L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a rendu public le 18 mai dernier un rapport de 224 pages intitulé « Net Zero by 2050 : a Roadmap for the Global Energy Sector ». Réalisé à la demande du gouvernement britannique dans l’optique de la COP 26 à Glasgow en novembre prochain, ce rapport sonne le glas des énergies fossiles… Si l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, fixé lors de la COP21 à Paris en 2015, entend être tenu.
Agence de l’OCDE créée par les pays fortement consommateurs de pétrole dans les années 1970, en réponse à la création de l’organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP, alors…) qui avait entraîné la première crise pétrolière, l’AIE sonne ainsi le glas des fossiles qu’elle a largement défendue pendant près de 40 ans… Significatif ! Pas de nouvelles centrales au charbon, et « pas besoin de nouveaux gisements de pétrole et de gaz naturel dans la feuille de route vers le net zéro ».
L’AIE considère en effet que les promesses actuelles de « zéro émission » sont loin d’être suffisantes pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, même si elles sont « toutes » mises en œuvre. En revanche, l’agence de l’OCDE signale qu’il est possible d’atteindre cet objectif, mais « la voie est étroite » et réclame impérativement une mobilisation de tous les pays, en particulier les économies les plus avancées.
Déployer toutes les technologies propres et l’efficacité énergétique
Les politiques doivent être renforcées pour accélérer le déploiement de technologies énergétiques propres et efficaces. Les mandats et les normes sont essentiels pour inciter les consommateurs à dépenser et l’industrie à investir dans les technologies les plus efficaces. Les objectifs et les ventes aux enchères concurrentielles peuvent permettre à l’énergie éolienne et solaire d’accélérer la transition du secteur de l’électricité. La suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles, la tarification du carbone et d’autres réformes du marché peuvent garantir des signaux de prix appropriés. Les politiques doivent limiter ou décourager l’utilisation de certains combustibles et technologies, tels que les centrales électriques au charbon non alimentées, les chaudières à gaz et les véhicules à moteur à combustion interne classiques. Les gouvernements doivent diriger la planification et l’incitation vers l’investissement massif dans les infrastructures, notamment dans les réseaux de transmission et de distribution intelligents.
La feuille de route de l’AIE
Prenant les résultats de deux scénarios 2050 sur la production et la consommation d’énergie et les émissions de carbone afférentes, l’agence de l’OCDE constate que même le meilleur des deux (Announced Pledge Case, ou APC), qui prend en compte l’ensemble des engagements pris par les pays dans le monde entier et suppose que ceux-ci sont tenus, ne permet pas d’atteindre la neutralité carbone.
L’AIE propose donc une feuille de route permettant d’atteindre ledit objectif : un scénario dénommé Net-Zero Emissions (NZE). « Une feuille de route définit plus de 400 jalons (secteur par secteur) pour guider le voyage mondial vers le zéro net d’ici à 2050 », indique le rapport.
Avec NZE, l’offre totale d’énergie diminue de 7 % entre 2020 et 2030, et se maintient autour de ce niveau jusqu’en 2050, pour une économie mondiale qui aura doublé en taille, une population de 2 milliards d’habitants de plus, et une demande en retrait de 8 %. Les mesures d’efficacité énergétique et l’électrification sont les deux principaux facteurs contributifs, avec les changements de comportement et les gains d’efficacité dans l’utilisation des matériaux.
La consommation finale d’électricité dans le scénario NZE augmente de 25 % de 2020 à 2030, et d’ici 2050, elle est plus du double du niveau de 2020, insiste l’AIE. L’augmentation de la consommation d’électricité, liée à la fois à l’électrification des usages et à la production d’hydrogène par électrolyse, représente, en croissance annuelle globale de la demande d’électricité, l’ajout chaque année de la consommation électrique d’un pays de la taille de l’Inde. Dans le scénario NZE, la part des renouvelables dans la production d’électricité atteint 90 % en 2050, alors que dans le scénario APC, elle atteint les 70 % à cet horizon.
La part de l’électricité dans l’énergie finale mondiale passe de 20 % en 2020 à 26 % en 2030 et à environ 50 % en 2050. A cette date, l’électricité domine le secteur des transports, avec plus de 60 % de l’énergie utilisée. L’hydrogène et les combustibles de synthèse jouent aussi un rôle, concentré principalement dans le transport lourd.
En revanche, avec NZE, la consommation de pétrole tombe à 24 millions de b/j seulement en 2050, alors qu’avec le scénario APC, le pétrole voit sa demande remonter doucement dans les années 2020, puis diminuer jusqu’à 80 millions de b/j en 2050. La consommation de charbon tombe à 600 millions de tonnes-équivalent charbon (Mtec) en 2050 dans le scénario NZE, alors qu’elle passe de 5 250 Mtec en 2020 à 2 600 Mtec en 2050. Quant au gaz naturel, si avec APC, sa demande ne diminue que de 10 % (par rapport à 2020) à 4 350 milliards de m³ en 2025 et reste à ce niveau jusqu’en 2050, elle tombe à 1 750 milliards de m³ seulement en 2050 sous NZE.
Un scénario qui repose sur la technologie actuelle… et future
« Pour atteindre le niveau zéro d’ici à 2050, il faut poursuivre le déploiement rapide des technologies disponibles et généraliser l’utilisation des technologies qui ne sont pas encore sur le marché. D’importants efforts d’innovation doivent être déployés au cours de cette décennie (donc avant 2030) afin que ces nouvelles technologies soient commercialisées à temps. La plupart des réductions mondiales des émissions de CO2 jusqu’en 2030 dans notre trajectoire proviennent de technologies facilement disponibles aujourd’hui. Mais en 2050, près de la moitié des réductions proviennent de technologies qui sont actuellement au stade de la démonstration ou du prototype », insiste l’AIE.
Dans l’industrie lourde et le transport longue distance, la part des réductions d’émissions provenant de technologies encore en cours de développement aujourd’hui est encore plus élevée.
Les plus grandes possibilités d’innovation concernent les batteries avancées, les électrolyseurs d’hydrogène, ainsi que le captage et le stockage direct de l’air. Ensemble, ces trois domaines technologiques apportent une contribution essentielle aux réductions des émissions de CO2 entre 2030 et 2050 dans notre trajectoire.
L’innovation au cours des dix prochaines années – non seulement par la recherche et le développement (R&D) et la démonstration, mais aussi par le déploiement – doit être accompagnée de la construction à grande échelle des infrastructures dont les technologies auront besoin. Il s’agit notamment de nouveaux pipelines pour transporter les émissions de CO2 captées et de systèmes pour déplacer l’hydrogène autour et entre les ports et les zones industrielles.
C’est peut-être sur les technologies futures que le rapport de l’AIE est le plus optimiste… Et que le risque est grand de ne pas atteindre l’objectif « net zero ».
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