Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable.
Parmi ces orientations permettant de poursuivre cette stratégie, le captage, le stockage et la valorisation du CO2 atmosphérique font l’objet d’une attention particulière. En effet, que ce soit en France et dans le monde, la captation du carbone constitue un rouage essentiel, afin de parvenir, à l’horizon 2050, à la neutralité carbone. Les ambitions françaises et mondiales en termes de séquestration carbone sont d’ailleurs extrêmement ambitieuses.
NetZero une entreprise française qui produit, à partir de biomasse résiduelle, du biochar, un amendement de sol stable, qui permet de séquestrer le carbone dans les sols sur du long terme.
Une solution unique en son genre, développée par les fondateurs de cette start-up en milieu tropical, là où la biomasse se trouve en grandes quantités.
NetZero a d’ailleurs passé la première étape du concours XPRIZE Carbon Removal, et à cette occasion reçu un million d’euros, afin de continuer le développement du produit et montrer que la technologie développée par NetZero peut passer à l’échelle industrielle, tout en étant rentable.
Olivier Reinaud, l’un des co-fondateurs de NetZero, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur en quoi le biochar est une solution d’avenir.
Techniques de l’Ingénieur : Quelle est l’histoire de NetZero, la start-up que vous avez co-fondée ?
Olivier Reinaud : NetZero est une entreprise qui a moins de deux ans et qui évolue sur une dynamique très rapide. L’objectif de notre entreprise est de faire passer à l’échelle le biochar en tant que solution de piégeage long terme de carbone, en se concentrant sur les zones tropicales. En effet, les zones tropicales sont riches en biomasse non valorisée, avec des problématiques de qualité des sols, d’acidité, d’accès aux engrais… l’utilisation du biochar dans ces régions permet de répondre en grande partie à ces problématiques, car il présente possède également des propriétés agronomiques très intéressantes.
Comment produisez-vous le biochar ?
Nous utilisons un processus relativement classique de pyrolyse, qui nécessite cependant certaines adaptations spécifiques pour être utilisé avec des résidus agricoles, qui sont notre matière première. Dans notre usine pilote au Cameroun, nous avons accès à une grande quantité de résidus générés par la culture du café. L’innovation que nous portons va plus concerner le modèle que nous développons en amont et en aval, plutôt que la pyrolyse en tant que tel, bien qu’il y ait des leviers significatifs d’optimisation technique. En effet, nous proposons un accompagnement et un package global : nous prenons en charge tous les aspects, depuis le sourcing de la biomasse jusqu’à la distribution finale du produit, l’accompagnement des agriculteurs pour l’utilisation du produit, et la certification des crédits-carbone associés au stockage durable du carbone dans le sol. C’est ce modèle intégré, développé en zone tropicale, qui fait notre spécificité, puisque nous sommes les premiers à avoir développé une usine de fabrication de biochar en Afrique. Et notre seconde usine, au Brésil, sera également la première du genre en Amérique du Sud.
Concrètement, comment accompagnez-vous les agriculteurs ?
En amont, nous leur expliquons l’intérêt de transformer leurs résidus agricoles en biochar, qu’ils pourront utiliser par la suite pour amender leurs sols, et nous organisons la logistique de collecte de la biomasse. En aval, nous formons les agriculteurs à l’usage du produit et menons des essais agronomiques pour déterminer les paramètres les plus optimaux d’usage.
Il faut savoir que le biochar est un produit qui est connu depuis très longtemps : il était cependant très peu utilisé jusqu’à récemment, car sa production était chère, et les prix de vente prohibitifs. Notre modèle, qui repose sur une technologie plus performante, une production à échelle industrielle, dans des zones où la biomasse est abondante et peu coûteuse, et avec des crédits-carbone comme source complémentaire de revenus, permet un prix de vente du biochar forcément plus attractif pour les utilisateurs.
Les utilisateurs sont-ils majoritairement les agriculteurs auprès de qui vous collectez la biomasse ?
Nous sommes dans une logique d’économie locale et circulaire. Nous vendons du biochar pour un usage agricole, aux producteurs qui nous fournissent la matière première, à savoir leurs résidus de production. Nous voulons développer un modèle circulaire, avec des garanties de long terme quant à la fourniture des résidus de culture, c’est pour cette raison que nous vendons le biochar à un prix très attractif aux agriculteurs qui nous fournissent la matière première.
Pour le moment, nous ne voulons pas vendre notre biochar autre part que là où nous le produisons, car cela briserait l’aspect circulaire du modèle que nous développons. L’optimisation de notre modèle à court terme n’est pas notre priorité. Ainsi, plutôt que de vendre notre biochar sur des marchés où les prix seront plus élevés, nous préférons le vendre aux agriculteurs qui nous fournissent la matière première. Cette circularité est pour nous un facteur fondamental pour réussir le passage à l’échelle du biochar.
Quelles sont les propriétés agronomiques du biochar, pour l’apport d’engrais et l’amendement des sols ?
Le biochar permet de séquestrer le carbone dans les sols pendant des centaines d’années. De plus, ce matériau possède des propriétés remarquables en termes de rétention d’eau et de nutriments, ce qui prend tout son sens en zone tropicale, où les apports d’engrais se fait généralement plusieurs fois par an. Le biochar permet également de réhausser le pH des sols. Aujourd’hui, les agriculteurs des zones tropicales utilisent de la chaux pour augmenter le pH des sols, mais il faut la plupart du temps l’importer, à des prix substantiels. Notre solution permet aux agriculteurs de se reposer sur une production locale du biochar, qui va leur coûter moins cher, et leur permettre d’afficher un bilan carbone moins lourd.
Vous développez également un processus de cogénération électrique. Pouvez-vous nous présenter son fonctionnement ?
La pyrolyse nous permet d’obtenir du biochar, solide, et des gaz en quantités importantes. Ces gaz sont brûlés pour maintenir le processus de pyrolyse, qui se trouve ainsi auto alimenté. Comme il reste malgré tout un excédent de gaz, il est possible, à partir de ces surplus, de faire de la cogénération d’électricité renouvelable.
Après une première usine au Cameroun, vous vous apprêtez à inaugurer la seconde, au Brésil…
Même s’il ne s’agit pas d’un prototype mais bel et bien d’une usine en vraie grandeur, notre site au Cameroun a été construit comme un démonstrateur. Il remplit parfaitement sa fonction de prouver que notre modèle fonctionne mais il est, par définition, sous-optimisé et vecteur de nombreux apprentissages. Notre programme de R&D doit permettre, à chaque nouvelle itération, d’améliorer la technologie, les process, et plus largement le modèle. Ainsi, notre seconde usine au Brésil sera nettement plus performante et le modèle plus optimisé. Nous voulons appliquer ce processus itératif jusqu’à atteindre un modèle extrêmement optimisé et packagé, qui puisse être franchisé et ainsi se déployer à très grande échelle.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
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