Quelques jours après le RFID show, Laurent Gonzalez, consultant et cofondateur de l’association Fil RFID, tire un bilan positif pour le secteur. Le degré de réflexion en matière de projets RFID est passé à un stade supérieur et cela devrait se concrétiser. Cependant certains freins persistent, comme les bandes de fréquences, la crise économique ou encore la gestion des données privées.
;Techniques de l’ingénieur : Quel bilan tirez-vous du RFID show qui s’est tenu fin mars à Paris ?
Laurent Gonzalez : Par rapport aux autres années, il est intéressant de noter que le degré de réflexion est passé au stade supérieur. Aujourd’hui, on parle de gestion des données et de système d’information. Il y a deux ou trois ans, on se demandait ce qu’est un tag… Que ce soient les PME ou les grands groupes, tous posent des questions qui reflètent un certain degré de maturité. Cela devrait maintenant se concrétiser. Les intégrateurs ont constaté qu’il y avait moins de monde que les autres années, mais des acteurs prêts à sauter le pas.
Quel état des lieux de la RFID en France dressez-vous ?
La France a rattrapé son retard par rapport aux autres pays, sous l’impulsion d’entreprises comme Carrefour, Airbus ou encore Rica Lewis. Dans le textile, on observe une pénétration de la RFID. Il se développe également des applications dans le contrôle d’accès, par exemple pour le Grand prix de Formule 1. Une percée s’opère ainsi dans plusieurs secteurs. Aujourd’hui, il faudrait un projet plus large pour « mailler » l’ensemble. Si un tissu d’entreprises intéressées par la démarche se constitue, elles pourront mieux partager la valeur ajoutée. Pour la supply chain, l’event management devient un impératif. Par exemple, cela peut permettre de rappeler un produit très vite en cas de crise ou d’échec d’une promotion. Il faut alors gérer l’événement, partager les informations entre acteurs pour déclencher une action.
Quels sont les freins au développement de la RFID ?
Les bandes de fréquence ne sont pas les mêmes selon les régions, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Il faudra arriver à une convergence, cela passe entre autre par la normalisation, mais aussi par la réglementation, notamment au niveau européen.
La crise constitue aussi un frein, il est plus difficile de convaincre. Je pense qu’il faut insister sur la valeur ajoutée apportée par la RFID.
Il existe également une crainte sur le caractère privé des données. Le sujet va être traité par la Commission européenne, en concertation avec les industriels et les associations de consommateurs.
Par ailleurs, on a l’impression que ce sont toujours les mêmes qui font de la RFID. Dans le cadre de l’association Fil RFID, je me rends compte que ce n’est pas le cas. Nous avons donc mis en ligne une base de données pour mettre en avant des retours d’expérience (NDRL : www.race-networkrfid.eu).
Le coût des technologies ne constitue-t-il pas un frein ?
Ce n’est pas la vraie question. Il faut raisonner par application. Lorsque l’on améliore un procédé, il faut prendre en compte le coût mais aussi tout ce que cela génère.
Quelle est la situation aux Etats-Unis ?
Les initiatives sont plus nombreuses. Dans le RFID Journal, on peut constater qu’il se développe chaque jour une application nouvelle. Le salon qui a lieu en Floride est un événement très important. Concernant les données, les Américains ont une approche plus pragmatique et plus orientée marché.
Et en Asie ?
J’ai vu des entreprises asiatiques qui venaient sur le salon RFID pour démarcher des partenaires. La Chine a réalisé l’une des plus grandes expériences de contrôle d’accès des personnes. Compte tenu de la population de ce pays, les projets prennent tout de suite une autre envergure.
Pourriez-vous donner un exemple d’application de la RFID ?
L’exemple d’Edifret qui a équipé des wagons en puces donne une idée de ce que cela peut apporter (voir encadré ci-dessous). D’autant plus qu’Edifret a travaillé avec d’autres partenaires sur ce projet. La logique du consortium me semble très intéressante.
On parle beaucoup de l’Internet des objets. A quel horizon va-t-il se développer ?
La Commission européenne finance en ce moment beaucoup de projets sur l’Internet des objets. C’est une évolution naturelle. Quand sera-t-elle effective ? Cela dépendra notamment de la sortie de crise et de la capacité à lever le frein des craintes concernant les données privées. Cela passe aussi par la capacité des entreprises à offrir des services innovants et reconnus comme des besoins par les particuliers et par les entreprises.
Propos recueillis par Corentine Gasquet
Le retour d’expérience d’Edifret
Lors du RFID show, Edifret, filiale de SNCF-Geodis, a présenté un projet ambitieux utilisant la RFID pour la traçabilité des wagons. Auparavant, la traçabilité s’opérait principalement par saisie manuelle (pour une information 48 heures après) ou par suivi GPS (ce qui pose le problème de la durée de vie des piles et du coût). Edifret a dû faire face des contraintes spécifiques : poussière, bruit, interférence métallique, vitesse, distance… Le coût d’équipement d’un wagon est inférieur à 15 euros. Les bornes, installées sur les sites industriels, reviennent à 7.000 euros. Elles sont alimentées par panneaux solaires. Elles sont déployées sur 10 sites pilote, avec pour objectif d’atteindre 40 sites en Europe. Pour Edifret, la RFID a de nombreux intérêts, notamment :
- améliorer la rotation des wagons ;
- optimiser le temps de stationnement ;
- réduire le nombre de litiges entre chargeurs et entreprises ferroviaires ;
- réduire le délai de facturation pour les entreprises ferroviaires ;
- réduire le coût de saisie des opérations.
Parcours
Laurent Gonzalez, cofondateur de l’association Fil RFID, dirige le pôle de conseil en technologie RFID du cabinet Trévise-Consulting. Il a été membre du projet GTAG (identification des objets par la radiofréquence dans la chaîne d’approvisionnement) pour les organisations de standardisation EAN*UCC (Uniform code council). Il dispose par ailleurs de plus de dix ans d’expérience opérationnelle en supply chain, en Europe, pour des entreprises comme Kimberly Clark, Bacardi, ou l’Oréal. Il est l’auteur de RFID : Les enjeux pour l’entreprise ! aux Editions Afnor.
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