L’informatique quantique est une technologie très prometteuse, mais qui doit encore faire ses preuves en termes d’applications. À cause de la pandémie, de nombreux programmes ont été retardés, y compris l’annonce il y a un an de la stratégie quantique nationale par Emmanuel Macron.
Ce plan massif comprend :
- la mise à disposition de nouveaux moyens pour les chercheurs, y compris sur la formation, mais aussi pour les startups et les industriels ;
- le développement de l’informatique quantique ;
- des investissements dans toutes les technologies autour du quantique : communications, capteurs, cryptographie, et technologies capacitantes comme la cryogénie et l’électronique de contrôle.
Un an plus tard, où en sommes-nous ? Les choses se mettent en place progressivement, facilitées par une machinerie administrative qui ne traîne pas les pieds. Ce Plan quantique est le premier qui a mis en œuvre un nouveau dispositif de financement de la recherche doté de 3 milliards d’euros, dont 150 M€ pour le quantique.
« Ce Programme d’équipements prioritaires de recherche, étendu à de nombreux domaines, accélère l’allocation de crédits aux organismes de recherche sans passer par les appels d’offres de l’ANR qui ralentissent le système. Les trois plus gros Organismes nationaux de recherche (ONR) – CNRS, INRIA et CEA – peuvent ainsi allouer des crédits à des équipes sélectionnées en fonction de l’importance des sujets, avec une logique de faire le pont entre la recherche fondamentale et l’intérêt industriel. Ce processus a incité les chercheurs dans le calcul quantique à se regrouper par domaine et à mieux se coordonner. Ces regroupements ont un effet vertueux de fédération des efforts », explique Olivier Ezratty, consultant et auteur spécialisé dans les technologies quantiques.
Repérer des sous-marins nucléaires
Début 2022, le gouvernement français a également lancé un nouveau programme visant à relier les ordinateurs quantiques et les superordinateurs. Les moyens devront être mis à disposition des chercheurs et des entreprises pour que la France soit à la hauteur des révolutions technologiques à venir. Budget total de cette plate-forme : 170 millions d’euros qui sont cofinancés par l’Union européenne.
Cette nouvelle plate-forme de calcul quantique hybride, qui sera hébergée au centre de calcul TGCC de Bruyères-le-Châtel et opérée par le CEA DAM, constitue un autre résultat concret de la stratégie nationale sur les technologies quantiques présentée le 21 janvier 2021 par Emmanuel Macron.
Lors d’une visioconférence, la ministre des Armées Florence Parly a rappelé que les technologies quantiques pourraient devenir vitales dans le domaine de l’armée pour tout ce qui concerne les systèmes de navigation ou la sécurité nationale. L’une des craintes avancées étant que les ordinateurs quantiques pourraient casser les clés RSA. Décrit en 1977, ce système cryptographique est utilisé pour sécuriser nos échanges et les transactions de tout l’Internet ouvert d’aujourd’hui.
« La dimension stratégique se trouve aussi dans les capteurs quantiques qui ont des capacités à mesurer des grandeurs physiques avec une très grande précision et avec des cas d’usage dans le civil et le militaire, ce qui relève de la souveraineté. Par exemple, les micro-gravimètres permettant de mesurer des variations de la gravité dans le temps et dans l’espace pourraient faciliter la détection des sous-marins nucléaires. Mais ces capteurs sont également très utiles dans le civil comme dans l’imagerie médicale », souligne Olivier Ezratty.
Même s’il est encore trop tard pour savoir quels usages et marchés vont décoller dans les dix prochaines années, l’informatique quantique représente une opportunité pour l’Europe de reprendre un peu d’autonomie technologique par rapport aux Américains et Chinois.
La puissance de calcul d’un PC portable !
« L’Europe peut revendiquer une excellence scientifique dans les technologies quantiques, ce qui peut permettre à des entreprises de jouer un rôle clé dans le concert mondial, surtout dans un marché qui sera au départ très spécialisé. Il y a un écosystème de startups qui est visible, des financements arrivés et des projets lancés en liaison avec des industriels comme Total, EDF, BMW et Airbus », note Olivier Ezratty.
Une poignée de startups françaises, qui sont des émanations de laboratoires de recherche, sont créées et affichent un gros potentiel : Quandela, Pasqal, C12 Nanotech, Alice & Bob… Pasqal affiche le potentiel d’apporter « une capacité de calcul digne des machines les plus puissantes et qui serait utile dans la simulation chimique pour inventer notamment de nouveaux matériaux, mais aussi résoudre des problèmes d’optimisation. On pourra juger sur pièce avec des benchmarks d’ici moins de 2 ans », précise Olivier Ezratty.
Reste que pour l’instant, aucun des ordinateurs quantiques développés dans le monde ne peut prétendre dépasser la puissance de calcul d’un… ordinateur portable. Ce sont encore des machines expérimentales qui permettent à des développeurs d’apprendre à coder. Et elles ne permettent pas encore de développer des logiciels qui iraient plus vite que leurs équivalents sur des ordinateurs standards.
« La promesse ultime dans plusieurs années est de dépasser les plus grosses machines qui sont énergivores. Des machines consommant peu d’énergie et qui feraient tourner des algorithmes dont les équivalents classiques exigent des clusters de serveurs, voire du HPC (High Performance Computing) pourraient apparaître dans moins de cinq ans », anticipe Olivier Ezratty.
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