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CSI France

Interview

Le CSI France aide les entreprises innovantes à passer au stade industriel

Posté le par Arnaud Moign dans Innovations sectorielles

« En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». En 2025, ce slogan de 1976 est toujours valable. Mais pour qu’il colle vraiment au contexte de réindustrialisation, il faudrait ajouter : « avoir de bonnes idées ne sert à rien, si elles ne sont pas concrétisées. » Aider les projets à passer du stade de l’idée au stade industriel est justement l’objectif du Collectif des Startups Industrielles (CSI France).

Alphadio Olory-Togbe, président du CSI France, et Véronique Gricourt, sa déléguée générale, ont bien voulu répondre à nos questions.

Alphadio Olory-Togbe, président du CSI France
Alphadio Olory-Togbe, président du CSI France (crédit : CSI France)

Le CSI France[1] est un collectif dont la vision est de promouvoir et faire évoluer l’écosystème start-up en faveur des projets industriels circulaires par le biais d’actions concrètes.

Il compte plus de 300 membres, répartis dans toutes les régions de France.

Le CSI France est ouvert aussi bien aux startups qu’aux PME et aux ETI. Il y a deux conditions pour adhérer : être industriel et porter un projet d’innovation.

Véronique Gricourt, déléguée générale du CSI France
Véronique Gricourt, déléguée générale du CSI France (crédit : CSI France)

 Alphadio Olory-Togbe en est l’administrateur. Il est aussi co-fondateur de deux entreprises : Industry Capital[2], un acteur du leasing qui aide les entreprises à accélérer leur transition vers des outils de production plus efficaces, productifs et décarbonés, et Impekkable, une start-up qui veut transformer une partie du marché de la lessive en marché de service, appuyé par un outil industriel largement robotisé.

 Véronique Gricourt est déléguée générale du CSI France et administratrice indépendante. Ils sont tous les deux membres du collectif Les Influstriels.

Techniques de l’ingénieur : Vous faites tous les deux partie du collectif « les Influstriels ». Quel est votre rôle ?

Alphadio Olory-Togbe : Les Influstriels ont pour vocation de porter un plaidoyer, de faire évoluer l’image de l’industrie, notamment auprès des jeunes. Les membres du collectif mettent ainsi leur talent et leur réseau pour faire rayonner l’industrie.

La mission du CSI France est différente, puisque son objectif est d’aider les entrepreneurs à réussir. En tant que membres du CSI France, nous apportons donc une expérience proche du terrain.

Au CSI France, notre philosophie est la suivante : la France a tout intérêt à se réindustrialiser. Mais il y a une différence entre le vouloir et y parvenir, car on voit que dans ce domaine, les initiatives centralisées ne fonctionnent pas bien.

Cela fait une dizaine d’années qu’on parle de réindustrialisation. On a déployé des plans comme France 2030, la BPI a déployé toute une batterie de sujets, mais on se rend compte que le résultat n’est pas celui espéré. D’une manière générale, les grandes entreprises trustent 80 % des fonds qui sont alloués à l’innovation. Or, on se rend bien compte – l’exemple encore récent de SpaceX le montre – que la vraie disruption vient des entreprises nouvelles, startups, PME, ETI, pour une raison totalement logique de jeunesse et de souplesse ! Les grandes entreprises de demain sont les petites d’aujourd’hui, c’est le cycle de la vie. Encore faut-il leur permettre d’éclore.

Il n’est pas un crime d’être une « vieille entreprise », mais c’est un devoir d’aider les jeunes entreprises à émerger parce qu’elles sont les seules à être capables de porter une innovation de rupture. Habilement mené, cela peut même être une façon intelligente de poursuivre la vie du capital investi dans une entreprise établie en le recyclant d’une certaine façon dans une entreprise nouvelle. Il faut casser la vision négative selon laquelle les nouvelles entreprises, porteuses de rupture, doivent détruire les anciennes pour exister et que ces dernières sont donc légitimement menacées et doivent se défendre en bloquant l’innovation. C’est le chemin le plus court vers la domination de secteurs entiers de l’économie par des nations étrangères dans lesquelles les entrepreneurs émergents et établis ont su collaborer intelligemment. Le digital en est le meilleur exemple : nous avons été rayés de la carte malgré la puissance de nos champions historiques.

Malheureusement, en France, nous ne parvenons pas à accompagner nos entrepreneurs et nos porteurs d’innovation vers la maturité. Les innovations qu’ils portent finissent par se retrouver ailleurs, aux États-Unis notamment, par la loi du marché, ou plus pernicieusement, en Chine.

Paradoxalement, en France nous sommes très bons sur la partie technique, car nous avons de très bonnes écoles et de bons ingénieurs avec de bonnes idées. Mais lorsqu’il s’agit de transformer ces idées en succès industriels et commerciaux, c’est beaucoup plus compliqué. Or, avoir de bonnes idées ne sert à rien, si elles ne sont pas concrétisées !

Le CSI France a-t-il des solutions pour aider les startups à passer le cap de l’industrialisation ?

A O-T : Avec l’aide de nos partenaires, principalement des collectivités, mais aussi venant du privé, nous avons mis au point des accélérateurs.

