Devenu très populaire grâce à son voyage dans l’espace avec Thomas Pesquet à bord de la station spatiale internationale (ISS), le blob fait actuellement l’objet d’un programme de science participative du CNRS.
Depuis avril dernier, des volontaires réalisent des expériences scientifiques sur le blob. 14 000 participants de tous horizons, allant du grand public aux écoles, en passant par les laboratoires, Ehpad et établissements pénitentiaires, expérimentent les effets du changement climatique, notamment la variation de chaleur, sur deux espèces de blob. 95 % des participants vivent en France, le reste est en Belgique, Suisse, Canada, Japon, Australie… Pour mieux comprendre l’intérêt de ce programme de science participative, nous avons échangé avec Audrey Dussutour – aka Docteur Drey sur les réseaux sociaux –, directrice de recherche au CNRS de Toulouse. Après « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander » aux Éditions J’ai Lu, la grande spécialiste française du blob publie son journal intime « Moi le blob » aux Éditions HumenSciences.
Techniques de l’ingénieur : Pourquoi avoir lancé ce programme de science participative sur le blob et le réchauffement climatique ?
Audrey Dussutour : Ce programme a plusieurs objectifs. Le premier est de développer l’esprit critique des gens, car la plupart ne savent pas comment se fait la science. Et la crise du covid nous l’a bien démontré : on entendait tout et n’importe quoi. Nous avons ainsi expliqué la démarche scientifique avec les étapes à respecter lorsqu’on fait de la vraie science. Ensuite, le deuxième est de sensibiliser au réchauffement climatique : les gens simulent des vagues de chaleur à la maison et voient que le blob ne va pas très bien. Et le dernier objectif est de faire progresser les connaissances, car nous allons faire une publication à partir des données exploitables – nous savons que la variabilité sera énorme – des expérimentations.
Pourquoi le blob ?
C’est simple, je travaille sur le blob ! (rires). Il est facile à élever et on peut l’envoyer par la poste. Il a également des capacités extraordinaires et passionne énormément le grand public. Les gens vont pouvoir le garder, en le rendormant, et ainsi faire d’autres expériences pour leur curiosité. De plus, comme ce n’est pas un animal, il n’y a pas de problème éthique. C’est un organisme primitif unicellulaire présent en France. C’est d’ailleurs pour cela que certains pays – et même des départements français comme la Réunion – n’ont pas pu participer à l’expérience, car l’espèce envoyée n’y est pas présente et nous ne souhaitions pas faire d’introduction d’espèce.
Existe-t-il d’autres espèces de blob dans ces pays ?
Oui ! Et c’est trop dommage, car une personne devait nous fournir des espèces, mais nous ne les avons finalement pas eues. Une espèce que je ne connaissais pas d’ailleurs. Mais produire de nombreux blobs, ce n’est pas si facile que ça. Cela nous a demandé 8 mois en heures pleines !
Vous voulez faire progresser la connaissance avec ce programme, mais y a-t-il déjà des informations que vous connaissez sur l’effet du réchauffement climatique sur le blob ?
Oui, et nous avons présenté aux volontaires les résultats de la bibliographie que nous avons réalisée sur les effets de la chaleur sur Physarium polycephalum. On sait par exemple qu’il avance moins vite, qu’au-delà de 42°C il meurt… Mais les scientifiques qui ont réalisé l’étude ne l’ont pas fait sur le long terme. Sur nos expériences, nous faisons osciller la température entre 19 et 32°C. Notre objectif n’est pas de tuer le blob ! Ce qui nous intéresse, c’est de voir comment le blob réagit à cette variation de température ainsi que sa capacité à revenir à son état normal à chaque fin de protocole, c’est-à-dire à température ambiante.
Est-ce une donnée que vous connaissez déjà ?
Non, pas vraiment. Dans le programme, nous avons 15 protocoles à réaliser sur 8 souches différentes. Au laboratoire, nous n’avions fait qu’un protocole et sur quelques souches seulement. On ne sait pas s’il est capable de revenir à son état normal. Ce que l’on sait par contre, c’est que le changement de température est assez flagrant sur le blob. Les participants se rendent immédiatement compte des effets de la montée de température sur les êtres vivants, et pourtant, on ne monte que de quelques degrés…
Et dans la nature ? Pour un climat réchauffé, est-ce que cela signifie que ce type d’organisme ne pourrait pas survivre ?
En réalité, le blob est là depuis près d’un milliard d’années et il possède des moyens de résistance. Il peut se mettre en dormance et attendre que les conditions s’améliorent. Cependant, ce qui est plus délicat pour le blob – et c’est ce qu’on essaie de montrer dans l’expérience – ce sont les changements. Ce n’est pas vraiment le fait qu’il fasse 25 ou 30°C, mais c’est l’écart de température. Par exemple : le matin, s’il fait 15°C, le blob va se réveiller. Mais s’il fait 35°C l’après-midi, il n’aura pas le temps de grandir et va mourir. Passer de 25 à 28°C ça ne change pas grand-chose pour lui. De 20 à 35°C oui… L’idée est d’expliquer cela. Car souvent, lorsqu’on parle de réchauffement climatique, les gens se focalisent sur l’idée que la température sur la surface de la Terre va augmenter d’1,5° dans le meilleur cas, mais ce n’est pas passer de 32 à 33,5 en réalité, c’est une moyenne. Le pire, c’est les changements.
Est-ce pareil pour le froid ?
Oui, le blob ne résiste pas en dessous de 4°, donc il peut mourir de froid. Pour bien comprendre, le blob vit dans les forêts tempérées. C’est un organisme que l’on va observer au printemps si les températures sont douces, vers 20°C. Il se nourrit de champignons et de bactéries dans la nature. Il a une vie relativement courte : il lui faut entre 1 et 4 semaines pour arriver à maturité, soit environ 20 cm². Si pendant ces semaines de croissance il y a un coup de chaleur et que le blob n’a pas eu le temps de se rendormir – car il lui faut 36h –, il va mourir avant de se mettre en dormance. Une fois endormi, il peut subir des températures allant de -80°C à +60°C.
Les conclusions tirées pour le blob peuvent être valables pour d’autres organismes ?
Oui, ce qui est vrai pour le blob l’est pour d’autres organismes en réalité. Le problème de tous changements environnementaux, c’est que les espèces doivent s’adapter. Mais si une espèce n’arrive pas à s’adapter, elle va manquer peut-être à une autre espèce qui, elle, arrive à s’adapter et qui s’en nourrissait. Si le blob disparaît, ça veut dire que les bactéries et les champignons ne seront pas mangés par le blob, ils vont s’accumuler. Il ne faut jamais voir les espèces de manière individuelle, car les espèces sont toutes liées les unes aux autres en réseau.
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