Il subsiste des différences notables entre le mix énergétique allemand et français, notamment concernant l’électricité d’origine nucléaire.Toutefois, « ces différences ne doivent en aucun cas nous empêcher de travailler ensemble sur ce qui nous est commun », estime Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. « Nous avons bien l’intention, ensemble, de faire de l’Europe, le continent de la transition énergétique », ajoute-t-elle.
L’objectif affiché est de mieux organiser la coopération franco-allemande dans le domaine des énergies renouvelables pour faire figure de proue et attirer les autres pays dans la dynamique. « Nous sommes convaincus que cette coopération nous permettra de faire avancer le projet des renouvelables au plan mondial », estime pour sa part Peter Altmaier, Ministre fédéral de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sûreté nucléaire. « Le débat en France porte exactement sur les mêmes problèmes, sur les mêmes défis, sur les mêmes questions [qu’en Allemagne] », remarque-t-il. La situation entre les deux pays est donc beaucoup plus proche que ce que l’on a pu penser par le passé. Les chances de coopération et de synergie sont donc larges.
Un office des énergies renouvelables
Le Bureau de coordination des Energies renouvelables, créé en 2011, devient l’Office Franco-Allemand pour les Energies renouvelables dans le cadre de la Transition Energétique. Les deux pays « soulignent leur volonté d’approfondir toutes les formes de coopération concernant les questions liées au développement des énergies renouvelables – notamment en ce qui concerne la planification territoriale, les impacts environnementaux, les coûts et les systèmes de soutien, l’emploi et la formation ; de renforcer la coopération dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation pour les énergies renouvelables », précise l’accord signé le 7 février 2013.
Cet Office aura aussi pour objet de « traiter de thèmes d’intérêt commun relatifs aux énergies renouvelables et aux sujets connexes, d’encourager l’échange d’informations dans ces domaines ». Dans cette perspective, les deux pays cherchent notamment une position commune pour instaurer un nouveau prix du carbone sur le marché.
Une audition par le conseil national de la transition énergétique
Peter Altmaier est le premier homme politique étranger à être auditionné par le Conseil national du débat sur la transition énergétique. Durant son audition, il a notamment souligné que l’arrêt de huit centrales nucléaires en 2011 n’a pas engendré d’augmentation nette des importations électriques. « En réalité, nous avons toujours eu en 2011 et 2012 un surplus d’exportation par rapport aux voisins européens, même la France », fait-il valoir. Notamment en hiver, la France a importé plus d’électricité en provenance d’Allemagne qu’elle n’y en a exportée ! Ce résultat est important pour faire baisser la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans le mix électrique français.
Après la fermeture des huit centrales nucléaires, la production des énergies renouvelables a été élargie. À ce jour, déjà 23 % de l’électricité allemande est fournie par des énergies renouvelables. Selon les estimations, cette part devrait atteindre entre 35 et 40 % en 2020. L’objectif est d’atteindre 80 % en 2050. La décision de fermer toutes les centrales nucléaires à l’horizon 2022 a accéléré le processus de développement.
Toutefois, Peter Altmaier voit le développement des gaz de schistes aux Etats-Unis comme une tendance préoccupante. Ce développement provoque la baisse du prix du charbon en Europe et les pays se détournent peu à peu des usines à gaz pour recourir au charbon. Il appelle à un débat politique en Europe, car si le charbon est moins cher, il est incompatible avec les objectifs climatiques.
Les chiffres allemands montrent que la croissance économique du pays n’est plus liée à l’augmentation de la consommation électrique. Selon les chiffres provisoires en 2012, l’économie allemande a crû de 0,8 % et la consommation nette d’électricité a baissé de 2 %. « Je ne sais pas si il y a des influences climatiques, il faut voir cela, mais nous avons pour but de réduire la consommation totale d’électricité de 10 % d’ici 2020 », reconnait-il toutefois.
En Allemagne, la plupart des énergies renouvelables sont fournies par des agriculteurs qui produisent du biogaz et accueillent sur leur territoire des éoliennes ou des panneaux solaires. L’approvisionnement énergétique s’en trouve d’autant plus diversifié et le revenu des agriculteurs augmenté et stabilisé. Dans le pays, la « capacité de panneaux solaires correspond à la production d’électricité de 20 centrales nucléaires », se plait à rappeler Peter Altmaier.
Ne pas rater la 3e vague de modernisation
« Je suis sûr et certain que nous voyons la 3e vague de modernisation industrielle de l’après-guerre », estime le Ministre allemand. Après avoir raté l’électronique dans les années 60-70, les, ordinateurs dans les années 80-90, l’Europe peut, pour la première fois, être dans les premiers sur le plan mondial. « Si la France et l’Allemagne sont les premiers à encourager la recherche, le développement et la mise en place, nous pouvons en bénéficier pour les 30 années à venir », prévient-il. Au contraire, si l’industrialisation des énergies renouvelables ne se fait pas rapidement en Europe, nous passerons encore une fois à côté d’une révolution industrielle.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Dans l'actualité