La biomasse végétale joue un rôle essentiel sur le climat en captant le CO2 atmosphérique. Le bilan carbone de cette biomasse est le résultat des gains obtenus par la croissance des plantes et l’augmentation de la couverture forestière, et des pertes liées à la récolte, la déforestation, la dégradation et la mortalité des arbres. La surveillance de l’évolution de ces stocks de carbone est capitale pour mieux comprendre et prédire les effets du changement climatique en cours et futur ainsi que mesurer les impacts directs de la gestion humaine sur l’environnement. Jusqu’ici, peu d’approches ont permis d’estimer ces stocks au niveau mondial et celles utilisées ont conduit à des disparités dans les prédictions. Une équipe internationale de recherche, coordonnée par le CEA et INRAE, a publié une étude dans la revue Nature Geoscience dans laquelle les scientifiques décrivent la manière dont ils sont parvenus à cartographier les évolutions annuelles de la biomasse forestière mondiale grâce à une nouvelle méthode d’analyse d’images satellitaires.
Ce travail de recherche a été réalisé à partir des données du satellite SMOS de l’ASE (Agence spatiale européenne) qui enregistre l’émission des micro-ondes basse fréquence à la surface des sols et permet de sonder l’ensemble de la strate végétale, et non pas uniquement le sommet de la canopée. Un indice de végétation appelé L-VOD (L-band vegetation optical depth) a ainsi pu être calculé et a permis d’estimer de façon globale les stocks de carbone aériens des forêts. Les chercheurs se sont heurtés à des difficultés pour généraliser cette méthode sur l’ensemble du globe à cause des perturbations du signal liées aux interférences de radiofréquences (RFI) et dues aux activités humaines, en particulier dans les zones peuplées du nord, mais aussi en raison de la sensibilité du signal à la teneur en eau des végétaux. Face à cela, ils ont conçu une méthode de double filtrage, s’appuyant notamment sur une méthode de décomposition temporelle du signal (variations saisonnières, tendances,…), pour éliminer ces deux effets. Enfin, ils ont calculé la biomasse des racines des arbres à l’aide d’une carte mondiale établissant le rapport entre la biomasse aérienne et la biomasse souterraine.
Les forêts boréales et tempérées contribuent le plus au stockage de carbone
Grâce à cette méthode, des cartes mondiales de l’évolution annuelle de la biomasse végétale ont pu être générées entre 2010 à 2019. À partir de celles-ci, des bilans régionaux du stock de carbone ont été calculés sur des zones couvrant 25 km2, en attribuant à chacune d’entre elles, des gains ou des pertes de carbone. Il apparaît que les stocks nets de carbone de la biomasse végétale mondiale ont augmenté à un rythme d’environ 500 millions de tonnes de carbone par an. Les deux plus grands contributeurs à ce puits de carbone sur la dernière décennie sont, d’une part, les forêts boréales avec un gain d’environ 370 millions de tonnes de carbone, et d’autre part, les forêts tempérées, avec un gain d’environ 130 millions de tonnes de carbone. En revanche, les forêts tropicales humides ont connu une légère perte nette de carbone de 70 millions de tonnes, qui serait liée à la déforestation et à leur dégradation liée au stress hydrique, en particulier dans le sud-est de l’Amazonie. Quant à la biomasse des régions arides et celle des forêts tropicales sèches, leur bilan carbone a été qualifié de neutre.
La particularité de cette étude est également d’avoir pris en compte l’âge des forêts. Pour cela, elles ont été classifiées en huit classes d’âge différentes à l’aide d’une carte mondiale de l’âge des forêts. Les scientifiques ont découvert que les forêts tempérées et boréales jeunes, c’est-à-dire de moins de 50 ans et celles d’âge moyen, c’est-à-dire entre 50-140 ans, sont les plus grands contributeurs au puits de carbone. À l’inverse, les forêts anciennes, dont l’âge est supérieur à 140 ans, et qui représentent environ 10 % de la superficie forestière mondiale, ont montré une perte nette de leur biomasse au cours de la dernière décennie. Ces forêts se trouvent principalement sous les tropiques.
« Ces nouveaux résultats diffèrent de ceux issus de modèles actuels de prédiction de la biomasse végétale qui indiquent que toutes les forêts anciennes sont des puits de carbone, prenant mal en compte la démographie des peuplements forestiers et les impacts de la déforestation ainsi que la dégradation des forêts tropicales qui perdent de la biomasse, déclarent les auteurs de cette étude. Ces résultats soulignent l’importance de mieux tenir compte des dégradations subies par les forêts ainsi que leur âge pour mieux prédire l’évolution de ces puits de carbone au niveau mondial, et ainsi mieux orienter les politiques d’atténuation du changement climatique. »
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