Les dossiers d’autorisation de mise sur le marché des pesticides en France ne comprennent pas d’études de toxicité à long terme des formulations commerciales. Dans l’espoir de faire évoluer la réglementation, 30 organisations écologiques et 28 députés de la Nupes déposent un recours devant le Conseil d’État.
La fin des dérogations pour les néonicotinoïdes annoncée par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en janvier, a ravi les ONG. Désormais, elles sont bien décidées à s’attaquer au manque d’évaluation de la toxicité à long terme des pesticides. 30 organisations écologistes et 28 députés de la Nupes déposent en ce sens un recours devant le Conseil d’État. Parmi elles, citons Notre Affaire à Tous, Générations Futures, Terre d’abeilles et l’Union Nationale de l’apiculture Française.
« On saisit le Conseil d’État pour demander à ce que la réglementation soit modifiée et qu’on impose la prise en compte des effets toxiques [des pesticides] à long terme », indique Guillaume Tumerelle, avocat de la campagne Secrets Toxiques qui participe au recours. Philippe Piard, co-président de Secrets Toxiques et président du groupe Nature & Progrès Aveyron, explique « porter ce recours pour demander une réelle application de la réglementation et donc une étude correcte, complète, suffisante, scientifique, des formulations complètes » afin de vérifier la toxicité à long terme des pesticides.
Une réglementation qui oublie la toxicité à long terme
Les ONG se basent sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne d’octobre 2019 qui affirme que les « tests sommaires » réclamés par les autorités sanitaires « ne sauraient suffire à mener à bien cette vérification ». « Cet arrêt interprète le règlement européen ‘pesticides’ [n°1107/2009] et indique que les États membres doivent imposer la prise en compte de la composition complète de ses produits tels qu’ils sont épandus dans l’environnement et auxquels nous sommes exposés », précise Guillaume Thumerel.
Selon la réglementation européenne, l’évaluation de la toxicité à long terme des matières actives des pesticides se trouve entre les mains de l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Les agences nationales, dont l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en France, ont en charge l’évaluation des formulations commerciales. Celles-ci comprennent à la fois la matière active et ses additifs. Mais « il n’y a aucune évaluation qui est menée sur le produit complet à long terme », martèle Guillaume Tumerelle.
« Que ce soit au niveau européen ou français, à aucun moment il n’y a de données expérimentales qui portent sur la toxicité à long terme de la formulation », abonde Andy Battentier. Il alerte : « Les agences de sécurité sanitaire se basent sur une extrapolation de la toxicité : elles estiment pouvoir déduire la toxicité du mélange de molécules présentes dans la formule à partir de la toxicité connue de chacun des composés qui sont présents dans la formule. » Cela revient à ignorer l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens.
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