Laurence Tubiana avait été nommée « championne de haut niveau » pour le suivi des engagements de la COP21 par Laurent Fabius. Elle dirige désormais l'European climate foundation, organisation visant à promouvoir les politiques climatiques et énergétiques pour contrer les lobbies climato-sceptiques.
Pour Laurence Tubiana, le temps est à l’action et la transition est engagée. Elle retient un élément particulièrement marquant de la COP23 : l’engagement des acteurs non gouvernementaux et les coalitions se structurent. Avant l’Accord de Paris, seuls les pays étaient invités à agir. «On va maintenant vers des choses très organisées autour du charbon, de la neutralité carbone, de la décarbonation des transports […] avec des coalitions où les gouvernements immédiatement appellent des villes, des régions, des entreprises à participer par rapport à un objectif», analyse-t-elle. Ces coalitions sont des coopérations renforcées pour aller plus vite que la démarche consensuelle des COP.
Le charbon a aussi été au coeur des discussions à la COP23. Des entreprises allemandes ont appelé Angela Markel à sortir du charbon, une campagne citoyenne a été lancée pour sortir du charbon en Europe. Et une alliance emmenée par le Canada et le Royaume-Uni invite à définir une date précise d’élimination du charbon dans le mix énergétique. Ce focus a continué à l’occasion du One Planet Summit où de nombreux acteurs ont appelé le secteur financier à se désinvestir du charbon et des autres énergies fossiles. Mais les résultats restent encore largement insuffisants.
Une dynamique qui reste à amplifier
Le dialogue de Talanoa doit se dérouler en 2018 pour revoir les contributions nationales à la hausse d’ici 2020. «On a les bases d’une COP24 réussie», estime Laurence Tubiana, mais les négociations seront intensives en 2018. La fondatrice et ancienne présidente de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) estime que la condition essentielle pour relever ces contributions est que les pays définissent avant 2020 leurs trajectoires bas carbone pour 2050. «S’ils n’ont pas de trajectoire de long-terme, les choix seront mal faits», projette-t-elle.«Certains pays ont décidé dès 2050 d’aller vers la neutralité carbone : il faudrait que tous pays du G20 le fassent», prévient-elle. Ce travail concerne les gouvernements des pays, mais aussi les bailleurs de fonds et les industriels.
Certes, il y a eu des avancées. Mais «il y a encore beaucoup de secteurs où il ne se passe pas grand chose: l’aviation, le secteur maritime et de grands secteurs industriels», note Laurence Tubiana. Parmi ces derniers, il s’agit notamment des industries très émettrices : le ciment, l’acier et la chimie. Comment faire pour qu’ils soient compatibles avec l’Accord de Paris ? «Si l’on doit être dans une décarbonation nette zéro dans la deuxième partie du siècle, ce n’est pas encore clair», prévient-elle. Certains secteurs sont encore à la traîne, le secteur financier a commencé à bouger mais reste encore assez fragmenté. «Il n’ y a pas la boule de neige qui emporte tout», regrette-t-elle. L’agriculture était un sujet tabou, mais est le grand sujet politique majeur qui s’ouvre. «Après, ce sera sûrement le commerce international», projette l’experte des négociations climatiques.
Les avancées du One Planet Summit
Le One Planet Summit a été l’occasion de mettre la pression sur le secteur maritime et les industriels les plus émetteurs. Ainsi, 34 pays ont appelé à des avancées ambitieuses, au sein de l’Organisation Maritime Internationale, sur la régulation des émissions de CO2 liées aux transports maritimes. Celles-ci représentent aujourd’hui 3 % des émissions mondiales de CO2 mais pourraient augmenter, en l’absence d’actions ciblées, de 250 % d’ici 2050.
Par ailleurs, 225 grands investisseurs institutionnels pesant plus de 26.300 milliards de dollars ont lancé la coalition « Climate Action 100+ ». Avec pour objectif d’accompagner les 100 entreprises cotées les plus émettrices de gaz à effet de serre à présenter une stratégie de réduction de leurs émissions conformes aux objectifs fixés par l’Accord de Paris.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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