Une équipe de recherche du Centre d'études de la neige a analysé les conséquences de la présence de poussières minérales et de carbone suie dans la neige au Col du Lautaret dans les Alpes. Ces impuretés ont pour effet d'augmenter la vitesse de fonte du manteau neigeux.
La neige est l’un pilier de notre système climatique. Grâce à sa blancheur et à son effet albédo, elle réfléchit l’énergie solaire qui, au lieu d’être absorbée par la terre, est renvoyée dans l’atmosphère. Un mécanisme important qui permet de réguler le climat. Par contre, la présence d’impuretés, telles que le carbone suie ou les poussières minérales, va modifier sa couleur et entraîner une diminution de l’effet albédo. Coordonné par le Centre d’études de la neige (CEN), le projet EBONI étudie ce phénomène qui provoque notamment une augmentation de la vitesse de fonte du manteau neigeux.
« Même une neige parfaitement propre ne renvoie pas 100 % de l’énergie lumineuse, mais autour de 90 %, explique Marie Dumont, directrice du CEN et chercheuse. Suite aux dépôts massifs de poussières sahariennes dans les Alpes et les Pyrénées en février dernier, nous avons observé une réduction de l’effet albédo autour de 50% sur le col du Lautaret dans les Alpes. Ce phénomène est plutôt rare, mais je ne pense pas qu’il soit exceptionnel. »
Durant deux saisons, les scientifiques ont réalisé des campagnes d’analyses sur ce même col afin de mesurer les concentrations en impuretés dans la neige. La présence de carbone suie a été détectée, à raison de 0 et 80 nanogrammes par gramme de neige ; un chiffre relativement fréquent dans de la neige alpine. Ces particules proviennent de la combustion incomplète émanant des véhicules, d’usines ou de feux de forêt.
En additionnant la présence de ce carbone suie à celle de poussières minérales, provenant localement de terres nues ou de sables du Sahara, les chercheurs ont démontré que ces deux éléments provoquent une augmentation de l’énergie solaire supplémentaire absorbée par la neige comprise entre 50 et 200 watts par m². Un chiffre significatif, d’autant plus que sur les deux années de prélèvements, la quantité de poussières minérales dans la neige était relativement faible. « La présence de ces impuretés modifie la vitesse de fonte de la neige, déclare la chercheuse du CEN. Nous avons calculé qu’elles provoquent un raccourcissement moyen de la fonte de l’ordre de 10 jours. C’est un résultat non négligeable car cela signifie que l’eau est donc disponible 10 jours plus tôt. »
Les particules modifient la structure interne du manteau neigeux
Ce travail de recherche s’est concrétisé par la construction d’un modèle numérique permettant d’analyser les interactions entre la neige et les particules. Les deux campagnes d’analyse au Col du Lautaret ont permis d’étalonner ce nouvel outil. Ce dernier permet à présent de mieux prévoir l’évolution du manteau neigeux. En plus de son effet albédo et son rôle positif pour le climat, la neige représente également une ressource en eau importante pour l’agriculture, les écosystèmes, ainsi que pour la production d’hydroélectricité. Sa présence constitue aussi un bon isolant pour le sol et permet la régulation de sa température. La compréhension de l’évolution du manteau neigeux, dans un contexte de changements climatiques, est aussi essentielle pour mieux gérer les risques naturels comme les avalanches et les crues nivales.
Le projet EBONI a aussi consisté à étudier les effets indirects des impuretés sur la structure interne tridimensionnelle du manteau neigeux. La neige est un matériau poreux, composé d’air et de glace, et sa couleur est corrélée à sa structure. Par exemple, une neige fraîche venant de tomber se caractérise par une structure très fine et une capacité à réfléchir l’énergie solaire plus importante qu’une neige plus ancienne, car sa structure est grossière. Les scientifiques ont démontré que la présence de particules modifie indirectement la structure et donc la couleur de la neige, ce qui entraîne une diminution de l’effet albédo et augmente la vitesse de fonte.
Partant de ces analyses, les chercheurs ont étudié l’impact des particules sur la stabilité mécanique du manteau neigeux et le lien avec les avalanches. Ils révèlent que cet impact va dépendre des conditions météorologiques. Lorsque ces particules sont aussitôt recouvertes par une couche de neige, elles ne favorisent pas le risque d’avalanche. Par contre, lorsqu’un dépôt de poussière fait fondre légèrement la surface de la neige puis que des chutes de neige viennent la recouvrir quelques jours plus tard, alors une couche de neige fragile se forme et va potentiellement déclencher des avalanches. Ce risque est d’autant plus important que la pente est exposée au sud.
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