Les responsables politiques et les hauts fonctionnaires sont conscients du potentiel que représente l’importation du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d’Afrique, qui est en plein essor, afin de diversifier le mix énergétique européen.
Dominique Ristori, directeur général en charge de l’Énergie au sein de la Commission européenne, a expliqué mercredi 29 octobre, que la crise ukrainienne a fait entrer la coopération entre l’Union européenne et l’Afrique dans une nouvelle ère.
La situation de l’Ukraine a exacerbé le problème de la dépendance de l’UE vis-à-vis du gaz russe. Les efforts diplomatiques visant à sanctionner l’annexion russe en Crimée ont été minés par les craintes que Moscou coupe les vannes en guise de représailles. Le 16 octobre, la Commission a ainsi publié une toute première analyse portant sur les conséquences d’une perturbation, voire d’une interruption complète, des livraisons de gaz russe aux pays de l’Union.
L’Afrique subsaharienne produira près de 175 milliards de mètres cubes par an (mmc/an) de gaz naturel d’ici 2040. L’Angola, le Mozambique, le Nigeria, la Tanzanie en seront les premiers producteurs.
De leur côté, les États-Unis, forts de l’essor du gaz de schiste, produiront plus avec 240 mmc/an. La Russie produira environ 130 mmc/an, selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
La production de gaz subsaharien est passée de 7 mmc/an en 1990 à seulement 58 mmc/an en 2012, selon le rapport sur les perspectives énergétiques de l’Afrique publié par l’AIE, présenté le 29 octobre à Bruxelles.
Un acteur au niveau mondial
Le chef économiquede l’Agence internationale de l’énergie, Fatith Biral, a annoncé que l’Afrique subsaharienne représentant un potentiel énorme pour ce qui est de la production de gaz naturel liquéfié. « Investir dans des projets liés au gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait augmenter de façon significative la diversification des importations gazières vers l’Europe »,explique-t-il. La moitié de la croissance globale de la production de gaz serait destinée à la production nationale d’électricité et à l’industrie, mais une partie pourrait être exporter vers l’Europe.
« L’Afrique subsaharienne restera un acteur clé sur les marchés pétroliers internationaux tout en émergeant en tant qu’acteur de premier plan pour ce qui est des marchés de gaz naturel », poursuit l’économiste. Dominique Ristori a indiqué à EurActiv que les politiques, les activités et les investissements en vue d’assurer la diversification d’approvisionnement contribueraient à la stratégie européenne sur sa sécurité énergétique.
« Nous avons une priorité claire, qui est de réduire notre dépendance externe et cette approche est la bonne, notamment quand on parle du gaz, car nous avons pour ce qui est de cette source spécifique un seul fournisseur qui domine le marché » poursuit-il.
Le GNL pourrait être transporté par voie maritime. Dominique Ristori affirme que l’UE envisagerait de travailler avec des partenaires africains sur des projets dans le but de réduire les distances et les coûts de transports de gaz vers l’UE. L’UE devrait prendre part aux activités d’exploration, à ses yeux.
Dominique Ristori précise que l’Afrique dispose de nombreuses sources énergétiques, mais n’en tire aucun profit. « Nous devrions développer une stratégie politique pour créer une véritable coopération [et] trouver de nouvelles manières afin de garantir le développement des ressources énergétiques africaines », projette-t-il.
Des potentiels inexploités
L’Afrique subsaharienne n’exploite pas ses énormes potentiels en énergies renouvelables. Par exemple, l’énergie solaire reste largement sous-exploitée, reprend Fatih Birol. « Il n’y a pourtant aucun autre continent au monde où il y a un ensoleillement aussi brillant et fort sur une durée moyenne de 320 jours par an » souligne-t-il.
Ces dernières années, presque 30 % des découvertes de nouvelles sources de pétrole se sont faites en Afrique subsaharienne. Un baril sur trois de pétrole dans le monde est issu de la production subsaharienne, expose-t-il.
Malgré cela, quelque 620 millions de personnes, soit deux tiers de la population de la région, vivent sans électricité dans les pays de cette région. La moitié des populations mondiales non raccordées à l’électricité vivent en Afrique subsaharienne.
Selon l’AEI, près d’un milliard d’Africains seront connectés à l’électricité d’ici 2040. Ceci grâce à la forte croissance que connaît la région et les engagements importants dans différents projets pour une valeur estimée à 25 milliards de dollars (19,6 milliards d’euros).
Cependant, quelque 530 millions d’individus, notamment parmi les communautés rurales, resteront non raccordés.
« Qu’est-ce que cela veut dire si, en 2040, encore un demi-milliard de personnes vivent sans électricité » s’interroge l’économiste. « Ce qui manque, ce sont les investissements dans les infrastructures », analyse-t-il.
Mais l’UE doit faire face à une concurrence en provenance d’Asie, et en particulier de la Chine, qui investit dans de nombreux projets pétroliers, gaziers et hydriques en Afrique subsaharienne.
Lampedusa et le terrorisme
Luigi Marras est directeur général sur les affaires internationales au sein du ministère des Affaires extérieures et de la coopération à l’aide au développement. Il pense que les instruments économiques et politiques, en particulier en faveur de l’énergie, doivent être utilisés de façon stratégique.
« Nous devons nous concentrer sur les régions instables, là où les gens sont forcés de fuir leur pays. Nous devons agir là-bas afin de remédier aux lacunes qui profitent aux forces radicales et terroristes », selon lui.
Le rapport arrive à un moment opportun, à une époque où de plus en plus d’immigrés illégaux essayent de gagner les côtes italiennes par voies maritimes pour accéder au territoire européen.
« Nous sommes confrontés à une forte pression démographique en provenance des pays d’Afrique subsaharienne. Une immigration qui malheureusement termine souvent tragiquement », regrette-t-il.
En octobre 2013, un « boat people » s’abîmait au large des côtes de Lampedusa, où 366 immigrés africains périrent. Récemment, quelque 500 migrants, dont beaucoup fuyaient Gaza, auraient été tués de façon délibérée par des trafiquants, qui décidèrent de couler le navire qui les transportait au large des côtes maltaises à la suite d’un différend.
Selon Luigi Marras, l’Afrique a besoin d’être considérée non pas seulement comme un continent qui peut aider les Européens à diversifier leurs sources pétrolières et gazières, mais aussi comme un partenaire potentiel pour les affaires et le commerce.
« Pour en arriver là, nous avons besoin cependant d’une véritable politique énergétique et de fournir ses gens avec de l’électricité », conclut-il.
Source : Euractiv
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