Décryptage

Le CIRC classe le glyphosate « cancérigène probable »

Posté le 23 mars 2015
par Matthieu Combe
dans Chimie et Biotech

Le glyphosate, substance active utilisée dans de nombreux herbicides, dont le Roundup de Monsanto, vient d'être classé comme cancérigène «probable» par le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé spécialisée dans la question du cancer.

Les associations tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps pour dénoncer la toxicité des insecticides à base de glyphosate sur le terrain. Le glyphosate est la matière active la plus utilisée au monde dans les herbicides en agriculture et pour les jardiniers amateurs. Générations Futures, notamment, « se félicite de cette classification qui reconnait la dangerosité avérée du glyphosate », dans un communiqué du 20 mars.

Mais la classification par le CIRC n’oblige pas les Etats à prendre des mesures de protection pour les professionnels et les citoyens. Selon le réglement européen 1107/2009 (Annexe II point 3.6.3), « une substance active, un phytoprotecteur ou un synergiste n’est approuvé(e) que si, sur la base de l’évaluation de tests de carcinogénicité effectués […] il/elle n’est pas – ou ne doit pas être – classé(e) cancérogène de catégorie 1A ou 1B », c’est-à-dire si il/elle n’est pas cancérogène avéré. Le glyphosate, en tant que cancérogène probable (groupe 2A), n’entre donc pas dans le cadre d’application de ce réglement. 

Néanmoins, les experts du CIRC rappellent qu’ « il revient aux gouvernements et aux autres organisations internationales de recommander des réglementations, des législations ou des interventions de santé publiques ». En réaction, Générations Futures demande « une réévaluation immédiate par l’EFSA du glyphosate ». Parallèlement, l’association demande le retrait du marché, et notamment des jardineries, des pesticides à base de glyphosate. 

A l’occasion de cette nouvelle classification, deux autres insecticides – malathion et diazinon – deviennent également des cancérigènes « probables ». Les insecticides tetrachlorvinphos et parathion, qui font déjà l’objet d’interdictions ou de restrictions dans de nombreux pays, font quant à eux leur entrée dans la catégorie des cancérigènes possibles pour l’homme.

Les formulations commerciales sont encore plus toxiques !

Si cette nouvelle classification met en lumière la toxicité du glyphosate, il ne faut pas oublier qu’il est additionné d’adjuvants également toxiques dans les formulations commerciales. Selon une étude du Professeur Gilles-Eric Séralini parue en 2014, les adjuvants ajoutés au glyphosate dans les formulations d’herbicides comme le Roundup augmentent considérablement la toxicité de la seule matière active glyphosate pour des cellules humaines. Il rappelait alors que la toxicité à long-terme de ces formulations n’était pas évaluée. 

« L’Anses elle-même a relevé le manque des tests sur les effets chroniques des pesticides tels qu’ils sont vendus et utilisés comme une faille majeure dans le dispositif d’évaluation », rapelle François Veillerette, porte parole de Générations Futures.

Une interdiction récente du Roundup au Sri Lanka

Début mars, avant la parution cette nouvelle classification, l’utilisation du glyphosate était interdite au Sri Lanka sur directive du président Mahinda Rajapaksa. Cette interdiction a été prise en raison du rôle suspecté de l’herbicide dans une maladie chronique grave des reins d’origine inconnue touchant actuellement des dizaines de milliers d’agriculteurs du pays.

« Nous demandons au gouvernement de saisir l’Anses d’une demande d’expertise sur ce sujet en urgence afin de réévaluer les risques posés par la molécule », insiste encore Générations Futures. 

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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