Le Grand défi des entreprises pour la planète, cofondé par Virginie Raisson-Victor, géopolitologue et prospectiviste, et Jérôme Cohen, président fondateur d’Engage, a fait travailler pendant plus d’un an une centaine de délégués – des dirigeants, des salariés et des actionnaires d’entreprises – pour aboutir à une liste de 100 propositions visant à enclencher la bascule écologique des entreprises françaises. Techniques de l’ingénieur revient avec Virginie Raisson-Victor sur l’aboutissement d’un long processus qui propose des mesures internes, transversales et externes à l’entreprise.
Techniques de l’ingénieur : Pourquoi avoir lancé ce Grand défi et comment s’est-il déroulé ?
Virginie Raisson-Victor : Au départ avec Jérôme Cohen, nous voulions accélérer la transition des entreprises pour que leurs activités rentrent dans les limites planétaires. L’activité des entreprises doit être positive sur le plan économique, mais non destructrice de la nature.
On a tiré au sort 120 000 entreprises, puis retenu 100 délégués. Parmi eux : des dirigeants, des salariés et des actionnaires. Ils ont travaillé pendant 12 mois au cours de 6 sessions pour élaborer 100 propositions visant à accélérer la transition écologique de l’économie. Suite à la présentation de ces propositions au CESE[1] qui a eu lieu le 9 février 2023, les délégués deviendront des ambassadeurs au sein de leurs entreprises et de leurs réseaux.
Comment pousser les entreprises à s’emparer de ces propositions ?
La première chose que nous avons faite est d’associer les parties prenantes du processus en amont de notre travail. On a commencé par y associer une communauté : on a plus d’une centaine de partenaires institutionnels et associatifs, des réseaux d’entreprises, des réseaux étudiants, la CFDT, des collectifs de salariés, des associations écologistes comme le WWF, des collectivités territoriales et des entreprises marraines. Cela va d’Entreprises pour l’Environnement qui représente des entreprises du CAC 40 au Mouvement Impact France qui a une vision plus radicale sur le sujet.
L’idée est que chacun de ces partenaires s’empare des propositions et les porte à débat ou à présentation dans ses structures. On ira nous-mêmes porter ces propositions auprès des élus, des pouvoirs publics et du gouvernement.
Comment classez-vous vos propositions ?
Il y a onze catégories de propositions qui englobent l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise et proposent un parcours de transformation. On aborde sa gouvernance, l’engagement des acteurs de l’entreprise dans ce processus et le financement de la transition. On s’intéresse à son outil de production, que cela concerne le site, les approvisionnements, et la production elle-même. Ensuite, il y a des volets sur l’emballage du produit, le suivi de la distribution, la communication, la comptabilité et la rémunération.
Plusieurs propositions sont directement applicables par les entreprises. D’autres s’adressent davantage aux collectivités territoriales, aux pouvoirs publics ou à l’État. Il s’agit de mesures d’accompagnement et éventuellement de modifications réglementaires, sans lesquelles les entreprises ne pourront pas lancer certains aspects de la transition.
Quelles sont les propositions que vous jugez prioritaires ?
J’affectionne particulièrement les solutions éprouvées et qui fonctionnent. Par exemple, je suis membre de comités de mission. Je trouve que c’est remarquable comme outil pour entamer un parcours durable et suivi dans la durée. Quand on devient entreprise à mission, on a une raison d’être. On est obligé de trouver son lien avec l’intérêt général. On replace donc l’intérêt général dans l’entreprise. Ensuite, on associe des missions à la raison d’être. On se donne des objectifs et une grille d’indicateurs pour suivre la trajectoire. Le comité de mission est là en accompagnement et en surveillance de cette évolution.
J’aime aussi l’objectif de mettre en place la comptabilité en triple capital à l’horizon 2030 [qui ajoute la performance sociale et la performance environnementale à la performance économique, ndlr]. Elle donne une valeur à ce qui aujourd’hui n’en a pas assez : la valeur humaine et environnementale. Actuellement, le prix d’un produit ou d’un service ne répercute pas la valeur environnementale ou sociale. Il répercute éventuellement la spéculation sur sa rareté. À partir du moment où l’on donne une valeur aux ressources ou au processus qui a permis de réduire son empreinte écologique, on reclasse les priorités. Dès lors, on définit un prix qui est plus compatible avec une économie écologiquement et socialement durable.
[1] Conseil Économique Social et Environnemental
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