Depuis 2006, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) n’émettait qu’un avis sur les dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) soumis par les industriels ; la décision d’autorisation ou non de ces produits était prise par le Ministère de l’Agriculture. Suite à la loi du 13 octobre 2014 d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’Anses aura en charge l’ensemble de ces missions à partir du 1er juillet 2015.
Pour mener à bien la gestion des AMM, l’Anses va créer une direction séparée de sa direction de l’évaluation des risques. L’Agence veut ainsi assurer l’indépendance des deux activités en toute transparence. Elle estime avoir besoin d’environ 35 équivalent temps pleins pour la prise en charge de ses nouvelles missions. La loi de Finances prévoit la création de 10 nouveaux postes pour 2015, 15 autres devraient être pourvus cette année par réaffectation de postes en interne. Pour les 10 postes restants, l’Anses espère les obtenir de l’Etat en 2016.
Phytopharmacovigilance : suivre la réalité sur le terrain
La loi d’avenir agricole prévoit aussi de renforcer les dispositifs de contrôle des produits autorisés sur le terrain. L’objectif est de suivre les effets éventuels des pesticides sur la santé humaine, que cela soit pour les travailleurs ou la population générale. Mais l’environnement n’est pas en reste : l’agence devra surveiller la santé des écosystèmes, de la faune et de la flore et les contaminations des milieux par les pesticides. Ainsi, si des signes montrant la toxicité d’un produit s’accumulent sur le terrain, l’Anses devra réagir rapidement pour reconsidérer l’AMM. « Une fois le produit sur le marché, il faut être capable d’être attentif à tout signal qui pourrait nous amener à remettre en cause telle ou telle décision au niveau de l’AMM », précise Marc Mortureux, directeur de l’Anses. C’est ce que la loi appelle la « phytopharmacovigilance ».
Améliorer les dispositifs existants
L’Anses n’a pas d’unités présentes sur le terrain. Pour la phytopharmacoviligance, il lui faut donc miser sur la structuration des systèmes existants. «Ce dispositif va être mis en place dès cette année et va s’appuyer sur une série d’organismes qui dans différents domaines collectent un certain nombre de données», prévient Marc Mortureux.
Différents dispositifs de collecte d’information pilotés par divers acteurs publics recueillent en effet d’ores et déjà de nombreuses informations relatives aux effets sanitaires des pesticides. Le principal défi ne consiste donc pas à créer de nouveaux dispositifs de collecte d’informations nouveaux, mais à les renforcer et permettre l’interprétation d’un point de vue sanitaire des données apportées. «Il reste un gros travail à faire pour avoir un dispositif beaucoup plus réactif, mieux adapté à cet objectif», assure Marc Mortureux.
L’agence se verra néanmoins doter d’une petite capacité propre d’inspection. « C’est important, lorsqu’il y aura un événement d’avoir des personnes qui pourront aller concrètement constater sur le terrain et récupérer toutes les données utiles », reconnait Marc Mortureux. Ces moyens permettront aussi de mettre en oeuvre des campagnes de contrôle des produits phytosanitaires déjà présents sur le marché pour «vérifier la conformité de ces produits mis sur le marché par rapport aux dossiers tels qu’ils sont déposés», précise-t-il. L’agence aura également la possibilité de mener des études indépendantes ciblées pour mieux documenter certaines interrogations.
Concernant les nouveaux produits, l’Agence aura la possibilité de comparer leur toxicité à celle de produits déjà présents sur le marché. Pour les substances actives, qualifiées de « candidates à la substitution », si des produits moins dangereux et aussi efficaces sont déjà présents sur le marché, l’AMM ne sera pas accordée.
Des études sur les pesticides attendus pour cette année
Les résultats de l’expertise sur les expositions des travailleurs agricoles aux pesticides et les conclusions de l’étude Pesti’home sur les utilisations domestiques des pesticides sont attendus d’ici la fin de l’année pour la France métropolitaine.
Par ailleurs, l’Anses a été saisie en 2014 pour contribuer à la définition de modalités d’une surveillance nationale des pesticides présents dans l’air ambiant. D’ici la fin de l’année, elle établira une liste prioritaire de 10 à 20 pesticides à surveiller dans l’air en France métropolitaine, puis début 2016, dans les régions d’outre-mer. Elle proposera également une stratégie d’échantillonnage pour évaluer l’exposition de la population aux pesticides dans l’air.
Par Matthieu Combe
Et aussi dans les
ressources documentaires :