Avec ces accélérateurs, le CSI France veut aider les collectivités à accompagner les startups notamment, mais aussi les PME et ETI porteuses d’innovations. La participation d’acteurs privés et notamment de grands groupes est néanmoins essentielle, car ces groupes ont aussi besoin des startups. Pourquoi ? Parce qu’elles ont cette agilité qu’ils ne peuvent plus avoir et une capacité d’innovation importante.

Véronique Gricourt : Il y a les grands groupes, et aussi d’autres partenaires privés, des acteurs de l’industrialisation qui accompagnent les startups et autres PMI à innover et surtout à industrialiser. Et ces acteurs-là, aujourd’hui, sont contraints de jouer dans l’ombre, de faire leurs propres appels à projets, parce qu’ils n’ont pas cette démarche de rentrer dans des projets en tant que partenaires.

Pourtant, ces acteurs privés de terrain sont extrêmement utiles ! Nous les intégrons donc dans nos accélérateurs, car ils apportent un contenu concret et qualitatif, nécessaire à l’accompagnement des entreprises.

Comment fonctionnent ces programmes d’accélération ?

VG : Nous avons une colonne vertébrale qui contient les briques essentielles au développement et à la sécurisation du développement d’une entreprise industrielle innovante.

On a des briques marketing, développement commercial, aspect juridique, propriété intellectuelle, industrialisation, passage à l’échelle et une grosse brique autour de la circularité.

Chaque programme d’accélération dure un peu plus de 6 mois et inclut un événement tous les 15 jours. Cet événement est soit un workshop autour des thématiques évoquées tout à l’heure, soit un learning expedition, c’est-à-dire qu’on emmène les participants visiter une entreprise inspirante. Pour la prochaine édition, qui a une forte coloration circularité, nous irons chez Renault Trucks, MagREEEsource (recyclage et refabrication d’aimants permanents) et chez Blackstar[3] (reconditionnement de pneus).

Les entreprises seront accompagnées pendant toute la durée du programme par un mentor circularité, un mentor d’industrialisation et un mentor en développement commercial.

En fin de parcours, nous aidons les collectivités à sélectionner les dossiers des entreprises qu’elles voudront accompagner plus loin en les portant vers les programmes d’aides locaux et nationaux.

Tout ceci est donc très concret !

Le CSI France a lancé le premier « Accélérateur Amorçage Industriel Circulaire ». C’est donc une thématique qui vous tient à cœur !

A O-T : La circularité est trop souvent vue comme un « nice to have », alors qu’elle devrait être une priorité. Car ce n’est pas le patriotisme économique qui va amener la réindustrialisation, mais l’avantage compétitif que nous aurons en proposant des productions réalisées dans de meilleures conditions en termes de qualité, RSE et de valeurs.

S’engager uniquement sur la bataille du prix serait donc une énorme erreur ! Mais pour mettre en place une économie circulaire, nous avons besoin d’une réglementation qui le permette, c’est-à-dire qu’on ne peut pas exiger de nos entreprises des efforts qu’on n’exige pas des produits qui arrivent à nos frontières.

En attendant que ce cadre réglementaire soit mis en place, je conseille aux entreprises de tout faire pour devenir des « champions de la circularité » afin de prendre de l’avance.

VG : Parmi nos accélérateurs, nous avons en effet cette brique très importante qui englobe la circularité, l’écoconception, le passage à l’échelle et la mesure de la circularité.

À Lyon, par exemple, cela fait deux ans que nous déployons l’Accélérateur amorçage industriel circulaire (AAIC)[4], un programme soutenu par la Métropole de Lyon et qui sera renouvelé en février 2025. Nous souhaiterions maintenant étendre ce dispositif à chaque région.

Ce déploiement en région, comment l’envisagez-vous ?

VG : Le CSI France s’appuie sur les acteurs existants, qu’ils soient publics ou privés, voire des réseaux institutionnels de type FrenchTech ou incubateurs, pour déployer ses accélérateurs en région.

Prenons l’exemple de l’AICC organisé à Lyon. Pour le déployer dans les Pays De la Loire ou en Île-De-France, nous discutons d’abord avec les acteurs de ces régions. Cela nous permet alors d’identifier les besoins spécifiques au territoire.

On sait qu’en Pays de la Loire, il y aura certainement une forte coloration « industrialisation ». L’idée est de s’adapter aux réalités de chaque région en s’appuyant sur ce qui existe déjà.

Le CSI France est donc un moyen efficace de faire rayonner l’industrie locale !

A O-T : C’est un véritable accompagnement, qui permet aux entreprises locales d’envisager les solutions nécessaires (financement, etc.) pour passer de la phase d’innovation à l’industrialisation et à la commercialisation.

Notre objectif est que les entreprises sélectionnées par l’acteur local de développement et qui sortent de ces accélérateurs aient toutes les cartes en main pour avancer et devenir les champions de la réindustrialisation que nous espérons.


[1] CSI France

[2] Industry Capital

[3] Blackstar (reconditionnement de pneus)

[4] L’Accélérateur amorçage industriel circulaire ou AAIC

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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