Les réseaux de distribution de gaz sont en effet, outre-Manche, assez âgés et des kilomètres de conduites devront être changés dans les années à venir. De plus, la stratégie climatique britannique prévoit de réduire de 80% les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2050 (par rapport à 1990) et une bonne part des rejets proviennent du gaz, notamment du chauffage au gaz. D’où l’idée des gestionnaires de réseau gazier de remplacer, par étapes d’ici à 2050, le gaz naturel par l’hydrogène. Et les GRD de rappeler que, jusque avant les années 1960, le «gaz de ville» contenait quelque 60% d’hydrogène.
Le gaz constitue la première énergie de chauffage britannique (80% du chauffage en pointe, et 320 TWh par an consommés par les particuliers, ainsi que 98 TWh/an par l’industrie). «Le chauffage destiné aux habitations et à l’industrie représente la moitié de la consommation d’énergie du Royaume-Uni et un tiers de ses émissions de CO2, avec 83 % des ménages qui se chauffent au gaz», rappelle Cadent dans un communiqué publié à l’occasion du lancement du projet de Keele.
Mais basculer d’un coup du méthane à l’hydrogène n’est pas possible, ni techniquement pour les réseaux (risques de fuite accrus, résistance des matériaux des conduites), ni financièrement pour les particuliers (il faut changer les chaudières).
Un vaste programme
Le programme dénommé H21 North of England est porté par les deux grands gestionnaires de réseau du Nord de l’Angleterre (donc au centre du Royaume-Uni), Cadent et Northern Gas Networks (NGN). Ils planchent depuis 2008 sur le sujet, s’interrogeant sur le bien-fondé d’un remplacement à l’identique des réseaux de gaz vétustes. Les gestionnaires de réseau ont livré en 2016, un rapport pour passer du réseau gazier actuel à un système capable d’abord d’accepter jusqu’à 20% d’hydrogène, puis à l’horizon 2050, 100% dans les conduites, et décarboner le secteur du chauffage.
Ainsi, la première phase d’H21 North of England débute par le test d’un an, financé par Ofgem à hauteur de 7 M£, avec 20% d’hydrogène qui vient d’être lancé dans le réseau privé du campus de Keele (17 bâtiments universitaires et une centaine de foyers). Test réalisé avec ITM Power (pour l’électrolyseur produisant l’H2), le Health and Safety Laboratory (HSL), qui autorise spécifiquement la montée à 20% d’hydrogène dans le réseau, contre les 0,1% réglementaires actuels, des consultants de Progressive Energy et l’Université de Keele. Ce taux de 20% est équivalent à celui du projet Grhyd porté par Engie à Dunkerque.
La deuxième phase, HyDeploy2 se déroulera à l’Est sur le cluster Liverpool-Manchester, desservi par Cadent et à Leeds, livré par NGN. C’est d’ailleurs H21 Leeds City Gate, qui a préludé à H21 North of England. Objectif : dès 2020, alimenter 750 clients dans chaque zone avec 20% d’hydrogène. Le projet mancuno-liverpuldien mené par Cadent devrait démarrer rapidement, puis, en 2026, une injection à hauteur de 100% est prévue pour alimenter des sites industriels. La bascule totale est prévue en 2034, touchant 5 millions d’habitants, 10% de la demande gazière britannique et 10% de la consommation industrielle. A Leeds, la deuxième phase concerne des foyers, avec une injection d’hydrogène dans le seul réseau de distribution à une pression inférieure à 7 bars, pour éviter la fragilisation par l’hydrogène des conduites, l’une des problématiques de l’injection d’hydrogène dans le réseau actuel.
Capture et stockage du CO2 pour rendre soutenable la bascule hydrogène
Cette deuxième phase verra partiellement la réutilisation des moyens de production d’hydrogène de la phase 1 (électrolyse), mais sera surtout fondée sur le vaporéformage du méthane. Une technologie émettrice de CO2 qu’il faudra remplacer à terme pour «verdir» l’hydrogène. Mais, pour les concepteurs de la bascule gaz/hydrogène, la pérennité du système se fonde sur un approvisionnement à long terme stable en méthane (du biométhane, voire en passant par les gaz de schiste) ainsi que sur la capture et le stockage du CO2 (CCS) issue du vaporéformage (s’il s’agit de gaz de schiste).
D’où le choix de zones proches des champs gaziers en mer, notamment pour Cadent. Ce dernier estime en effet que les champs déplétés de Hamilton, au large de Liverpool pourraient accueillir quelque 23 millions de tonnes de CO2 gazeux ou 130 Mt en phase dense. En outre, le passage à une phase 100% hydrogène impliquera des stockages pour pallier les variations saisonnières de demande. Là encore, les gestionnaires de réseau misent sur les cavités salines présentes dans la zone, qui stockent aujourd’hui le gaz naturel de l’offshore britannique.
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