L'Arabie saoudite mise sur les énergies renouvelablesTout en continuant de miser sur l'exportation de pétrole et de gaz, l'Arabie saoudite veut préparer le futur. Elle entend développer fortement ses capacités renouvelables et nucléaires, pour devenir demain, exportateur d'électricité dans le Golfe.
L’Arabie saoudite, deuxième producteur mondial de pétrole après les Etats-Unis, veut utiliser la manne pétrolière pour rester une grande puissance mondiale. Par la voie de son ministre du pétrole, Ali al-Naimi, le pays a annoncé vouloir diminuer l’utilisation des énergies fossiles sur son territoire et devenir un leader mondial des énergies renouvelables (éolien et solaire) d’ici 2040. « L’Arabie saoudite reconnaît qu’un jour le monde n’aura plus besoin d’hydrocarbures. Je ne sais pas quand cela arrivera, probablement en 2040, 2050 ou plus tard. Nous nous sommes donc engagés dans un programme pour développer l’énergie solaire », a-t-il indiqué, lors du Business and Climate Summit de Paris à la fin du mois de mai.
Le pays du tout pétrole
Avec ses 30 millions d’habitants, le pays est le plus grand consommateur de brut au Moyen-Orient, et le sixième au monde. Il consomme environ le quart du pétrole qu’il produit (3 millions de barils sur une production journalière de 11,5 millions en 2014), ce qui le classe au sixième rang mondial des plus gros consommateurs de pétrole. Sa consommation intérieure a encore augmenté de 7 % en 2014. En cause notamment, le développement constant des climatiseurs dans ce pays où les températures moyennes estivales tournent autour de 45°C. L’enjeu principal pour les saoudiens, c’est donc de diminuer leur consommation intérieure de pétrole.
Les capacités de production électrique de l’Arabie saoudite sont d’environ 30 gigawatts (GW). Son parc électrique est presque exclusivement constitué de centrales thermiques à fioul et à gaz. Le pays a décidé de miser sur les énergies renouvelables et le nucléaire. Il ambitionne de construire 16 réacteurs nucléaire d’ici 2030, pour une capacité totale de 17 GW, et d’installer 41 GW de panneaux photovoltaïques d’ici 2040. En 2012, le plan de développement solaire était annoncé pour 2032 ; il a été repoussé de 8 ans. D’ici 2040, le pays devrait également installer 21 GW de production géothermale et éolienne. De quoi assurer presque la totalité de la production électrique à partir de sources renouvelables et du nucléaire, alors qu’actuellement, celles-ci ne couvrent que 1 % de la production.
Diminuer sa consommation de pétrole pour mieux exporter
La réalité est là : si l’Arabie saoudite diminuait sa consommation intérieure et exportait les barils économisés, cela pourrait lui rapporter 180 millions de dollars par jour (à 60 dollars le baril). En attendant, les barils utilisés dans le pays ne rapportent pas grand chose à l’Etat. En effet, lorsqu’il s’agit d’usages domestiques, carburant ou production électrique, Saudi Aramco, la compagnie nationale d’hydrocarbures et détenue à 100 % par l’Etat, doit vendre ses barils au prix de 5 dollars. Une manne de revenue considérable perdue, en somme.
Bien que le pays dispose des deuxièmes plus grandes réserves de pétrole prouvées au monde (derrière le Venezuela) avec 267 milliards de barils, il sait que ses réserves ne sont pas infinies. A production constante, ses puits seront taris dans environ 60 ans. Si sa consommation énergétique reste entièrement dépendante du pétrole et continue d’augmenter, pourra-t-il continuer à exporter autant de pétrole ? Lorsque les pays auront bien entamé leurs transitions énergétiques, continueront-ils à importer autant de pétrole ? Face à ces incertitudes, le royaume cherche d’autres sources pour compléter ses revenus. Il espère ainsi exporter des gigawattheures d’électricité dans le Golfe, en parallèle de ses exportations de pétrole et de gaz.
Le choix est stratégique. En diminuant fortement l’utilisation des énergies fossiles dans sa consommation intérieure, les saoudiens pourront continuer leurs exportations. Ils ne peuvent pas faire sans pour le moment : les exportations de pétrole représentent environ 75 % des recettes du pays.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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