pris cette décision sans consulter son conseil technique, et qu’elle porte préjudice à la crédibilité du label.
De son côté, Carbone 4 se montre très critique et juge cette position contraire au consensus scientifique et qu’elle contrevient aux principes fondamentaux de la comptabilité carbone. Ce cabinet de conseil spécialisé sur les enjeux d’énergie et du climat considère que le recours aux crédits carbone entretiendrait l’illusion selon laquelle une entreprise peut seule, uniquement à coups d’euros, se débarrasser du problème. « Or, l’une des vertus principales du fameux scope 3 (sa principale difficulté aussi) réside précisément dans l’exigence de coopération qu’il implique : il permet ainsi de resituer l’entreprise dans son réseau d’attachements, d’embarquer, au-delà de soi, d’autres acteurs, par un jeu d’influences mutuelles. »
En réponse à ces critiques, dont celle émanant du magazine Bloomberg, la SBTi a publié une réponse dans laquelle elle informe qu’aucune norme n’a pour le moment été modifiée et aucun changement ne pourra ou ne sera apporté tant que la procédure opérationnelle standard approuvée pour l’élaboration de normes n’a pas été achevée. En clair, le Conseil technique de cette organisation recevra le projet de la nouvelle norme Corporate Net-Zero pour examen et approbation, puis il sera soumis au Conseil d’administration.
Au mois de juillet, la SBTi doit publier un document de discussion présentant un point de vue préliminaire sur l’évolution du cadre conceptuel de cette organisation pour la définition des objectifs du scope 3. Le projet de nouvelle norme sera soumis à une consultation publique qui devrait avoir lieu d’ici à la fin de l’année 2024.
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