Une équipe de recherche de l’Université de Cardiff au Royaume-Uni révèle que le taux d’acidification des océans pourrait atteindre des niveaux jamais enregistrés depuis 14 millions d’années. Bien que le scénario ne soit pas avéré pour le moment, c’est ce vers quoi tend l’humanité si la production de CO2 continue d’évoluer selon les conjectures actuelles. « Notre nouvelle étude géologique sur l’acidification des océans nous montre que dans les circonstances actuelles, les conditions de vie océaniques seront telles que l’écosystème marin ne les a jamais connues durant les 14 derniers millions d’années » affirme Sindia Sosdian, professeur en sciences de la terre et de l’océan à l’Université de Cardiff et auteur principal de l’étude.
Afin de parvenir à cette conclusion, ces chercheurs ont établi les rapports entre niveaux d’acidité des océans et présence de CO2 dans l’atmosphère depuis 22 millions d’années. L’étude de la composition chimique des coquilles de petits organismes vivant autrefois aux abords des océans ont permis de mettre en évidence les données recherchées. L’acidification des océans répond à un phénomène simple : l’eau absorbe environ un tiers du CO2 contenu dans l’atmosphère. Ainsi, plus l’air est chargé en dioxyde de carbone, plus l’océan est acide. Depuis le début de l’ère industrielle, les océans auraient absorbé pas moins de 525 milliards de tonnes de CO2, soit 22 millions de tonnes par jours depuis bientôt deux siècles.
Des océans toujours plus acides
Les prévisions de l’équipe de Sindia Sosdian sont liées aux projections concernant la concentration de CO2 dans l’atmosphère pour les années à venir. Si aujourd’hui l’atmosphère concentre 430 ppm de dioxyde de carbone, les chercheurs craignent qu’elle en concentre 930 ppm en 2100. Si leurs projections se concrétisaient, l’océan atteindrait un pH de 7,8 au début du siècle prochain alors qu’il est de 8,1 aujourd’hui. Autrement dit, l’acidification des océans pourrait réellement s’accélérer durant les prochaines décennies. En effet, lorsque le pH de l’océan varie de 0,1 point, ce dernier devient 25 % plus acide. Il faut remonter à l’âge du Miocène moyen, il y a 14 millions d’années, pour retrouver de tels niveaux de concentration de CO2 dans l’air et d’acidité dans l’océan.
Bien que de nombreux méfaits soient prêtés à la grande concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et que l’écosystème marin semble fragile, l’équipe de Cardiff se refuse à tirer des conclusions trop hâtives. « Comprendre exactement ce que cette acidification signifie pour les écosystèmes marins implique de faire des études de terrain à long terme et de continuer d’analyser des archives fossiles » déclare Carrie Lear, professeur à l’Université de Cardiff et co-auteur de l’étude. Cependant, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) alerte sur les risques liés à l’acidification des océans en rappelant que ce phénomène porte atteinte à la teneur en calcium des espaces marins. Or, ce dernier est essentiel au développement des petits organismes, notamment à coquille. À terme, cela pourrait induire un fort déséquilibre de l’écosystème.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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