Au delà du potentiel de ressources fossiles inexploitées (gaz, pétrole…) dont on a dit à peu près tout ce qu’il y avait à dire, l’Alaska possède des gisements considérables d’énergies éoliennes (sur terre aussi bien qu’en mer) et hydrauliques (avec des fleuves et rivières inexploités). Mais, ce qui nous intéresse en priorité ici, ce sont les énergies de la mer (vagues, courants et marées) disponibles en Alaska à la mesure de ce que peuvent fournir l’Océan Arctique qui le borde au Nord (Mer de Chukchi et Mer de Beaufort), la Mer de Béring qui le borde à l’Est et l’Océan Pacifique (Golfe de l’Alaska) qui le borde au Sud.
Un environnement maritime suffisant pour que beaucoup pensent que l’Alaska puisse rapidement devenir un chef de file national dans la production d’énergies alternatives et notamment d’origine marine. Bien que l’Alaska soit le deuxième plus grand Etat producteur de pétrole dans le pays (après le Texas), ses citoyens ont eu récemment à payer des factures d’électricité très élevées, le pétrole n’étant plus aussi facilement disponible pour la production d’électricité que par le passé. La situation a changé très rapidement et la crise financière planétaire n’y est pas étrangère. Il n’est pas si éloigné en effet le temps où les habitants de l’Alaska ne cachaient pas leur scepticisme vis à vis des énergies renouvelables, le discours pour le moins radical de leur gouverneure, Sarah Palin, aidant. Mais il s’est avéré que le présent donne tort à ce discours et que de nombreuses voix s’élèvent pour faire remarquer que la production d’énergies renouvelables pourrait s’avérer beaucoup moins chère que l’extraction de pétrole.
Déjà, dans cet Etat mal relié au réseau national, où l’usage de l’électricité produite individuellement est très répandu, les consommateurs ont pu constater par eux-mêmes que l’électricité produite grâce aux éoliennes domestiques coûtait moins cher que celle produite avec des groupes électrogènes fonctionnant au fuel. Autre facteur plaidant pour l’usage des sources alternatives d’énergie dans cet Etat, le fait que la majeure partie du pétrole extrait d’Alaska ne lui soit pas destiné. Enfin il semblerait aussi que les habitants de ce continent glacé aient des raisons de ne pas être complètement insensibles à l’impact du réchauffement planétaire sur leur région, qui comme toutes celles proches des pôles, est en première ligne.
Le gouvernement de l’Etat ne s’y est pas trompé. Il vient de dégager 300 millions de dollars sur les 5 années à venir en subventions destinées aux services publics, producteurs d’électricité indépendants ou autorités locales qui produiront de l’énergie propre. Montant considérable si on le rapporte au nombre d’habitants que compte cet Etat, l’un des moins peuplés des Etats-Unis avec seulement 670.000 habitants (à peine la population d’un quartier de New York !) bien que ce soit l’un des plus grands en superficie. « Hier le pétrole était bon marché et pratique. Aujourd’hui, il est tout juste pratique » a déclaré Steve Haagenson, nommé l’année dernière comme Coordonnateur pour les énergies dans la région.
L’Alaska qui assure déjà aujourd’hui 24% de son électricité à partir de sources renouvelables (beaucoup aimeraient pouvoir en dire autant !) a décidé, le mois dernier par la bouche de sa gouverneure que l’objectif sera de produire 50 % de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2025. Bien consciente que la brusque chute des prix du pétrole actuelle n’est qu’une illusion d’optique, Sarah Palin a déclaré : « Je ne voudrais pas que les habitants d’Alaska tirent un sentiment de sécurité de la faiblesse des prix du pétrole actuel car il faut qu’ils sachent que ces prix bas ne vont pas durer. »
C’est la Kotzebue Electric Association (Association pour l’électricité de la communauté de Kotzebue) qui a été la première à démontrer l’utilité de l’emploi des éoliennes en Alaska et ce dès 1997, dans le nord-ouest de l’Etat. Neuf autres communautés rurales l’ont suivie depuis lors et plus d’une douzaine de projets sont en préparation.
Parmi les premiers à comprendre tout l’intérêt qu’il y avait à capitaliser sur les renouvelables en Alaska, le petit équipementier éolien Northern Power Systems, a mené une étude en collaboration avec l’Alaska Energy Authority, une société publique dont l’objectif principal est de réduire les coûts de la production d’électricité en Alaska, étude de laquelle il ressort que plus de 100 villages en Alaska serait éligibles à l’éolien. Northern Power Systems qui avait initialement conçu sa turbine de 100 kW pour équiper le petit marché du pôle Sud, a opéré un virage à 360 degrés – si l’on peut dire dans ce cas là – pour se diriger vers le pôle Nord où la compagnie travaille désormais à la livraison de turbines pour 8 villages de l’Alaska, dont la petite communauté de Toksook Bay, et projette d’équiper dans un avenir proche 45 autres villages ou communautés.
Mais l’éolien terrestre n’est pas la seule énergie qui va être développée en Alaska. Ce sera même, étant donné la nature difficile du terrain, la moins évidente à développer. Selon Roger Bédard de l’Electric Power Research Institute, qui s’est confié à Alternative News, plus de la moitié des ressources énergétiques de l’Alaska seront tirées de l’océan, l’énergie des vagues et des courants représentant plus de 90% (ce qui sous entend 10% d’éolien offshore).
Comme prémonitoire, la devise de cet Etat surnommé aussi The Last Frontier, est « North to the Future » (Le Nord pour et vers le Futur).
Prémonitoire certes mais pas seulement vraie pour les Américains, les régions polaires en général étant bel et bien devenues l’enjeu énergétique majeur de ce siècle. Les grandes manoeuvres dans ce sens ont déjà commencé. L’Europe devrait y avoir sa place…
Par Francis Rousseau auteur du site Les énergies de la mer
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