Le constat est là : malgré la montée en puissance des énergies renouvelables dans le mix électrique mondial, le charbon continue de représenter 38% de la production sur la planète en 2018. C’est ce que rapporte le dernier « opus » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Coal Report 2019, qui signale que si un recul devrait intervenir en 2019, cette part ne devrait pas bouger dans les cinq années à venir.
Dans son Coal Report 2019, publié en décembre, l’AIE réalise un pré-constat sur 2019 et des prévisions jusqu’en 2024. Il souligne ainsi que la demande en charbon a progressé de 1,1% en 2018, que la production a augmenté de 3,3% sur l’année, que les échanges internationaux de houille ont enregistré une hausse de 4% cette même année, pour dépasser 1,4 milliard de tonnes. L’électricité a tiré à la hausse cette demande, passant pour la première fois le seuil des 10 000 TWh produits.
Et les prix ont été 60% plus élevés qu’en 2016, faisant du charbon une « commodité » lucrative sur l’année 2018.
En termes de production, trois pays ont réalisé leur meilleure année : Inde, Indonésie et Russie, ces deux derniers pays ayant battu leur record cette année-là. Avec un prix en hausse, les revenus liés à l’exportation pour l’Australie ont atteint les 67 milliards de dollars, faisant de la houille la première commodité à l’export.
L’Asie carbure à la houille
Inde, Chine, Indonésie, Vietnam, Pakistan, les pays asiatiques tirent clairement à la hausse la demande en charbon. La part de cette énergie dans l’électricité asiatique est passée de 20% en 1990 à 80% en 2018. Et, comme le rappelle l’AIE, dans ces pays la moyenne d’âge des centrales alimentées par ce combustible est de 12 ans, soit une trentaine d’années de moins qu’en Europe et aux Etats-Unis. La moitié du parc asiatique a été construit dans les 19 années passées, laissant présager que ces installations produiront encore pendant des décennies, insiste l’Agence de l’OCDE. Ce n’est donc pas demain que le charbon sortira de la production asiatique.
Le boom économique indien, même si un freinage devrait être enregistré en 2019, a poussé à l’investissement dans les infrastructures, notamment l’électricité. Et si la montée en puissance des énergies renouvelables est patente également en Inde, la part du charbon devrait progresser encore de 4,6% par an d’ici à 2024 (date de la prospective du Coal Report 2019), faisant du pays celui où la demande en houille sera la plus importante au monde.
De même, en Chine, premier consommateur mondial de charbon (la moitié de la demande), grâce à une politique forte de réduction dans les foyers et les petites industries, un plateau pourrait être atteint en 2022, indique l’AIE, mais progresse encore. Cependant, avec la poussée des renouvelables, la part de la houille dans la production d‘électricité devrait se réduire, passant de 67% en 2018 à 59% en 2024, selon les prévisions du rapport. Le 14ème plan chinois, qui débute en 2020, pourrait entériner cette tendance, mais, insiste l’AIE, le charbon continuera à jouer un rôle majeur pour soutenir la croissance économique et garantir la sécurité d’approvisionnement chinoise à l’avenir.
D’où la bonne santé des pays exportateurs vers la région asiatique, Australie et Afrique du Sud en tête, mais aussi la Russie, qui se tourne vers l’orient. Même si, indique le rapport, certaines difficultés pour ouvrir de nouvelles mines existent.
Le recul marqué aux Etats-Unis et en Europe
Tendance inverse en Europe et aux Etats-Unis, où la pression d’un gaz peu cher fait plonger la demande en houille pour la production d‘électricité. En Europe, le retrait du charbon est déjà présent depuis plusieurs années, à cause des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; c’est particulièrement vrai au Royaume-Uni. Une tendance qui devrait se poursuivre, notamment avec les décisions allemandes d’arrêter le recours au charbon, ou encore en Espagne et en Italie. Même si la France a également pris cette décision, la faible part de la houille dans la production d’électricité (quand bien même elle s’avère pertinente pour la sécurité d’approvisionnement) ne changera pas énormément le mix global européen. En outre, la très forte montée en puissance des énergies renouvelables subventionnées, ou plus, fait progressivement sortir le charbon du marché de la production d’électricité. Enfin, les bas prix du gaz ont entraîné les producteurs d’électricité à se tourner vers cette énergie plutôt que vers le charbon. Au final, l’AIE table sur un retrait de 5% par an de la production à partir de charbon d’ici à 2024.
Aux Etats-Unis, c’est la forte poussée des gaz de schiste qui entraîne le déclin du charbon. S’y ajoute le recours aux renouvelables dans certains états américains. La part du charbon, qui représentait 50% des livraisons d’électricité en 2007 a chuté à 28% en 2018 et pourrait atteindre 21% en 2024, selon le rapport de l’Agence de l’OCDE. Le soutien apporté à cette industrie charbonnière par certains états ne permet pas de « lutter » contre un gaz de schiste peu cher et abondant. Mais le déclin (-4% par an d’ici à 2024) est un peu moins rapide qu’en Europe outre-Atlantique grâce à la capacité d’exportation du pays, qui porte encore quelque peu la production. Néanmoins, indique l’AIE, la chute du marché européen et le manque d’infrastructures sur la côte ouest américaine devraient freiner les perspectives à l’export des Etats-Unis.
En conclusion, l’AIE constate que ses perspectives mondiales n’ont pas été modifiées depuis plusieurs années en la matière, malgré des fluctuations. Et elle estime qu’à moyen terme, les politiques climatiques, le prix du gaz naturel et la Chine sont seuls à même de modifier à la baisse la demande charbonnière mondiale.
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