L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié récemment son rapport annuel prospectif sur l’état de l’énergie dans le monde, le World Energy Outlook (WEO). L’Agence de l’OCDE insiste à cette occasion sur la montée en puissance de l’électricité dans le mix mondial. Néanmoins, le chemin est loin d’être tranquille.
Si trois scenarii sont en présence (*), l’AIE se penche largement sur celui affichant les politiques annoncées (STEPS) et sur celui définissant la trajectoire pour atteindre les objectifs climat-énergie fixés lors de la COP 21 à Paris en 2015 (SDS).
Ainsi, l’AIE constate que la croissance de la demande en électricité est encore plus rapide que celle de la demande énergétique mondiale. La consommation électrique croît en effet à un rythme deux fois supérieur à celui de la demande globale d’énergie dans le scénario STEPS, confirmant, insiste l’Agence, « sa place au cœur des économies modernes. » Une croissance tirée par les moteurs industriels (notamment en Chine), suivie par les appareils ménagers, les systèmes de refroidissement, et les véhicules électriques. Et dans le scénario SDS, l’électricité est l’une des rares sources d’énergie dont la consommation progresse encore après 2040 (principalement à cause des véhicules électriques), tout comme la demande directe en énergies renouvelables (ENR) et en hydrogène.
En 2040, dans ces scenarii, la part de l’électricité dans la demande finale totale dépassera celle du pétrole, alors qu’aujourd’hui, elle en représente moins de la moitié.
Solaire et éolien permettent aux ENR de dépasser le charbon dans le mix de production électrique au milieu des années 2020, indique l’AIE. Et d’ici 2040, les énergies bas carbone (incluant ici le nucléaire) fournissent plus de la moitié de la production totale d’électricité. L’AIE signale, au passage, que la montée du solaire (le photovoltaïque étant le grand vainqueur en termes de capacité installée dans les années à venir) et de l’éolien (dont un boom attendu côté offshore) n’éclipse pas les contributions de l’hydraulique (15%) et du nucléaire (8%), qui continuent à jouer un rôle dans la décarbonation du mix mondial.
Encore un effort…
Néanmoins, si l’électricité devrait ainsi progresser de 25% en termes de demande, d’ici à 2040, signale Tim Gould, responsable de la partie production du WEO, c’est loin d’être suffisant pour répondre aux enjeux écologiques et pour alimenter la population. Le directeur général de l’AIE a en effet rappelé, lors de la présentation du WEO, le 13 novembre dernier, que 860 millions d’habitants de la planète n’avaient toujours pas accès à l’électricité.
Ainsi, la sécurité énergétique mondiale (faut-il rappeler que c’est l’essence même de la création de l’AIE) va reposer de plus en plus sur l’électricité. Et le coût des coupures de courant devient de plus en plus cher… Or, insiste l’Agence de l’OCDE, les investissements dans les réseaux et dans le stockage (qui progresse, certes, grâce à la baisse de son coût permettant d’envisager, dans le scénario STEPS, 120 GW en 2040) sont loin d’être à la mesure de ce qu’ils devraient être.
Par ailleurs, certains éléments, comme la montée en puissance du véhicule électrique est pour l’heure contrebalancée par celle des SUV, dont l’électrification est plus « difficile », indique l’AIE, et dont les modèles « conventionnels », donc thermiques, consomment 25% de plus que des véhicules de taille moyenne (leur électrification n’améliore pas vraiment le rendement !).
Enfin, martèle l’AIE, « si le monde entend inverser la tendance actuelle en matière d’émissions, il doit se concentrer non seulement sur les nouvelles infrastructures, mais également sur les émissions verrouillées par le système existant ». Ainsi, malgré les évolutions rapides du secteur électrique, les rejets de CO2 liés à l’électricité ne diminuent pas dans le scénario STEPS, notamment à cause de la longévité du parc existant de centrales au charbon, qui représente actuellement 30% des émissions liées à l’énergie. Dans son scénario SDS, l’AIE juge que la majeure partie des 2080 GW de capacités au charbon devront soit réduire leurs opérations (en participant à la sécurité du réseau), soit être fermées de manière anticipée.
(*) Les trois scénarii 2019
- Le scénario « politiques actuelles » (Current Policies Scenario, ou CPS), scénario de référence, qui intègre les politiques actuelles et ce qui se passe si elles se poursuivent en l’état. Dans ce scénario, la demande énergétique continue de croître de 1,3% par an jusqu’en 2040 ; chiffre inférieur à celui de 2018 (+2,3%).
- Le scénario “Politiques annoncées” (Stated Policies Scenario, ou STEPS), qui intègre les objectifs, politiques et mesures prévues et/ou annoncées aujourd’hui, en plus des politiques actuelles. L’AIE rappelle qu’il ne s’agit pas de faire des prédictions, mais de montrer où conduisent les politiques annoncées.
- Le scénario “Développement durable” (Sustainable Development Scenario, ou SDS), qui intègre les politiques nécessaires pour atteindre les objectifs climat-énergie fixés par les décideurs politiques à travers le monde. Ce scénario présente une trajectoire compatible avec les objectifs de température de l’Accord de Paris (hausse maximale des températures moyennes mondiales de +2°C, et si possible de +1,5°C).
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