La décarbonation des secteurs aérien et maritime d’ici 2050 pourrait être assurée par les e-fuels, ou carburants de synthèse. Mais face aux besoins en électricité et en CO2 que leur développement implique, l’Ademe recommande leur déploiement « raisonné » et la mise en place de mesures de sobriété.
Les récents règlements européens ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime misent sur un important développement des carburants de synthèse entre 2025 et 2050. Dans son nouveau rapport Électro-carburants en 2050 : Quels besoins en électricité et CO2 ?, l’agence de la transition écologique (Ademe) analyse deux scénarios de production d’e-carburants en France pour atteindre les objectifs de décarbonation des secteurs maritime et aérien à 2050. Ils se différencient notamment par le niveau de trafic à venir.
Résultat : l’Ademe recommande un déploiement « raisonné » pour ne pas pénaliser les autres secteurs qui auront aussi besoin d’électricité et de CO2 pour se décarboner, comme l’industrie et les transports terrestres. L’Ademe insiste également sur la nécessité de prioriser les ressources électriques et de CO2 à l’échelle nationale. En ce sens, l’agence invite à mettre en place rapidement des politiques de modération de la croissance du trafic international dans le cadre de la planification écologique.
« Les électro-carburants, ou e-carburants, sont des carburants liquides ou gazeux synthétisés à partir d’hydrogène – produit à partir d’électricité par électrolyse de l’eau – et de CO2 : e-kérosène, e-méthanol, e-ammoniac, e-méthane », rappelle l’Ademe. Au-delà de 2040, ce CO2 devra être obtenu à partir de la biomasse ou par captage direct dans l’air. La directive européenne relative aux énergies renouvelables interdit à cet horizon le recours à du CO2 d’origine fossile pour la production de ces carburants.
Une question d’électricité et de captage de CO2
L’électrolyse de l’eau, ainsi que le captage, le transport et l’utilisation de CO2 industriel nécessiteront beaucoup d’électricité. Le scénario « haut » étudié par l’Ademe implique une demande d’énergie 70 % supérieure à celle d’aujourd’hui. Les besoins en électricité s’établissent alors en 2050 à 175 térawattheures (TWh), soit environ 13 réacteurs nucléaires EPR. Les besoins en CO2 biogénique s’élèvent à 18,6 millions de tonnes (MtCO2). Ces niveaux nécessiteraient le développement d’infrastructures dédiées à la collecte et au transport de ce CO2. « L’utilisation de ce CO2 biogénique pour fabriquer des e-carburants entrerait par ailleurs en concurrence avec la nécessité de le stocker dans le sol et le sous-sol pour atteindre la neutralité carbone souligne l’Ademe.
Le scénario « bas » intègre des leviers de sobriété des usages, basés sur les scénarios Transition(s) 2050 de l’Ademe. La demande d’énergie y est 35 % inférieure à celle d’aujourd’hui. Avec une augmentation plus modérée du trafic, les ressources à mobiliser s’élèveraient de 44 à 68 TWh d’électricité, soit au moins 3 EPR, et de 5,8 à 7,3 millions de tonnes de CO2 biogénique. « Dans ce cas, les objectifs européens de décarbonation sur l’aérien et le maritime sembleraient atteignables », observe l’Ademe.
Dans son récent rapport « Décarboner le secteur aérien avec du carburant durable », l’Académie des technologies estimait de son côté qu’il faudrait 20 TWh d’électricité pour produire 2 millions de tonnes de kérosène durable en 2035 et 170 TWh en 2050 pour 6 millions de tonnes de kérosène durable. La majorité du carburant serait alors obtenu par électrolyse de l’eau et capture du CO2. « À terme, un doublement de la production électrique sera nécessaire en 2050 pour décarboner les différents secteurs de l’économie », estimait Daniel Iracane, expert du pôle énergie de l’Académie des technologies, pilote du rapport. Le secteur aérien mobiliserait de 10 à 15 % de cette nouvelle production électrique issue des énergies renouvelables et de nouveaux réacteurs nucléaires.
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