Le débat national sur la transition énergétique doit tracer des trajectoires pour répondre aux objectifs européens et à ceux fixés par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre 2012. Ainsi, la part du nucléaire dans la production d’électricité française doit passer de 75% à 50% en 2025 et l’objectif des « 3 fois 20 » doit être atteint. Pour cela, il faut réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation et réaliser 20% d’économies d’énergie. Sans oublier le fameux facteur 4 à atteindre pour 2050.
« Ce que le gouvernement attend de ce processus du débat national est de savoir comment atteindre ces objectifs : par quelle trajectoire, par quelle mesure, par quelles évolutions de la politique énergétique ? », explique Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Quatre questions principales seront abordées au cours de ce grand débat : comment déployer une grande politique de sobriété et d’efficacité énergétique ? Quelle trajectoire d’évolution du mix énergétique global et du mix électrique suivre ? Quelles énergies renouvelables privilégier et comment les soutenir ? Comment financer tout cela ?
Même si l’on oublie la menace climatique quelques instants, l’enjeu énergétique est capital pour notre société. « Il y a des enjeux aussi bien de compétitivité, des enjeux sociaux, des enjeux de développement des entreprises, des enjeux qui sont très importants en dehors de tout enjeu climatique », souligne Jean Jouzel, climatologue et membre du comité de pilotage.
Un conseil national du débat
Le conseil national du débat constitue le « Parlement », l’enceinte qui va faire dialoguer l’ensemble des acteurs. Il est constitué de 7 collèges et 112 membres. Y siègent des représentants de syndicats, du patronat, des ONG environnementales et de lutte contre la pauvreté, des associations de consommateurs, des chambres consulaires, des associations d’élus locaux, des parlementaires et des représentants de différents ministères de l’Etat.
Le conseil national va fixer les grandes orientations du débat national et son calendrier. Il va procéder par auditions publiques autour des grandes problématiques du débat. Ces auditions serviront à recueillir les préoccupations des différents secteurs de l’économie, des acteurs sociaux et des citoyens. Le conseil veillera à entretenir un dialogue continu avec le Parlement national, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et la Commission nationale du débat public (CNDP) pendant toute la durée du débat. A l’issue, le Conseil émettra ses recommandations.
Un comité de pilotage, un comité d’experts et un comité citoyen
Le conseil national du débat sera animé par un comité de pilotage. Ce dernier garantira le pluralisme du débat et l’élargissement du débat. Il s’assurera que le débat s’effectue correctement au niveau régional auprès des citoyens et que les questions soulevées par les citoyens sont prises en compte.
Le conseil s’appuiera sur un comité d’experts scientifiques nationaux et internationaux et un comité citoyen. Le comité des experts a une vocation technique, économique et sociologique pour étudier et apprécier les différents scénarii possibles à horizon 2030 et 2050, dans le respect des engagements climatiques de la France. Le comité de citoyens sera quant à lui représentatif de la diversité socio-culturelle et géographique française. Il devra s’assurer que l’information fournie est compréhensible par tout un chacun. Son rôle sera également de récupérer les questions des citoyens pour les faire remonter au conseil national du débat.
Il y a une feuille de route, certes. Mais, « ceux qui veulent défendre la sortie du nucléaire pourront le faire, ceux qui veulent défendre l’exploitation des gaz de schiste pourront le faire, il n’y aura pas de sujets tabous », assure Delphine Batho. « Un débat est un échange d’arguments et non pas seulement un échange de point de vue ou de prise de position », rappelle d’ailleurs Georges Mercadal, spécialiste du débat public et membre du comité de pilotage. « C’est la raison pour laquelle il y a des experts en appui du débat », précise-t-il.
Une première réunion pour établir des règles
La première réunion a pour but de se mettre d’accord sur les règles du débat et de jeter les bases de fonctionnement du conseil national du débat. Jusqu’au mois de janvier, les « parlementaires » vont mettre en place les outils du débat : calendrier, forme des auditions publiques, thèmes abordés et lieux où vont se dérouler les débats. Le groupe de travail doit également être finalisé. Si la liste des 112 membres est arrêtée, certains collèges doivent encore être modifiés.
Le conseil national du débat devrait se réunir mensuellement jusqu’en juin 2013. La prochaine réunion est arrêtée au jeudi 13 décembre. À son issue, le plan de travail et la forme des auditions seront publiés.
Concrètement, qu’est-ce que cela va donner ?
Le débat devrait se dérouler en 3 temps selon la feuille de route pour la transition écologique publiée par le gouvernement fin septembre. Le premier temps sera celui de la pédagogie et de l’information. Les grands médias nationaux et régionaux seront mis à contribution pour informer le plus grand nombre tout au long du débat. L’objectif est d’établir un socle commun d’informations et de connaissances, sur la base de scénarii rigoureux, mais contrastés, pour élaborer et comprendre les différentes trajectoires qui s’offrent à nous en matière d’actions.
Le deuxième temps sera celui de la participation du grand public. Il devrait s’étaler de février à avril 2013. Au plus proche des citoyens, la place donnée à l’énergie sera la plus grande possible. À travers des séminaires, débats et auditions publics au niveau national et régional, forums citoyens, le grand public sera au centre de l’action. Les régions devront veiller à assurer la cohérence de l’ensemble des initiatives territoriales au niveau infrarégional.
La machine est enclenchée. Il n’en sortira cependant pas une trajectoire toute tracée jusqu’en 2050. « Il faut être conscient du fait que ce n’est pas en un débat de 6 mois que l’on va graver dans le marbre une trajectoire de transition énergétique pour les 40 prochaines années. Il y aura certainement besoin de revenir à intervalles réguliers, tous les 3 ou 4 ans, sur certains points de cette trajectoire qu’il faudra retravailler, affiner, en fonction des évolutions de la société », prévient d’ores et déjà Bruno Rebelle, Président de l’association Planète Urgence et membre du comité de pilotage.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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