Loxy est une entreprise adaptée fondée en 2005 et spécialisée dans la collecte et le recyclage des DEEE. Marc Ruzafa, co-fondateur de Loxy et aujourd’hui Directeur Général de l’entreprise, est revenu pour Techniques de L’Ingénieur sur les enjeux actuels autour de la valorisation des équipements informatiques et électroniques.
Alors que l’Etat a par étapes, depuis 2005, contraint les entreprises et les administrations à s’impliquer dans la collecte et la valorisation de nombreuses catégories de produits qu’elles fabriquent ou utilisent, le traitement des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) a très largement évolué, de même que les habitudes des consommateurs. Ainsi, alors que les DEEE étaient en majorité détruits et enfouis avant 2005, différentes voies de valorisation se sont développées depuis. C’est par exemple le cas du réemploi, qui permet de proposer des produits uniquement constitués de pièces originales, à un prix extrêmement compétitif. Une solution qui séduit de plus en plus les consommateurs, soucieux de leur empreinte écologique, et désirant acheter des produits informatiques à un prix intéressant.
Techniques de l’Ingénieur : Qu’est ce qui vous a poussé à lancer Loxy, en 2005 ?
Marc Ruzafa : Comme vous le savez, un décret a été adopté par la France, en juillet 2005, interdisant aux entreprises et aux administrations de jeter leurs matériels électriques et électroniques, et les obligeant à recycler leur parc. C’est à ce moment-là que mon associé et moi avons quitté nos emplois respectifs d’alors, pour monter la structure de collecte et de valorisation de DEEE qu’est aujourd’hui Loxy.
Quel était alors le niveau de collecte de DEEE en France ?
A l’époque, la collecte était balbutiante et le niveau de connaissance des entreprises sur leurs obligations relativement limité. Ainsi, nous avons commencé en 2005 par collecter 600 kg de matériel par mois, voué à la destruction puis à l’enfouissement, alors qu’aujourd’hui nous récoltons en moyenne 10 tonnes de DEEE par jour ! Cette croissance importante des volumes récoltés est en majeure partie due au fait qu’aujourd’hui les entreprises ont totalement intégré cette évolution. Elles sont aujourd’hui partie prenante dans le développement de l’activité de collecte et de valorisation.
Depuis 2005, les voies de valorisation de DEEE ont considérablement évolué, n’est-ce pas ?
Oui, effectivement. Quand nous avons lancé Loxy en 2005, on ne parlait pas encore de réemploi. C’est quelque chose qui est apparu à partir de 2010, et sur lequel les administrations et les entreprises se sont penchées très sérieusement. Il s’agit d’un virage important, qui a vu l’activité de Loxy se diversifier : nous avons alors développé des process pour pouvoir réparer ou réutiliser des sous-ensembles et des composants informatiques et électroniques, alors que jusque-là nous détruisions systématiquement ces déchets. Cela s’est révélé intéressant pour nous, puisque le réemploi se valorise mieux que la vente de matière brute. Mais il s’agissait aussi et surtout d’une demande de marché. Plus tard, l’Etat s’est également investi concrètement via les éco-organismes que sont Ecologic et Ecosystem, entre autres. Ce qui a donné un élan supplémentaire au réemploi.
Le réemploi est-il une solution en ce qui concerne certains matériels que nous ne produisons pas en France, comme les semi-conducteurs ?
Sur un sujet comme les semi-conducteurs, il est évident que la période que nous vivons depuis plus de deux ans nous a permis de constater que notre dépendance à l’Asie pour la fourniture de ce type de composants posait des problèmes. Le réemploi ne résout pas entièrement ces problèmes, mais peut constituer une partie de la solution. L’Etat, en imposant aux entreprises une part de 20% de matériel informatique issu du réemploi au sein de son parc informatique, a également contribué grandement à pérenniser cette évolution. Enfin, les éco-organismes agréés par l’Etat, au premier rang desquels Ecologic, ont également poussé pour développer la pratique du réemploi et la généraliser.
Quelles relations entretenez-vous avec les éco-organismes agréés pour la gestion des DEEE ?
