Le cinquième Forum mondial de l'eau qui s'est tenu du 15 au 22 mars 2009 à Istanbul a laissé un goût d'inachevé, suite à l'incapacité des pays participants à s'entendre sur la notion d'un droit d'accès à l'eau. Le forum a malgré tout été l'occasion de faire le point sur l'innovation et la recherche en matière de gestion de l'eau.
Vingt mille personnes grouillaient autour des kiosques thématiques internationaux ou commerciaux, assistant aux sessions politiques, d’information et d’actualité, nouant des relations sociales dans les couloirs… Tous cherchaient des solutions pour une meilleure gestion de l’eau.Aucun nom n’aurait pu mieux convenir qu’« établir des ponts » pour cette conférence à Istanbul. Istanbul est une ville reliant l’Asie à l’Europe, marquée par le mélange de nombreuses cultures et où les bâtiments religieux ont abrité des croyants et des objets de différentes fois.Si on se fie à la couverture médiatique du forum, il semble bien que les divergences n’aient pas été aplanies. A l’extérieur, les manifestants dénoncent la privatisation de l’eau et la construction de barrages alors qu’à l’intérieur, les spécialistes discutent de la meilleure façon pour les gouvernements de travailler avec les opérateurs privés pour améliorer les services de l’eau, ainsi que de l’utilité des barrages pour aider à gérer des ressources en eau rares et variables.Pourtant, comme témoin, il m’a semblé que le fossé était moindre que ce qu’il y paraissait, et certainement moindre qu’il y a dix ans. Les positions et les actions des deux côtés sont plus nuancées. Il y aura toujours des différences profondes mais le débat passionné contribue à faire avancer les choses.
Les questions sur le droit d’accès à l’eau restent en suspensD’une certaine façon, la recherche de ce juste milieu entre l’opinion publique et ce que l’on appelle l’opinion des experts, illustre parfaitement ce qu’il doit se passer avec le changement climatique. Pour réduire le changement climatique et nous y adapter dans le secteur de l’eau, il nous faut choisir entre plusieurs options, dont aucune n’est facile. Nombreuses sont celles qui ont également des effets pervers. Il n’y a pas de solution facile. Ces dernières peuvent avoir des inconvénients imprévus. Par exemple, de nombreuses personnes pensent qu’il suffit d’encourager les agriculteurs qui dépendent de l’irrigation, à pratiquer l’irrigation par goutte à goutte pour obtenir la même récolte avec moins d’eau et en garder ainsi pour la consommation urbaine. Malheureusement, cela ne marche pas comme ça. L’irrigation par goutte à goutte pousse les agriculteurs à intensifier ou à étendre leur production, en utilisant la même quantité d’eau, voire plus s’ils peuvent exploiter la nappe phréatique. Nous produisons plus mais sans laisser plus d’eau pour les autres.Dans les endroits où on utilise déjà plus d’eau qu’il n’y en a de disponible (c’est le cas dans la majeure partie du Moyen Orient, de la Chine du Nord et dans certaines parties de l’Inde), la seule manière d’avoir une pratique de développement durable est de réduire le droit d’accès à l’eau des individus. Ce n’est évident ni pour ceux qui doivent faire avec moins d’eau ni pour les politiques qui doivent prendre la décision. Un participant australien nous a montré en s’appuyant sur un graphique les efforts de son gouvernement pour revenir sur le droit d’accès des utilisateurs quand sa première attribution n’était pas durable.Pour moi, cela signifie que notre réflexion et notre prise de décision sont plus robustes que nous ne le supposons. Le caractère volontaire des débats, même s’ils sont chaotiques et que certains participants sont moins bien disposés que d’autres, laisse entrevoir un avenir meilleur. Nous avons besoin de meilleurs résultats pour pouvoir innover et investir à la hauteur nécessaire, et nous assurer que les décisions prises n’affectent pas les groupes les plus vulnérables et sont acceptables sur le plan politique.
L’importance de soutenir les projets de petite et grande échelleNous savons tous que ce qui prime, ce sont les innovations. Certaines, intéressantes, ont été présentées ici. En voici deux exemples très différents, l’un en provenance du secteur privé, l’autre du secteur public.Sous le chapiteau commercial, les compagnies vendent des centrales de dessalement de la taille du refroidisseur d’eau qui se trouve dans mon bureau, pouvant fournir de l’eau pour une famille ou être couplées ensemble pour subvenir aux besoins d’une petite communauté. S’attaquant ainsi au problème d’échelle dans le processus de dessalement, elles apparaissent comme la solution pour les communautés dans les petites îles ou les zones côtières éloignées. Cela pourrait aussi ouvrir la voie à une série de petites usines le long des côtes, en lieu et place des très grosses usines et des pipelines qui transportent l’eau avec l’inefficacité qu’ils comportent. Et cela pourrait aider à lutter contre la pénétration saline dans l’aquifère, supposée aggraver le changement climatique. D’après le vendeur, le prix de l’eau produite dans ces unités n’est pas tellement plus cher que dans les grandes centrales. Une compagnie parle de 3.5 kWh pour 1.000 litres. Même si on a à peine dépassé le stade de la planche à dessin, cette technologie semble se développer rapidement.D’autre part, dans le centre d’information, les scientifiques de la NASA nous ont parlé de leurs travaux avec les agences hydrologiques du Moyen Orient pour mesurer la balance hydrique. Combien y-a-t-il a d’eau disponible, où est elle utilisée ? Ils vont combiner les derniers modèles et les informations par satellites pour fournir des mesures quotidiennes. On utilise le meilleur du savoir des Etats-Unis et du Moyen Orient pour résoudre un grave problème mondial. Les informations seront rendues publiques, ce qui devrait entraîner une boucle de rétroaction en termes de performance.Julia Bucknall est chercheuse à la Banque mondiale où elle travaille sur la gestion de l’eau, les investissements dans les infrastructures et l’irrigation au Moyen Orient et en Afrique du nord. Elle participe au blog Development in a Changing Climate, des co-auteurs d’un rapport à venir de la Banque mondiale, World Development Report 2010.
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