« Les métaux et terres rares, la face cachée de la transition énergétique ? », s’interrogeait le journaliste Guillaume Pitron dans son livre publié en 2018. La question méritait d’être posée. L’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, apporte une partie de réponse et estime que « les énergies renouvelables n’utilisent, pour la plupart, pas de terres rares ». Dans sa nouvelle fiche technique, l’agence rappelle que concernant les énergies renouvelables, les terres rares sont presque exclusivement utilisées dans les aimants permanents pour les éoliennes. Cette technologie ne concerne que 3 % des éoliennes terrestres, mais est majoritaire pour l’éolien en mer, un segment « en forte croissance », note l’agence. Ces aimants renferment du néodyme et du dysprosium, entre 80 et 650 kg par mégawatt (MW) selon les technologies.
Le syndicat des énergies renouvelables (SER) accueille avec satisfaction cette nouvelle note. « Le SER se félicite que l’ADEME apporte des éléments concrets et factuels à cette discussion sur les terres rares, sujet sur lequel beaucoup de contre-vérités circulent aujourd’hui dans le débat public », a réagi Jean-Louis Bal, Président du SER, par voie de communiqué.
Quels besoins en terres rares pour les éoliennes ?
Fin 2018, l’ensemble du parc éolien français comptait environ 70 tonnes de néodyme et 13 tonnes de dysprosium. Soit moins de 1,5 % du marché annuel mondial de chacun de ces éléments. « La problématique de l’utilisation des aimants permanents a donc été bien prise en compte par les constructeurs, estime l’ADEME. Ce n’est donc pas un sujet critique pour les éoliennes terrestres. » Et si les éoliennes utilisent beaucoup d’acier, le bilan carbone reste bénéfique par rapport aux autres solutions.
Le sujet est plus controversé pour les éoliennes en mer. Si certaines technologies utilisant moins d’aimants permanents se développent, la plupart des modèles de 6 à 8 MW par machine en utilisent. Ces derniers servent à « améliorer les rendements de conversion, réduire le poids et les besoins de maintenance, et allonger la durée de vie des systèmes », rappelle l’ADEME. Ils permettent ainsi de diminuer le dimensionnement global du mât et des fondations.
Si l’on se fie aux objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le marché français pour l’éolien offshore jusqu’en 2030 (soit une période de 12 ans) devrait représenter moins de 1 % de la demande annuelle en néodyme et moins de 4 % de celle en dysprosium. Les besoins pour construire un parc mondial de 120 GW d’éolien en mer en 2030 s’élèveraient à moins de 6 % de la production annuelle en néodyme et plus de 30 % de la production annuelle en dysprosium.
L’ADEME voit ainsi un potentiel risque d’approvisionnement en terres rares pour les éoliennes. Le marché étant de taille faible et face à une Chine en situation de quasi-monopole (près de 90% de la production mondiale), l’industrie éolienne ne peut pas négocier d’accords commerciaux favorables. Toutefois, avec plusieurs technologies alternatives, « une éventuelle tension forte sur les terres rares ne semble pas devoir compromettre le développement de l’éolien », rassure l’agence.
Peu de terres rares dans le photovoltaïque et les batteries
Aucune technologie solaire photovoltaïque actuellement commercialisée n’utilise de terres rares. L’ADEME note tout de même que des technologies minoritaires peuvent renfermer certains métaux dont l’approvisionnement peut être critique, comme le tellure, le cadmium, l’indium et l’argent. Les technologiques au silicium, ne présentent pas de problème d’approvisionnement particulier, et représentent entre 80% et 90% du marché.
Le développement de batteries à grande échelle pour stocker l’électricité produite par des énergies renouvelables ne devrait pas se faire avant 2030 pour les zones non interconnectées et après 2040-2045 pour la France métropolitaine, projette l’ADEME. « Les technologies les plus déployées dans l’usage du stockage d’énergie renouvelable sont aujourd’hui les batteries Lithium-ion (Li-ion), sodium-soufre (NaS) et plomb-acide (PbA), énumère l’ADEME. Les terres rares n’entrent pas, ou qu’en très faibles quantités (éventuellement comme additif), dans la composition de ces batteries ». Ainsi, le sujet clé sur les batteries concerne davantage les métaux stratégiques ou critiques, comme le cobalt, dans les batteries lithium-ion, que les terres rares.
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