L’expertise scientifique collective menée par l'Inrae et l'Ifremer souligne le rôle spécifique des produits phytopharmaceutiques dans le déclin de la biodiversité et leur impact sur les services écosystémiques. Le biocontrôle y apparaît comme l’un des leviers prometteurs pour atténuer ces impacts.
L’Inrae et l’Ifremer viennent de dévoiler les résultats de leur expertise collective Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques.
Pendant deux ans, 46 experts affiliés à 19 organismes de recherche ont étudié plus de 4 000 références scientifiques issues de la littérature mondiale. Leur première mission : dresser un état des lieux des connaissances sur la contamination des milieux par les produits phytopharmaceutiques – les pesticides qui protègent les plantes contre les « organismes nuisibles » ou luttent contre les mauvaises herbes – et leurs impacts sur la biodiversité. Leur seconde proposition : proposer des leviers d’action pour les atténuer.
Face à une contamination générale, plusieurs pistes d’action
Face à une contamination générale « des milieux terrestres, aquatiques et marins » par les produits phytopharmaceutiques, l’expertise reconnaît une large fragilisation de la biodiversité française. Elle confirme en plus que les produits phytopharmaceutiques jouent un rôle dans le déclin des populations d’invertébrés terrestres et aquatiques, d’oiseaux communs, d’amphibiens et des chauves-souris. L’expertise collective identifie des effets directs aigus ou chroniques, et indirects, sur les individus. Outre les effets directs aigus qui peuvent conduire à la mort rapide des individus, les effets sublétaux perturbent le fonctionnement des organismes. Des études ont aussi montré des impacts négatifs de certains pesticides sur la pollinisation et sur la régulation naturelle des ravageurs.
Pour atténuer les impacts négatifs des produits phytopharmaceutiques, l’Inrae et l’Ifremer se sont penchés sur plusieurs leviers d’action pour limiter partiellement la contamination et ses effets. En plus de voies d’amélioration de la réglementation, les deux instituts proposent des réflexions à l’échelle de la parcelle, du bassin versant ou des caractéristiques du paysage. « Aucun de ces leviers pris indépendamment ne permet de garantir un risque zéro de transfert des pesticides », prévient toutefois Sophie Leenhardt, cheffe de projet à l’Inrae. Il faudra donc tous les actionner.
Le biocontrôle : une voie prometteuse qui nécessite davantage de recherche
La bibliographie scientifique montre que le biocontrôle constitue « une alternative prometteuse », mais « cela dépendra du type de produits utilisés », souligne Sophie Leenhardt. « Le biocontrôle désigne des agents et des produits qui utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures », rappelle la cheffe de projet. Il comprend quatre catégories de produits : des macroorganismes (par exemple des coccinelles), des microorganismes (des virus ou des bactéries), des médiateurs chimiques (des phéromones), et des substances naturelles d’origine minérale, végétale, bactérienne ou animale.
Le biocontrôle se base ainsi sur l’action d’organismes vivants qui se multiplient et se déplacent, mais peuvent coloniser d’autres milieux. L’expertise a donc cherché à évaluer l’impact potentiel de ces produits sur la biodiversité. « Dans l’ensemble, les produits de biocontrôle tendent à être moins persistants dans l’environnement » et à avoir des « impacts plus faibles » que d’autres produits classiquement utilisés, observe Sophie Leenhardt. Mais l’expertise note tout de même la persistance dans l’environnement de certains microorganismes insecticides ou « une écotoxicité équivalente, voire supérieure à celle de certains produits de synthèse », note-t-elle.
Enfin, l’experte rappelle que le biocontrôle entre plutôt dans une optique de régulation des bio-agresseurs que dans leur élimination, comme c’est classiquement le cas avec des produits de synthèse. « On voit que l’on a besoin d’un grand besoin de recherche sur ces produits pour mieux caractériser leur persistance dans l’environnement et leur écotoxicité », conclut Sophie Leenhardt.
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