Rappel des faits. En 1964, trois groupes de physiciens (François Englert et Robert Brout ; Peter Higgs et Gerald Guralnik ; C. R. Hagen, et Tom Kibble) proposent un modèle permettant d’expliquer pourquoi certaines particules possèdent une masse et d’autre non. Ce mécanisme, finalement dit « de Higgs », est basé sur l’interaction constante des particules avec un champ baptisé lui aussi « champ de Higgs ». C’est en se déplaçant au travers de ce champ que les particules acquerraient de la masse. L’existence de ce champ justifie notamment pourquoi la force électromagnétique a une portée quasi infinie (transport de la lumière) quand la force faible (radioactivité) a une portée très courte, à l’image d’un groupe de personne se lançant un ballon : plus la balle est lourde, moins elle va loin.
L’existence du champ de Higgs permet de comprendre ces deux phénomènes grâce à une seule théorie. Les bosons de Higgs, quant à eux, sont des fluctuations quantiques de ce champ, et donc la preuve de son existence. Seul problème, aucun instrument n’avait encore réussi à les observer. Les scientifiques ont donc élaboré des outils spécifiquement dédiés à la recherche de cette particule mythique : les accélérateurs de particules. L’objectif est de créer des collisions de particules à très haute énergie de façon à simuler les conditions des premiers instants de l’univers, moment où le champ de Higgs apparait et confère de la masse aux particules.
Autre difficulté, il n’est pas possible d’observer directement le boson de Higgs, mais seulement le produit de sa désintégration. Produire des collisions à haute énergie n’est donc pas suffisant, il faut aussi être capable de détecter les traces du Boson de Higgs. Cela nécessite un détecteur de pointe, capable d’observer des millions d’évènements. L’ensemble des informations est ensuite traitée par les physiciens à l’aide de logiciels informatiques, pour trier les données et tenter d’isoler les preuves de l’existence du boson de Higgs.
Si cela peut sembler aussi ardu que de chercher une aiguille dans une botte de foin, c’est que c’est effectivement aussi compliqué ! Après cinquante ans de traque, c’est finalement au LHC, un collisionneur proton-proton de 27 kilomètres de circonférence capable de produire un milliard de collisions par seconde, que le boson de Higgs pourrait bien avoir été repéré pour la première fois, et ce grâce à un détecteur hors norme, ATLAS (A Toroidal LHC ApparatuS).
Conçu et réalisé dans le cadre d’une collaboration internationale qui regroupe plus de 167 laboratoires issus de 37 pays différents et qui implique environ 1800 physiciens et ingénieurs, cet appareil géant haut de six étages est situé à 100 mètres sous terre, au croisement des deux faisceaux de protons de l’accélérateur. Il est constitué d’un assemblage de détecteurs empilés selon une structure en oignon et possédant chacun un rôle spécifique pour détecter et mesurer les caractéristiques des particules.
L’ensemble de ces moyens techniques dédiés à la chasse au boson de Higgs ont finalement abouti : les chercheurs du LHC ont annoncé le 4 juillet dernier avoir observé dans la gamme de masses au voisinage de 125-126 GeV une nouvelle particule, dont les caractéristiques sont compatibles avec celles du boson de Higgs, avec une certitude de 99.99997 %. S’il reste des données à traiter pour confirmer à 100 % cette découverte, il semble bien que la particule manquante ne le soit enfin plus.
Par Audrey Loubens, journaliste scientifique
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