Il convient tout d’abord de distinguer l’activité agricole et l’activité textile pour évaluer leurs besoins respectifs en eau. Commençons par l’agriculture. Il est nécessaire de bien distinguer les prélèvements et les consommations d’eau pour bien situer les besoins de l’activité agricole. Les consommations correspondent aux quantités d’eau prélevée qui ne retournent pas dans le milieu. Ainsi, l’eau effectivement consommée réduit de facto la quantité d’eau disponible dans un milieu. Alors que l’eau prélevée, elle, retourne dans le milieu et redevient disponible. Il s’agit là d’une distinction importante, pour distinguer les différents usages de l’eau, entre ceux qui voient l’eau retourner dans le milieu naturel, et ceux qui aboutissent à une eau souillée, qui doit être traitée pour ne pas polluer l’environnement.
En 2019, ce sont près de 31 milliards de mètres cubes d’eau douce qui ont été prélevés pour soutenir les activités humaines, en excluant l’eau prélevée pour le fonctionnement des activités hydroélectriques. 80% de ces prélèvements concernent les eaux de surface, et sont effectués pour :
- Le refroidissement des centrales de production d’électricité (49%)
- L’alimentation des canaux de navigation (16%)
- Alimentation et eau potable (17%)
- Agriculture (10%, dont 8% pour l’irrigation)
- Activités industrielles (8%)
L’activité agricole mobilise donc un dixième des prélèvements, majoritairement pour l’irrigation, qui permet de compléter les apports d’eau liés à la pluviométrie, et de pallier aux événements climatiques, comme les périodes de sécheresse par exemple. Ces derniers, de plus en plus nombreux sur le territoire français, dessinent d’ailleurs une carte des prélèvements qui évoluent ces dernières années. En effet, si l’irrigation se concentrait dans le sud du pays, aujourd’hui son usage est de plus en plus prégnant sur une large partie du territoire. Ainsi, entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations agricoles équipées en systèmes d’irrigation a augmenté de près de 78% dans le bassin Artois-Picardie.
Au-delà des épisodes de sécheresse, l’irrigation permet aussi aux agriculteurs d’améliorer leurs rendements, et ainsi de maximiser leurs productions de manière plus pérenne.
En ce qui concerne la consommation effective de l’eau, cette dernière va varier largement selon les procédés d’irrigation utilisés. Cette consommation se calcule en estimant la quantité d’eau qui va retourner dans le sol et qui ne sera donc pas prélevée par la plante. Ainsi, la micro-irrigation présente une consommation d’eau proche des 100%, car elle est très efficace, alors que l’irrigation gravitaire, elle, voit la consommation d’eau varier entre 40 et 80%. Pour être calculée de manière précise, la consommation d’eau doit également prendre en compte la quantité d’eau rendue au milieu par la plante, par évapotranspiration et via les parties de la plante qui ne sont pas récoltées.
En ce qui concerne le textile, la problématique est différente. L’eau consommée pour les activités de ce secteur concerne principalement le procédé d’ennoblissement, qui va permettre aux tissus d’être colorés ou blanchis, d’acquérir leur aspect définitif ou leurs propriétés d’usages. Ces procédés utilisent la plupart du temps des produits chimiques, qui souillent l’eau : on parle ici donc de consommation et pas de prélèvements. En Chine par exemple, 20% de la pollution des rivières a pour origine l’activité textile. Sur notre territoire, la législation oblige les industriels du textile à trouver des solutions pour limiter leur consommation d’eau, notamment à travers la mise en place de filières REP et de la loi anti-gaspillage. L’industrie textile française développe ainsi des solutions pour produire des textiles en consommant moins d’eau. Avec une contrainte majeure : les grands pays producteurs de textiles, majoritairement situés en Asie, s’ils sont également touchés par la raréfaction des ressources en eau, continuent à produire des textiles à bas prix avec une empreinte environnementale importante et des conditions de travail extrêmement précaires… qui ne permettent pas à la France de développer une filière compétitive, pour le moment.
Cet article se trouve dans le dossier :
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