L’Agence internationale de l’énergie (AIE) continue d’égrainer ses constats sur différents sujets, à l’aune de la publication de son World Energy Outlook, le 13 novembre prochain. Ainsi, l’AIE a rendu publique lundi 4 novembre son constat sur les efforts en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique… Et tire la sonnette d’alarme.
En effet, l’intensité énergétique primaire mondiale – un indicateur important de la consommation énergétique de l’activité économique mondiale, qui est le rapport entre l’énergie consommée et le PIB – n’a augmenté que de 1,2% en 2018, soit le taux le plus faible depuis le début de la décennie, selon le rapport annuel de l’AIE sur l’efficacité énergétique.
Ainsi, ajoute l’agence internationale, le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique (l’intensité énergétique primaire) a désormais diminué pendant trois années consécutives, ce qui le place bien en dessous du minimum de 3% qui, selon l’AIE, est essentiel pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et d’énergie.
« Le ralentissement historique de l’efficacité énergétique en 2018 – le taux d’amélioration le plus faible depuis le début de la décennie – appelle les décideurs et les investisseurs à prendre des mesures audacieuses », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE à cette occasion. « Nous pouvons améliorer l’efficacité énergétique de 3% par an simplement en utilisant les technologies existantes et des investissements rentables. Il n’y a aucune excuse à l’inaction : des politiques ambitieuses doivent être mises en place pour stimuler les investissements et mettre les technologies nécessaires au travail à l’échelle mondiale », ajoute-t-il, mettant en garde contre une rechute de l’amélioration constatée jusqu’en 2015.
Si cet indicateur avait atteint 3% au cours de cette période, le monde aurait pu générer une production économique supplémentaire de 2 600 milliards de dollars, soit quasiment autant que l’ensemble de l’économie française, pour la même quantité d’énergie, insiste le rapport.
Quelles causes ?
L’AIE souligne que trois grandes causes convergent pour ralentir l’amélioration de l’efficacité énergétique.
D’abord, l’industrie et la météo. Ainsi, l’AIE constate que dans les pays comme la Chine et les Etats-Unis, les industries énergo-intensives (comme l’acier par exemple) ont enregistré une hausse de leur production conduisant à une progression du recours aux énergies primaires. Aux Etats-Unis, la météo a renforcé cette montée de la demande, à l’aune d’un hiver froid et d’un été sec, poussant à la hausse de la consommation d’énergie pour la chaleur et pour la climatisation. A l’inverse, en Europe, un hiver clément a réduit la demande en gaz, et participe aux bons résultats européens en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique. La hausse de la demande en électricité a également contribué à l’augmentation de la production… dont la majeure partie de cette hausse est encore attribuable à des centrales à base de combustibles fossiles, insiste l’AIE, dégradant l’efficacité énergétique mondiale.
Ensuite, des mouvements structurels sont en cause, indique l’Agence. Ainsi, dans les transports, malgré une amélioration de leur efficacité sur un plan énergétique, la demande en énergie continue de grimper, notamment à cause de « grosses » voitures. Et dans le bâtiment, l’AIE souligne que les gains en efficacité énergétique sont depuis 2014 toujours compensés par de nouveaux usages, ou par un agrandissement des surfaces occupées.
Enfin, l’AIE signale que l’implication politique (les choix politiques) et l’investissement sont en encéphalogramme plutôt plat depuis des années. Ainsi, le nombre de sujets couverts par des politiques réglementaires (donc avec des obligations en matière de consommation finale d’énergie) a progressé de 0,5% en 2018, soit un peu plus que sur les deux années précédentes, mais la « couverture et la force des obligations des programmes en matière d’efficacité énergétique demeurent largement inchangées ». En outre, côté investissements, les niveaux sont à peu près identiques depuis 2014, autour de 240 milliards de dollars annuellement, « loin des niveaux requis pour capturer l’ensemble des possibilités ».
Des points positifs
Malgré cet avertissement global, l’AIE précise que l’efficacité énergétique continue d’avoir des bénéfices, à la fois en termes de sécurité d’approvisionnement pour les pays importateurs de pétrole (c’est l’ADN de l’AIE, faut-il le rappeler…), mais aussi en matière de réduction des émissions carbonées. Ainsi, en 2018, les efforts en matière d’efficacité énergétique ont permis de réduire des importations de pétrole pour les plus grandes économies mondiales de quelque 165 millions de tonnes équivalent pétrole, soit autant que la demande primaire en pétrole pour l’Allemagne, l’Australie et la Belgique réunies. En outre, le Japon a dépensé en 2018 20 md$ de moins de pétrole grâce à une amélioration de 20% de son efficacité énergétique en termes de pétrole depuis 2000. De même, en Chine, les efforts ont permis un recul de 10% de la demande en pétrole.
En matière de réduction des émissions de CO2, l’amélioration de l’efficacité des technologies (technical efficiency, selon le terme de l’AIE) a par exemple permis d’éviter quelque 3,5 gigatonnes de CO2 entre 2015 et 2018, soit environ les rejets japonais sur la période. Ce qui permet de se rapprocher des objectifs mondiaux en matière de climat.
Enfin, l’AIE consacre un long chapitre aux technologies numérique, dont l’Agence attend beaucoup en termes d’amélioration de l’efficacité énergétique. Le rapport estime en effet que « les technologies numériques pourraient profiter à tous les secteurs et à toutes les utilisations finales, mais l’incertitude quant à l’ampleur des avantages demeure ». Ainsi, la numérisation « pourrait réduire la demande mondiale du secteur des bâtiments jusqu’à 10% entre 2017 et 2040. La numérisation pourrait également décupler la capacité de maîtrise de la demande en libérant de nouvelles sources flexibles (par exemple des batteries, ndlr) dans les secteurs du bâtiment et des transports ». L’AIE cite, à ce propos, un besoin d’accorder un prix à ces nouveaux services fondés sur les technologies numériques, comme par exemple l’utilisation des batteries de véhicules électriques.
Mais l’Agence conclut : « Cependant, l’ampleur exacte de ces impacts est incertaine et dépend des mesures prises par les pouvoirs publics, qui doivent également prendre en compte le risque d’augmentation de la demande en énergie résultant de la croissance des appareils numériques. »
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