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Le Bitcoin : un coût énergétique excessif ?

Posté le 9 novembre 2018
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

Régulièrement, des études affirment que le Bitcoin, et de façon globale, les cryptomonnaies sont énergivores. Les deux dernières analyses indiquent que son coût énergétique est deux fois supérieur à celui du cuivre ou de l’or. Pire, le Bitcoin pourrait accélérer le réchauffement climatique !

Des chercheurs de l’Oak Ridge Institute de Cincinnati (Ohio) ont comparé le coût énergétique pour fabriquer un dollar des quatre principales cryptomonnaies à celui nécessaire pour extraire un dollar de différents métaux précieux.

Publiée dans la revue Nature Sustainability, leur étude estime que le minage du Bitcoin, de l’Ethereum, du Litecoin et du Monero nécessite en moyenne et respectivement 17, 7, 7 et 14 MJ (mégajoules) pour produire un dollar. Leur étude relève aussi que le coût de l’extraction conventionnelle de l’aluminium pour générer la même somme est encore plus important : 122 MJ.

Ce n’est pas la première étude à pointer du doigt les coûts du Bitcoin et autres monnaies virtuelles. En novembre 2017, une estimation avançait que la consommation d’électricité du réseau Bitcoin était équivalente à celle de l’Irlande. Une autre étude affirmait qu’il produisait par an autant d’émissions de carbone qu’un million de vols transatlantiques.

C’est le minage qui serait la cause de cette consommation démentielle. Les bitcoins sont en effet générés par un algorithme et des « mineurs ». Il s’agit de particuliers ou d’entreprises qui prêtent de la puissance de calcul de leurs ordinateurs pour valider les transactions.

Pour ce service, ils touchent des bitcoins en récompense. À moins de disposer de nombreux ordinateurs, les internautes ne peuvent espérer gagner un kopeck ! Ainsi, ce service n’est plus rentable pour eux, car ils doivent faire face à des coopératives ou des entreprises qui s’appuient sur d’importantes capacités de calcul (Cloud mining).

 Le Bitcoin, responsable du réchauffement ?

Les récompenses peuvent être virtuelles, mais le coût de l’énergie est très réel. Cependant, quelle est la consommation énergétique du Bitcoin ? Il est difficile de procéder à des évaluations précises car il n’existe pas de traçabilité du registre des mineurs donc pas de dénombrement précis, de la typologie de leur équipement, de leur emplacement géographique…

Malgré ces inconnues, les scientifiques de l’Oak Ridge Institute ont cherché un angle original en examinant le « minage » d’un point de vue du coût de l’énergie par dollar.

Pour tenir compte des fluctuations des cours des cryptomonnaies, et donc de l’effort consacré par les mineurs, les chercheurs ont utilisé une médiane de toutes les valeurs entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin dernier. Ils ont également tenu compte de leur dispersion géographique, ce qui peut être surprenant puisqu’il n’y a pas un « cadastre » précis et exhaustif des mineurs…

Les chercheurs ont notamment constaté que les émissions de carbone provenant du minage vont de 3 à 15 millions de tonnes de dioxyde de carbone dans le monde. « N’importe quelle cryptomonnaie extraite en Chine générerait quatre fois plus de CO2 qu’au Canada », indiquent-ils.

Les émissions de carbone sont également pointées du doigt par des chercheurs de l’université d’Hawaï à Mānoa qui ont publié un article  dans Nature Climate Change. Selon eux, l’émission et les échanges de Bitcoins pourraient produire suffisamment de CO2 pour faire passer le réchauffement au-dessus de la barre des 2 °C.

Ces comparaisons sont-elles pertinentes ? Plusieurs experts connaissant bien la problématique des cryptomonnaies optent plutôt pour une comparaison avec des systèmes traditionnels couvrant le même service, par exemple entre le coût du Bitcoin et celui des transactions bancaires Visa. Plusieurs études comparatives ont été réalisées.

Pour le Bitcoin, la consommation énergétique par transaction s’échelonne entre 100 kWh et 634 kWh par transaction. La consommation énergétique serait autour de 169 kWh pour 100 000 transactions VISA. Mais ce calcul n’intègre pas l’ensemble des coûts énergétiques du système Visa (automates, serveurs…).

De son côté, Katrina Kelly-Pitou, chercheuse en Ingénierie électrique et informatique à l’Université de Pittsburgh, rappelle que « les banques consomment environ 100 térawatts d’électricité par an ».

Philippe Richard


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