Décryptage

Le début d’une impulsion mondiale ?

Posté le 17 décembre 2015
par Matthieu Combe
dans Environnement

La COP21 marque le début d’un long processus incluant non seulement les Etats et les grandes ONG mais aussi l’ensemble de la société civile au niveau planétaire, les collectivités, les villes et les citoyens. Et si nous entrions dans une nouvelle ère post-carbone signant la fin des énergies fossiles, la naissance d'entreprises plus responsables et de villes durables?

En clôture de la COP 21, François Hollande a tenu à souligner « Nous entrons dans l’ère du bas carbone, c’est un mouvement puissant et irréversible. Ce mouvement va bien au-delà des Etats et des Gouvernements. Des milliers de régions, de provinces, de villes se sont engagées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Des entreprises, le secteur financier ont décidé de réorienter nos investissements vers les secteurs bas-carbone ». « Ici à Paris, nous avons lancé de multiples initiatives : l’initiative africaine pour apporter l’électricité à tous, une alliance a été conclue pour le développement de l’énergie solaire, pour les innovations, pour partager les technologies », a-t-il rappelé.

Lors de la COP21, plusieurs opérations mondiales ont en effet été lancées. Elles adressent un message fort aux marchés financiers et aux investisseurs : le futur est aux énergies renouvelables ! Au premier jour de la COP, le 30 novembre, tout d’abord, en présence de 29 chefs d’Etat et de gouvernement, François Hollande, et le Premier Ministre indien ont lancé l’Alliance solaire internationale (ISA). Elle vise à rassembler 120 pays, regroupant 4,5 milliards d’habitants, pour créer un marché suffisamment vaste et homogène en matière de conditions de construction de parcs solaires pour attirer massivement énergéticiens, financeurs et autres acteurs du solaire et faire encore diminuer les prix. L’Alliance vise l’installation de 1000 gigawatts de capacités d’ici à 2030, soit environ 1000 milliards de dollars d’investissements.

La réaction ne s’est pas faite attendre : Gérard Mestrallet, PDG d’ENGIE, a annoncé le lendemain la création de l’Initiative Terrawatt, une alliance d’industriels et d’investisseurs pour établir les conditions réglementaires nécessaires au déploiement massif d’une production d’énergie solaire compétitive. « Toutes les conditions sont réunies pour rendre cet élan concret, dès lors que le cadre réglementaire sera en place. Nous avons besoin d’un marché solaire commun. Qu’il s’agisse de fournisseurs de technologies, d’institutions financières ou d’énergéticiens comme ENGIE, le secteur privé est prêt à entrer à pleine vitesse dans la transition énergétique et à concevoir des stratégies économiques permettant d’apporter des solutions globales.» a-t-il annoncé.

Après l’alliance solaire, la géothermie…

Le 7 décembre, 36 pays et 23 institutions lançaient à leur tour une alliance mondiale pour la géothermie (CGA). Si aujoud’hui, seulement 12 GW ont été installés dans le monde, l’objectif de l’alliance est de multiplier par cinq la capacité installée de production d’énergie géothermique et d’au moins doubler le chauffage géothermique d’ici 2030. Certes ces objectifs sont moins ambitieux que ceux de l’alliance solaire, mais la géothermie n’est pas encore aussi compétitive ! Cette initiative témoigne néanmoins d’une évolution des mentalités : aujourd’hui seulement 24 pays ont développé de véritables capacités géothermiques et seulement 6% du potentiel énergétique isssu de la géothermie identifié est exploité. L’alliance regroupe des Etats où la géothermie se développe déjà, comme l’Islande ou la France, mais aussi des pays désireux d’exploiter leurs ressources : le Kenya, la Malaisie, les Philippines, le Guatemela, le Mexique…

Des villes 100% énergies renouvelables en 2050

Plus de la moitié de la population mondiale vit en zones urbaines. Vraisemblablement, les villes accueilleront même les deux tiers de la population en 2050. Leur rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique est donc capital. Le 4 décembre, à l’issu du Sommet des élus locaux pour le climat à l’Hôtel de Ville de Paris, 1 000 collectivités se sont engagées à « réduire de 3,7 gigatonnes les émissions annuelles de gaz à effet de serre dans les zones urbaines d’ici 2030 ». Cela représente 30% de la différence prévue entre les contributions nationales rendues par les pays (INDC) et les niveaux d’émissions recommandés par le GIEC pour limiter le réchauffement à 2°C en 2100.
Par ailleurs, ces collectivités, regroupant 600 millions d’habitants, déclarent « soutenir des objectifs ambitieux en faveur du Climat tels que la transition vers une énergie 100% renouvelable […] ou une réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 ».
Le désinvestissement du charbon et du pétrole?

Alors que les investissements dans les énergies renouvelables se multiplient, l’ONG environnementale 350.org a lancé un mouvement important pour le désinvestissement des combustibles fossiles. Elle a annoncé qu’en prévision de la COP21, plus de 500 institutions financières, représentant 3400 milliards de dollars d’actifs financiers ont pris des engagements pour se désinvestir de ces énergies. En l’espace de 10 semaines ce sont 100 institutions supplémentaires qui ont rejoint le mouvement, qui s’intensifie donc. Pour Avaaz, la COP21 « envoie un signal clair aux investisseurs partout dans le monde: enterrer son argent dans les énergies fossiles est un pari perdu d’avance. C’est les énergies renouvelables qui seront désormais rentables. La technologie qui nous amènera à 100% d’énergies propres, voilà où se réaliseront les bénéfices du futur. »

Si l’accord conclu à la COP21 ne fait aucunement référence au prix du carbone ou à une taxe carbone, plusieur pays lancent à leur niveau national des marchés ou une taxe carbone. Selon l’Institut de l’économie pour le climat, le carbone a déjà un prix dans l’Union Européenne, dans plusieurs Etats du Canada et des Etats-Unis, au Kazakhstan, en Nouvelle-Zélande, en Suisse, en Corée du Sud, dans des villes japonaises (Tokyo et Saitama) et dans des provinces chinoises. L’Afrique du Sud et le Chili envisagent de mettre au point une taxe carbone. Les prix y sont néanmoins très différents, de 1,5 € la tonne de CO2 à 118,3 € /tonne. Ces marchés et taxes carbone sont capitaux pour mettre fin aux énergies fossiles.

Sur le terrain, les investissements et les mentalités évoluent donc. De grands acteurs économiques effectuent des progrès inattendus : déjà 114 grandes entreprises se sont engagées à aligner leurs émissions de gaz à effet de serre sur un objectif de 2°C de réchauffement. Les campagnes contre les grandes causes environnementales (déforestation, Arctique, OGM, bien-être animal…), la consommation collaborative et alternative prennent de l’ampleur… Le monde semble être sur le point de changer.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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