Nous avons un double contrat avec l’éco-organisme Ecologic. Nous traitons les matériels de leurs clients, qui doivent rendre compte à l’Etat des quantités de matériels produits et collectés. Le volume de ces collectes avoisine aujourd’hui les 800 tonnes par an. Aussi, nous fournissons à Ecologic des bilans de matières : ces données permettent de développer de nouvelles méthodes pour améliorer, autant que possible, la revalorisation des DEEE.
L’évolution de votre activité vers le réemploi change-t-elle la typologie des métiers chez Loxy ?
Oui. Nous avons aujourd’hui 35 techniciens qui travaillent spécifiquement sur le réemploi, ce qui représente environ 50% de nos effectifs, et illustre bien l’évolution en cours. Nous proposons aujourd’hui des PC et téléphones (fixes et portables), des serveurs, du gaming… et les éco-organismes étendent également le spectre des matériels à valoriser. Tout cela valide le réemploi comme une solution qui est amenée à devenir incontournable, et nous permet de fixer l’objectif, à terme, de ne plus enfouir de déchets s’ils sont valorisables. C’est ce qui nous guide.
Quelles sont les étapes pour évaluer la capacité d’un DEEE à être réparé et réutilisé ?
La première problématique concerne les données. C’est la première phase : quand nous recevons des machines, elles sont envoyées dans un atelier sécurisé où toutes les données contenues dans les appareils sont effacées. Ensuite, ces produits sont audités et réparés au besoin. Nous remplaçons les pièces défectueuses par d’autres pièces d’origine, prélevées sur d’autres ordinateurs collectés. Du coup, nous proposons des produits constitués uniquement de pièces d’origine, et c’est ce qui fait notre force. Le corollaire, c’est que nous ne proposons pas en réemploi les produits les plus récents du marché. Ceci dit, le marché pour ces produits reconditionnés est extrêmement actif, puisque les produits que nous mettons sur le marché sont généralement vendus en moins de 48 heures.
Qu’est ce qui limite l’activité de Loxy aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la problématique que nous avons est principalement celle de la collecte. Nous récoltons 80% de notre volume de DEEE en Île-de-France. Nous avons ouvert récemment des centres de collecte en région, mais aussi en Italie et en Ukraine. La raison de ces choix vient d’un constat, qui est celui de la baisse de qualité des produits mis sur le marché. Il y a dix ans, on pouvait extraire 120 grammes d’or pour une tonne de déchets informatiques traités. Aujourd’hui ce chiffre se situe plus autour de 80 grammes par tonne. Pour résumer, les matériels informatiques et électroniques sont moins fiables, mais ils sont plus nombreux. En Ukraine, les produits informatiques sont en majorité vieillissants, donc ils constituent pour nous un gisement intéressant à collecter et valoriser.
A l’inverse, on voit aujourd’hui que le plastique est en augmentation dans la composition de tous les appareils informatiques et électroniques. Il est évident que la collecte et la valorisation de ces matières plastiques va devenir un enjeu de plus en plus important, très rapidement. Nous voyons beaucoup de projets de valorisation très innovants émerger autour des plastiques en ce moment, c’est un sujet que nous suivons de près.
Loxy est une entreprise adaptée. Quelles sont les raisons de ce choix ?
Loxy est depuis 2009 une entreprise adaptée. Nous proposons des emplois adaptés à leurs capacités à des personnes en situation de handicap. La diversité des emplois qu’on trouve au sein de Loxy se trouve être une opportunité pour intégrer des personnes handicapées plus aisément, et c’est quelque chose qui fait aujourd’hui partie de l’ADN de l’entreprise. Nous travaillons d’ailleurs sur des projets de collaboration avec d’autres entreprises adaptées, pour développer à la fois notre modèle économique et l’aspect social de notre activité.
Une entreprise adaptée, cela veut dire l’adaptation des postes de travail aux handicaps de nos salariés, c’est une organisation totalement spécifique. Bien sûr, cela veut dire aussi que nos rendements ne sont pas ce qu’ils pourraient être, mais l’impact social véhiculé via notre activité d’entreprise adaptée fait pour nous partie de la valeur de l’entreprise à part entière.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
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