Alors que l'état français a réussi à développer un réseau ferré efficace pour le transport des personnes, il n'en est pas de même pour le transport de marchandises. Ce secteur, sous perfusion financière depuis des années, ne parvient pas à développer un modèle d'exploitation rentable.
« La France a un potentiel ferroviaire de premier plan qui doit être sauvegardé et développé. C’est pourquoi pour la première fois tous les acteurs de la filière fret se sont mobilisés dans une alliance et travaillent main dans la main pour proposer un plan qui réponde aux grands enjeux environnementaux et sociétaux. » Cette phrase a été prononcée il y a à peine un an par Marc Tuffereau, coordinateur de 4F, l’alliance qui réunit les acteurs du fret ferroviaire en France. Créée en 2020, l’alliance 4F vise à redynamiser une filière en difficulté, et à s’adapter au contexte inédit depuis plus de deux ans. Le plan en question, adopté par le gouvernement, entend doubler la part du fret ferroviaire d’ici à 2030, avec trois objectifs :
- Trois fois plus de transport combiné rail route et 50 % de plus de transports de fret conventionnels ;
- Des trains longs (750 à 1 500 mètres) et lourds (jusqu’à 3 000 tonnes), transeuropéens et à haute productivité, sur des artères électrifiées et permettant le transport de semi-remorques ;
- Des plateformes territoriales pour alimenter les trains européens, avec la réappropriation de leur potentiel ferroviaire par les Régions, les métropoles et les territoires.
Un secteur sous perfusion
Pour mener à bien ces missions, l’Etat a annoncé au mois de septembre dernier, par l’intermédiaire du Ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, un plan de soutien pour le fret ferroviaire de 170 millions d’euros par an jusqu’en 2024. Le tout pour soutenir et relancer une filière sous-utilisée en France, malgré un réseau ferré très performant. Est-ce que cette enveloppe suffira à relancer une filière nationale en difficulté depuis plusieurs décennies – en 1984, le transport de marchandises par voie ferroviaire assurait 30 % du trafic, contre 9 % en 2018, avant la crise sanitaire – et qui n’arrive pas à s’imposer, alors qu’elle a de nombreux atouts ? Ainsi, le transport de marchandises par train est beaucoup moins polluant que son équivalent routier. D’ailleurs, la volonté de développer un modèle de fret mixant ferroviaire et routier est encore aujourd’hui la volonté de l’Etat, et aussi celle des citoyens qui ont exprimé cet avis à l’occasion de la convention citoyenne sur le climat.
L’objectif reste le transport combiné
Aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 9% du transport de marchandises en France. Il est pourtant neuf fois moins polluant que le fret routier, et six fois moins énergivore.
Alors pourquoi ? Les avantages écologiques de fret ferroviaires sont incontestables, l’Etat soutient la filière, et pourtant les lignes de fret continuent de fermer, comme la très symbolique ligne Perpignan-Rungis. Cette ligne historique, fermée car les trains circulaient à vide, a depuis repris son activité.
Le fret ferroviaire n’est pas compétitif économiquement aujourd’hui, et a absolument besoin des perfusions de l’Etat pour continuer son service : les convois de wagons ne sont pas assez longs, les wagons circulent parfois à vide, les incidents (pannes, arbre sur la voie, souci mécanique…) sont nombreux, qui plombent la compétitivité du secteur dans un secteur -la logistique- ultra concurrentiel. La volonté de l’Etat de développer les transport combinés, qui pourraient voir un conteneur être déchargé d’un navire pour être chargé sur un train, et in fine sur un camion implique que le fret ferroviaire puisse s’intégrer dans cette chaine logistique sans la ralentir. Aujourd’hui ce n’est pas le cas, alors même que l’Etat cherche désespérément des solutions pour diminuer le fret routier.
Selon les experts de l’alliance 4F, il faudrait 15 milliards d’euros pour réellement relancer la filière, et mettre en place, au niveau des infrastructures et du réseau, les solutions d’exploitation qui permettront de rattraper le retard français sur le fret ferroviaire, en termes de compétitivité.
Le prix par kilomètres du fret ferroviaire tricolore est 30% plus cher que chez nos voisins allemands. Concrètement, le réseau ferré français est exploité en premier lieu pour le transport de passagers. C’est cette dichotomie que l’Etat n’arrive pas à résoudre. Comment développer à la fois un service de transport de voyageurs et de marchandises sur un réseau commun en grande partie, et faire en sorte que ces deux services soient compétitifs ?
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