Si les chiffres varient d’une étude à l’autre, le constat reste le même : les flux migratoires liés au changement climatique vont considérablement s’accentuer. Les scénarios les plus pessimistes (3,6°C et 4,4°C de réchauffement) prédisent même que la moitié de la population mondiale sera poussée à migrer avant la fin du siècle ! L’humanité devrait alors faire face à un risque existentiel.
Il est donc capital de tout faire pour maintenir les températures mondiales en dessous du seuil de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris !
La niche climatique humaine, une zone de confort en voie de disparition
D’où proviennent ces estimations ? De travaux publiés en mai 2023 dans la revue Nature Sustainability, sur le thème de « La quantification du coût humain du réchauffement climatique ».
Cette étude inédite, au nom évocateur, propose une méthode de quantification des humains susceptibles d’être exclus de la « niche climatique humaine ». En termes simples, la niche climatique humaine est notre zone de confort, c’est-à-dire celle qui a favorisé de développement de l’humanité dans des conditions acceptables du point de vue climatique, mais aussi écologique et physiologique.
Si au cours de son histoire, l’homme s’est adapté à de nombreux climats, l’étude révèle que cette zone de confort se situe entre 13°C et 27°C de température moyenne annuelle. Preuves à l’appui, les chercheurs constatent ainsi que vivre en dehors de cette fourchette « peut entraîner une augmentation de la morbidité, de la mortalité, de l’adaptation sur place ou des flux migratoires », pour des raisons multiples.
La migration climatique est déjà une réalité !
L’étude donne également un chiffre qui résume très bien la situation dans laquelle se trouve actuellement l’humanité : le changement climatique aurait déjà poussé 9 % de la population mondiale en dehors de cette zone !
De son côté, l’ONU évoque sur son site le chiffre de 21,5 millions de déplacements annuels liés à des événements climatiques, soit 2 à 3 fois plus que les migrations causées par les conflits et la violence.
Bien que cette réalité soit difficile à estimer, certains faits doivent nous alarmer. Par exemple, en Irak, l’un des cinq pays les plus touchés au monde par le changement climatique, des villages entiers se vident de leurs habitants à cause de la sécheresse et des températures extrêmes[1]. Le phénomène est tel que l’ONU considère l’Irak comme un signal d’alarme pour la planète. Il faut dire que l’importance symbolique est particulièrement forte, puisque l’Irak moderne correspond au Croissant fertile, berceau de la civilisation et de l’agriculture !
D’autres pays très peuplés et au climat chaud comme l’Inde, le Nigéria, le Pakistan, l’Indonésie et les Philippines sont aussi particulièrement touchés par la chaleur et les inondations meurtrières, et le seront de plus en plus.
Quels scénarios pour l’avenir ?
Si le constat actuel est déjà alarmant, l’étude propose différents scénarios pour l’avenir. Soyons clairs, avec les politiques actuelles, le seuil de 1,5°C de l’Accord de Paris devrait être dépassé d’ici 2040 et nous atteindrons 2,7°C de réchauffement avant la fin du siècle, ce qui poussera un tiers de la planète en dehors de la zone « d’habitabilité humaine ». Dans les pires scénarios (entre 3,6°C et 4,4°C), c’est même la moitié de la population mondiale qui en serait exclue et donc poussée à se déplacer vers des zones plus fraîches.
Nous avons donc intérêt à agir sans plus attendre, en réduisant massivement notre consommation d’énergies fossiles, dont la responsabilité a enfin été reconnue officiellement à la COP28, malgré le caractère peu contraignant de l’accord final.
Cette étude a aussi le mérite d’apporter une dimension humaine très claire, pour motiver cette transition : chaque augmentation de 0,1°C poussera 140 millions de personnes hors de la niche climatique humaine. Des chiffres qui donnent une valeur concrète aux actions qui devront être entreprises.
[1] En août 2023, les températures ont frôlé les 50°C !
Crédit image de une : jcomp – freepik
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