Face à la pollution de l’air et ses effets significatifs sur la santé et les écosystèmes, la France a mis en place un dispositif, comprenant notamment des stations de mesure, pour les surveiller. Ce dispositif ne cesse d'évoluer au gré de nouvelles réglementations et de la nécessité d'améliorer la qualité de l'air, ainsi que face à l'arrivée de nouveaux équipements et aux avancées de la science.
La pollution de l’air produit de multiples effets négatifs. Chaque année, environ 40 000 décès prématurés lui sont attribués, selon Santé publique France. Une commission du Sénat a quant à elle chiffré son coût sanitaire annuel à environ 100 milliards d’euros. Les écosystèmes ne sont pas épargnés, en particulier les cultures agricoles, dont les rendements peuvent par exemple souffrir de concentrations en ozone trop élevées. Tout comme le bâti et les matériaux, qui se dégradent sous l’effet d’une exposition prolongée à différents polluants (dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, carbone suie…).
Face à cette situation, l’Europe impose à chaque État membre de surveiller certains polluants dits réglementés et a établi des seuils à ne pas dépasser. Même si la pollution a globalement tendance à baisser en France, sous l’action de politiques publiques telle que la limitation des émissions industrielles, l’État est malgré tout régulièrement condamné par Bruxelles, pour non-respect du seuil réglementaire du dioxyde d’azote (NO2) et des particules. Les dépassements sont surtout observés dans de grandes agglomérations, comme à Paris, Lyon ou encore Marseille, et sont liés notamment à la densité du trafic routier.
Le ministère de l’Environnement a la responsabilité de la surveillance de la qualité de l’air sur tout le territoire national, ainsi que la prévention et l’information du public. C’est lui aussi qui définit la réglementation, en accord avec les dispositions européennes. En plus de la surveillance des polluants réglementés, l’État français a décidé d’aller plus loin et a défini une liste de polluants d’intérêt national (PIN) à mesurer. Celle-ci regroupe un peu plus de 70 pesticides, certaines espèces chimiques présentes dans des particules fines (carbone suie, ammonium…) ainsi que les particules ultrafines.
Certains seuils réglementaires risquent d’être abaissés
La coordination technique du dispositif national est assurée par le LCSQA (Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air), tandis que la mise en œuvre des mesures est confiée aux AASQA (Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air). On en dénombre 18, une dans chaque région, y compris dans les territoires d’outre-mer, et Airparif est l’une d’entre elles pour la région Île-de-France. Au total, environ 650 stations fixes sont déployées sur toute la France. Outre la surveillance des polluants dits « réglementés » et ceux d’intérêt national (PIN), d’autres mesures supplémentaires peuvent aussi être réalisées, notamment celles de polluants dits « prioritaires » qui ont été mis en évidence dans un rapport de l’ANSES publié en 2018.
Le dispositif français de surveillance est en constante évolution. Il doit se mettre en conformité avec les directives européennes, qui sont régulièrement mises à jour, la prochaine étant programmée à la fin de cette année. « Pour l’instant, rien n’a fuité, mais des seuils réglementaires vont probablement être abaissés, confie Marc Durif, directeur du LCSQA. Certains polluants, dont la surveillance n’avait pas un caractère obligatoire, pourraient le devenir comme les particules ultrafines inférieures à 0,1 micromètre ou encore l’ammoniac (NH3). Cette substance, d’origine principalement agricole, a la particularité d’être un précurseur d’aérosols lorsqu’elle s’associe à des oxydes d’azote (NOx), dont les émissions sont liées aux villes et au trafic routier. Ce processus est bien connu et peut conduire à des épisodes de pollution atmosphérique au printemps au moment des épandages d’engrais dans les champs. »
Des progrès technologiques et l’arrivée de nouveaux instruments de mesure participent aussi à faire évoluer le dispositif de surveillance. Aux côtés des 650 stations fixes déployées par les AASQA, sont ainsi apparus il y a quelques années des microcapteurs. « Ils sont plus légers et moins chers que les instruments de référence, complète Marc Durif. Ce sont aussi des instruments moins fiables que les appareils de référence, mais qui aident à améliorer les outils de modélisation pour cartographier les polluants à l’échelle de tout un territoire. Et demain, ces outils numériques vont s’enrichir également de nouvelles données, notamment satellitaires. »
Évaluer les inflammations observées dans les cellules pulmonaires
Alors que jusqu’ici, la surveillance de la pollution de l’air est réalisée grâce à la détermination de concentration massique de gaz ou de particules, des travaux de recherche sont en cours pour non plus quantifier les polluants, mais déterminer leurs effets sanitaires. La technique envisagée consiste à évaluer le potentiel oxydant de certains composés, afin de déterminer leur capacité à créer des inflammations au niveau des voies respiratoires humaines, notamment sur les cellules pulmonaires. « Cette technique peut être très intéressante face aux pollutions particulaires qui contiennent plusieurs composés différents, comme des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), des métaux…, ajoute Marc Durif. En travaillant sur le potentiel oxydant, il est possible de prendre en compte le mélange de composés présents dans les particules et son éventuel effet sanitaire sur les populations. » Mais ce nouveau procédé est encore au stade de la recherche. « On est loin de basculer dans un déploiement opérationnel de cet outil, mais nous allons poursuivre ces travaux afin d’évaluer le potentiel de cette technique dans notre réseau de surveillance. »
Des réflexions sont également en cours au sein du dispositif afin de déployer des protocoles de mesures harmonisés de nouvelles substances à l’échelle nationale dans les AASQA. C’est notamment le cas de l’ammoniac, un précurseur de particules, comme évoqué un peu plus haut, mais aussi du sulfure d’hydrogène (H2S). Ce composé est issu de la décomposition des macroalgues vertes ou brunes, en particulier sur les côtes ouest métropolitaines, ainsi que dans certains territoires d’outre-mer.
Toutes les mesures réalisées par les AASQA remontent ensuite vers la plate-forme Geod’air qui recueille à ce jour plus de 170 millions de données depuis 2013. « Tout le monde peut consulter les résultats pour connaître les concentrations de polluant dans les stations de mesure près de chez lui, précise Marc Durif. Les données peuvent aussi être utilisées pour faire de la modélisation. »
Et parce que la pollution ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone, les données du dispositif de surveillance français sont envoyées en temps réel à l’agence européenne de l’environnement, où elles peuvent par exemple être récupérées par la plate-forme Copernicus. Celle-ci offre un service open source sur la qualité de l’air à l’échelle de l’Europe, et toutes les données peuvent être exploitées par des sociétés privées. Apple, notamment, s’en sert indirectement pour faire fonctionner son application « Air quality ».
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