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L’ADEME publie ses scénarios 100% renouvelables

Posté le 28 octobre 2015
par Matthieu Combe
dans Énergie

Après une première fuite dans la presse en avril dernier, l'ADEME publie officiellement son étude portant sur un mix électrique composé à 100 % d'énergies renouvelable à l'horizon 2050. Les conclusions sont similaires, avec quelques analyses et optimisations supplémentaires.

L’ADEME a étudié une dizaine de mix électriques potentiels à l’horizon 2050, présentant une part d’énergies renouvelables (ENR) de 40 %, 80 %, 95 % ou 100 %. Suivant un cas de référence, différentes hypothèses ont été testées en fonction de divers critères d’appropriation sociétale, de coûts des énergies, d’accès au financement ou encore de maîtrise de la demande.

Dans son scénario de référence à 100 % d’ENR, le parc électrique français aurait une puissance de 230 gigawatts (GW), à comparer aux 128,9 GW de fin 2014. L’évolution du mix électrique reposerait avant tout sur le développement de l’éolien, du solaire et des moyens de stockage. Entre 2014 et 2050, l’éolien passerait de 9,1 GW à 96 GW, l’éolien en mer de 0 à 10 GW et le solaire de 5,3 GW à 63 GW. Pour répondre à l’intermittence, il faudrait alors une capacité de stockage de 36 GW par des moyens hydrauliques (station de transfert d’énergie par pompage), des batteries, des stockages à air comprimé et du « power to gas to power » (stockage de la surproduction électrique grâce à sa transformation en gaz, puis à nouveau en électricité). Ces nouvelles capacités qui viendraient en remplacement des réacteurs nucléaires et des centrales thermiques à énergie fossile permettraient de produire 481 térawattheures (TWh) en 2050, pour une consommation nationale de 422 TWh. La production électrique serait ainsi assurée à 63 % par l’éolien terrestre et en mer, 17 % par le solaire, 13 % par l’hydraulique et 7 % par la géothermie et la biomasse.

Quel coût pour les scénarios majoritairement renouvelables ?

Mettre en place un mix électrique à 100 % renouvelable nécessiterait des adaptations très importantes du système électrique, mais le coût global serait vraisemblablement du même ordre de grandeur qu’un mix à 40 % d’ENR et 50% de nucléaire, un scénario proche des objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, promulguée cet été, pour l’horizon 2030.

Dans son scénario de référence à 100 % d’ENR, l’ADEME estime que chaque mégawattheure (MWh) d’électricité coûterait 119 euros hors taxe. 65 % des coûts sont dus aux moyens de production, 27 % au développement du réseau et 8 % au stockage et à la flexibilité de la demande. Ce coût est quasiment identique à un mix énergétique composé à 40 % de renouvelables (117 euros/MWh). Il est intéressant de noter que dans les scénarios à 80 % et 95 % d’ENR, le MWh d’électricité revient moins cher que dans le scénario à 40 %. Dans ces deux premiers cas, les tarifs s’élèvent respectivement à 113 € et 116 €, contre 117 € pour le scénario à 40 %.

Dans cette étude, l’ADEME estime que les paramètres influençant le plus le coût de l’électricité à base de renouvelables sont l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables, les progrès technologiques d’ici 2050 et la maîtrise de la demande d’énergie. « Des valeurs défavorables pour ces différents paramètres génèrent des surcoûts de l’électricité compris entre 5 % et 14 %, note l’ADEME. A contrario, l’accès à un financement à faible taux d’intérêt permet une baisse de 14 % de ce coût. » Suivant les scénarios étudiés, les coûts varient donc de 103 € à 138 € par MWh. Sur la base des hypothèses retenues, le scénario de référence à 100 % renouvelables est estimé à seulement 2 % de surcoût par rapport à un mix 40 % renouvelable. En cas de faible maîtrise de la demande, le surcoût est évalué à 5 %.

Le mix électrique serait-il robuste ? 

Plusieurs conditions ont été retenues pour assurer l’équilibre offre-demande sur le réseau et maîtriser les coûts tout au long de l’année. Pour y parvenir, il faudrait développer des outils de pilotage de la demande à hauteur de 60 TWh pour maîtriser la pointe, développer les solutions de stockage, continuer à faire baisser le prix des technologies les moins matures grâce au progrès technologique et mettre en place des conditions de financement appropriées. Dans ces conditions, les mix ont été testés sur 7 années de température, d’ensoleillement et de vent. Résultat : l’équilibre offre-demande est assuré à toute heure.

Cette étude s’appuie sur un développement décentralisé des énergies renouvelables pour exploiter au mieux les gisements par filière et par région. La robustesse de ce mix renouvelable repose donc également sur le développement de lignes inter-régionales. Celles-ci augmenteraient de 36 %. « Même si les moyens de production du mix 100% ENR sont très décentralisés, le réseau permet d’acheminer l’électricité parfois produite en surplus localement au gré de la météo pour compenser des déficits de production ailleurs sur le territoire », projette l’ADEME. C’est la notion de « foisonnement » sur le territoire des moyens de production, qui va à l’encontre de l’héritage centralisé des réacteurs nucléaires et des centrales thermiques. Outre les interconnexions inter-régions, les interconnexions existantes avec les pays voisins seraient exploitées. Dans les modélisations, nos voisins européens ont des mix électriques à 80 % renouvelables. « Toutes les importations d’électricité sont compensées par des exports d’électricité renouvelable produite en France », insistent les auteurs. 

Bruno Lechevin, président de l’ADEME, signale que cette étude n’est pas un « scénario politique » mais bien « une étude scientifique à caractère prospectif et exploratoire ». De leurs côtés, les auteurs de l’étude sont clairs : ce travail n’est qu’un début. « La modélisation du réseau évalue précisément les besoins de renforcement du réseau de transport, mais est moins précise pour le réseau de distribution. Ainsi, si d’autres travaux devront être menés pour consolider ce travail, cette étude alimente utilement la réflexion pour identifier les mesures qui permettront d’accompagner une politique de croissance des énergies renouvelables électriques. »

par Matthieu Combe


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