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Décryptage

L’Anses va étudier la toxicité des OGM sur 6 mois

Posté le par Matthieu Combe dans Chimie et Biotech

L'Anses est sur le point de lancer une nouvelle étude de long terme sur les risques toxicologiques des OGM. L’agence avait constitué une instance de dialogue autour du projet d’étude, mais dès la première réunion, plusieurs associations se sont retiré du dialogue. En cause : la faible marge de manœuvre pour modifier le protocole de l’étude et de la présence d’industriels dans cette instance. Explications.

Les travaux du Professeur Gilles-Eric Séralini ont été publiés le 19 septembre 2012 dans la revue américaine Food and Chemical Toxicology. Ils portaient sur la toxicité à long terme du maïs OGM NK603 et de l’herbicide total Round up de Monsanto, et tendaient à démontrer cette toxicité sur le rat. Suite à la polémique qui a enflée, plusieur travaux de recherche à l’échelle européenne sont en préparation pour étudier cette toxicité supposée.

Au niveau européen, deux projets sont en cours. L’un, dénommé GRACE, a été initié en 2012 avant la publication de l’étude Séralini, pour une durée de 3 ans. Il portait intitialement sur des études de toxicité à 3 mois sur le rat. Compte tenu du contexte, le protocole a évolué et compte désormais une étude toxicologique sur le maïs MON 810 d’une durée d’un an. L’autre projet, dénommé G-TwYST, a été lancé en septembre 2014 pour une durée de 4 ans. Il prévoit la réalisation d’études de toxicité à 1 an et à 2 ans chez le rat, suivant strictement les recommandations internationales en matière de protocole expérimental (OCDE, EFSA). Ces deux projets portent sur le maïs MON810 et le maïs NK603 traité avec du Roundup.

En France, que prévoient les pouvoirs publics?

Un projet voit également le jour en France. Il s’agit du projet OGM90+, financé à hauteur de 2,5 millions d’euros par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie dans le cadre du programme Risk’OGM : « Risques environnementaux et sanitaires liés aux OGM ».

OGM90+ réunit un consortium composé de l’INRA, de l’INSERM, d’universités (Toulouse, Rennes 1, Paris Descartes, Bordeaux, Lyon) et de l’Anses. Il utilisera les techniques dites « omiques », afin de mieux prévoir les potentiels effets à long terme des plantes génétiquement modifiées sur la santé. »Il s’agit d’une étude de 90 jours, prolongée à 6 mois, pour voir l’évolution des paramètres observés après le délai usuel de surveillance des animaux dans les études requises en matière d’OGM », explique Franck Fourès, directeur adjoint chargé des thématiques santé-alimentation à l’Anses. « L’étude prévoit à la fois des lots de maïs NK603 traités et non traités par du Round-up », précise-t-il.

« L’expérimentation sur animal devrait commencer au printemps 2015 pour une durée de 6 mois. Ensuite commenceront les analyses des tissus et des fluides recueillis par les méthodes omiques (protéomique, génomique, métabolomique…) et le projet devrait se terminer fin 2016″, prévient l’expert de l’Anses. »Par ailleurs OGM90+ est en interaction étroite avec le projet européen G-TwYST avec la même alimentation et la même souche de rat. Nous poursuivrons l’étude de certains paramètres en omiques sur des prélèvements à 1 an et 2 ans », prévient-il en réponse aux critiques des associations.

Pourquoi les associations se sont-elles retirées du dialogue ?

L’Anses voulait piloter un dispositif permettant d’associer les parties prenantes tout au long du processus par la mise en place d’une instance de dialogue. En mars 2014, l’Anses a donc lancé un appel public à manifestation d’intérêt et tous les représentants d’associations, d’entreprises et d’organisations ayant fait acte de candidature ont été retenus.

Au cours de la réunion de lancement qui s’est tenue le 28 mai 2014, des représentants de plusieurs organisations associatives – Greenpeace, Inf’OGM, CRIIGEN – et de la Confédération paysanne ont fait part de leur décision de se retirer de cette instance de dialogue. Le Verbatim de la réunion vient d’être rendu public. On y apprend précisément les raisons de ce refus. On reprend ici les raisons principales ayant motivé leur décision.

« Même si nous approuvons complètement le souhait de l’Anses de constituer une instance de dialogue autour du projet d’étude à long terme sur les risques toxicologiques des OGM, l’organisation de cette instance et le fait que le protocole semble arrêté et non discutable nous posent un souci », explique Anaïs Fourest, Chargée de campagne Agriculture chez Greenpeace France . »Par ailleurs, le porte-parole français de la société Monsanto étant invité à participer à cette instance qui doit se prononcer sur son propre OGM, nous ne pouvons tolérer un conflit d’intérêts aussi direct », ajoute Roxane Mitralias, Animatrice OGM de la Confédération paysanne.

Les associations regrettent également que ce projet ne dure que 6 mois, au lieu des deux ans initialement prévus. Franck Fourès, notre expert de l’Anses, qui était aussi responsable de cette instance de dialogue, explique cette décision « L’appel à projets a été assez large pour viser à couvrir tout ce que des scientifiques pourraient apporter en documentant les effets à long terme des OGM. Cela aurait tout à fait pu être une étude à deux ans. Il se trouve qu’un projet seulement a été soumis et qu’il utilise plutôt les techniques omiques, qui sont chères, ce qui fait que la durée de travail est nécessairement plus courte ».

Dans sa Déclaration relative à la sortie du programme RiskOGM et de son instance de dialogue, le CRIIGEN qui avait joué un rôle important dans l’étude Séralini critique sans détour le protocole retenu. « L’Anses précise que cette étude vient en complément d’une étude européenne d’une durée de deux ans, relative à la cancérogénicité à long terme du maïs NK603 sur le rat. Elle omet toutefois de préciser que seules les tumeurs cancéreuses seront examinées, à l’exclusion de toutes les autres pathologies.

Or, notre étude n’avait pas conclu sur les cancers, mais sur les pathologies rénales, hépatiques, les inversions de taux d’hormones sexuelles et les tumeurs mortelles qui se développaient au cours de la deuxième année », explique ainsi le CRIIGEN. De plus, « l’étude proposée est insuffisante et sera donc non conclusive, un délai de 3 mois (comme celui de 6 mois) étant trop court pour analyser une toxicité chronique, notre étude l’ayant d’ailleurs montré spécifiquement pour cet OGM et l’herbicide Roundup », déplore l’association.

Au final, quel forme va prendre le suivi du projet ?

L’instance de dialogue s’étant dissoute avant même d’avoir commencé son travail, l’Anses organisera à la place des réunions d’informations sur l’étude OGM90+ aux étapes clés du projet. « Les réunions auront lieu notamment avant le lancement de l’expérimentation sur les animaux, à la fin de l’expérimentation et au moment de la mise en forme des premiers résultats », affirme Franck Fourès.

Toutes les données expérimentales seront en accès libre sur un serveur dans le cadre d’un consortium sur le sujet des OGM regroupant GRACE/, G-TwYST et OGM90+.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique 

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