En ce moment

La transformation écologique et sociale des entreprises en panne ?

Posté le 3 septembre 2024
par Matthieu Combe
dans Environnement

La 6e édition des Universités d'Été de l'Économie de Demain s'est tenue ce mercredi 28 août à Paris sur le thème REDIRIGER. Malgré la détermination des participants, la transformation tant attendue peine à s’installer, confrontée à des obstacles législatifs, économiques et culturels.

Les entreprises sont au cœur des défis écologiques et sociaux, et doivent transformer en profondeur leurs pratiques pour les relever. Mais dans le contexte économique et politique actuel, la transformation écologique des entreprises peine à s’imposer. Pour relancer la dynamique, 3 000 entrepreneurs et dirigeants se sont réunis lors des Universités d’Été de l’Économie de Demain du Mouvement Impact France à la Cité universitaire à Paris ce mercredi 28 août sur le thème « Rediriger ».

Le constat est d’abord amer. Alexandra Palt, ancienne directrice de la responsabilité sociale chez L’Oréal et présidente du WWF France depuis juin 2024, affirme : « On recule depuis un certain temps. On a une récession des engagements et de la réelle transformation. Cela s’explique par différentes raisons : on est allé sur un terrain très juridique, qui est nécessaire, mais on n’a pas réussi à créer une vision, une inspiration, à susciter de l’adhésion autour d’un modèle économique, une transition, une transformation ».

La transformation écologique et sociale de l’économie appelle en effet à une révision profonde des règles actuelles. Les entreprises, même les plus engagées, ne peuvent porter seules le fardeau de cette transition. Un cadre légal plus favorable, combiné à des politiques publiques incitatives, est essentiel pour rendre cette transformation viable. En ce sens, les Universités d’Été de l’Économie de Demain ont rappelé que rediriger l’économie consiste avant tout à redéfinir notre rapport à la croissance, au profit de l’humain et du respect de la planète.

Un cadre juridique à renforcer

Julia Faure, cofondatrice de la marque de vêtements Loom, souligne que l’engagement des entreprises dans la transition se traduit souvent par un sacrifice sur les marges et entraîne une perte de compétitivité. « Il n’y a pas beaucoup de récompenses économiques à faire bien. Le courage du dirigeant aujourd’hui, c’est de dire ça, sinon on reste dans l’illusion que la transition écologique va se faire naturellement, car les entreprises gagnent plein d’argent en le faisant. C’est faux. C’est dur pour les entreprises. Tous les efforts sociaux et environnementaux quasiment nous coûtent. »

Julia Faure appelle ainsi les dirigeants d’entreprises à impact à se battre pour l’adoption d’un cadre légal qui favorise cette compétitivité. Elle défend notamment l’idée d’une taxation adéquate pour empêcher l’entrée sur le territoire de produits fabriqués dans des « conditions environnementales et sociales déplorables ».

Elle défend même l’instauration d’un prix minimum pour certains produits, notamment les vêtements, afin d’éviter la concurrence basée seulement sur le prix et limiter ainsi les pires pratiques sociales et environnementales. « C’est cela, le courage des dirigeants : bien sûr que l’on doit faire des efforts, mais on doit dire aussi comment nos efforts sont limités par le cadre et à quel point on a besoin de la loi et du politique pour nous aider dans cette direction », résume-t-elle.

Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), met en garde contre la tentation de reléguer les enjeux écologiques au second plan. « Avec le Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation et l’extrême droite aux portes du pouvoir, la hiérarchie des périls peut se modifier », reconnaît-il. Mais ce progrès social et environnemental pourrait s’imposer sous la contrainte avec une volonté politique forte. Cela s’est déjà fait pour des mesures historiques phares comme l’école obligatoire, les congés payés, l’exigence de parité, les normes sanitaires, énonce-t-il. Il l’affirme : « Tout dépend de l’objectif, du dosage de la contrainte. La contrainte peut recréer de l’équité en récompensant les pionniers, en protégeant nos marchés de concurrences déloyales. »

Du leadership allié au collectif

La transformation écologique nécessite également un leadership visionnaire, prêt à affronter l’incertitude d’un nouveau modèle économique. Pascal Demurger, directeur général de la MAIF et co-président du Mouvement Impact France, appelle pour sa part à une redirection des pratiques, mais aussi des mentalités. Il se montre favorable à ce que les rémunérations des dirigeants et des cadres soient indexées sur des critères extrafinanciers, comme la réduction des émissions de CO2, pour aligner les objectifs économiques avec les besoins écologiques. Pour lui, l’incitation – plus que la contrainte – pourrait être un mode efficace de régulation. « Les mécanismes incitatifs, c’est par exemple le sujet de la conditionnalité des aides publiques, de la modulation de la fiscalité en fonction du comportement des entreprises, déclare-t-il. Je crois que l’incitation est un bon mode de régulation de l’économie de marché. »

Mais le dirigeant et la contrainte ou l’incitation ne font pas tout. Céline Brucker, directrice générale de L’Oréal France, met pour sa part en garde : « Il faut mettre fin au mythe du leader héros qui aurait toutes les compétences et tout le savoir. Tout l’enjeu d’un bon leader est d’assembler autour de lui un collectif extrêmement puissant de gens compétents pour faire face à une complexité grandissante. Le rôle du leader est d’animer ce collectif autour d’une vision, d’un cadre, de priorités et d’allouer les moyens ».


Pour aller plus loin