Les énergies renouvelables intermittentes sont aujourd’hui prioritaires sur le réseau. Cela signifie que toute leur production est injectée dans le réseau électrique. Lorsqu’elle est importante, cela peut nécessiter l’arrêt de certaines centrales, qui vont donc « s’effacer » pour permettre l’équilibre entre la production et la demande. Avec le développement massif des énergies renouvelables dans certaines régions, cela peut poser différents problèmes, notamment des risques de black-out de plus en plus élevés à cause d’un écroulement de fréquence arrivant trop rapidement . Paradoxalement, le réseau est en situation de surcapacité, ce qui menace la fermeture des centrales de pointe.
« Le marché tel qu’il a été construit il y a 20 ans est totalement inadapté à la situation actuelle et notamment à la situation de l’intermittence », note Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). D’autant plus que les centrales à gaz dont l’infrastructure a besoin pour répondre à l’intermittence des énergies éoliennes et solaires sont les premières à fermer. En cause ? Un prix du charbon trop faible et, en l’absence d’un prix du CO2 adéquat, une compétitivité trop faible. Pour tenter de sauver les installations en surcapacité qui ne fonctionnent qu’à certains moments et ne sont pas rentables, un marché de capacité est en cours de construction. Il donne un coût à l’intermittence, un coût à la pointe et en face, donne de la valeur au stockage, au lissage et à l’effacement.
Un marché à deux vitesses
Le système actuel où coexistent la production subventionnée et la production valorisée sur les marchés fonctionne au détriment des centrales de pointe. Les énergies renouvelables subventionnées matures « doivent être sensibilisées aux signaux de marché le plus vite possible », estime Claude Mandil. La situation pour le gaz est similaire avec un marché spot et des prix indexés sur le pétrole hors marché. « Comme pour les renouvelables, quand on met une partie de l’activité hors marché, dans un marché, ça ne marche pas », estime-t-il. Il n’y a pas 36 solutions au problème, « Il faut faire reconnaître par un maximum d’acteurs le fait que l’architecture du marché est à rebâtir », affirme-t-il.
Cette transition visant à faire évoluer progressivement les dispositifs de soutien aux renouvelables pour les exposer au marché à partir d’un système de tarif d’achat sera complexe et difficile à mettre en œuvre. Cela est d’autant plus vrai que les énergies renouvelables intermittentes doivent encore être soutenues pour se développer. Pour preuve, la situation critique des installations de cogénération et la baisse de raccordement du nombre d’éoliennes et de panneaux solaires à cause, notamment de tarifs d’achats. Le casse-tête semble difficile à résoudre si l’on veut respecter les objectifs de développement des énergies renouvelables à l’horizon 2020.
Des certitudes bouleversées
Mais en fait, qu’est-ce que la sécurité énergétique ? Le consommateur parlera de sécurité d’approvisionnement, lorsque le fournisseur parlera plutôt de sécurité de la demande. Ces deux visions doivent être assurées à court, à moyen et à long termes et reposent notamment sur l’adaptabilité du réseau à des variations prévues ou non prévues. Pour ce faire, cela nécessite des investissements de long terme, notamment sur les infrastructures.
Du côté des fournisseurs, la sécurité sera aussi la sécurité d’approvisionnement en matières premières. Cela ne signifie pas la fin des importations en pétrole, gaz ou uranium, mais plutôt une diversité des sources d’approvisionnement et du mix énergétique et électrique.
Aujourd’hui, la carte de l’énergie est en plein bouleversement. La demande est tirée par l’Inde, la Chine et les marchés émergents. La Chine est en train d’attirer la majorité de la production pétrolière du Golfe, le gaz se détourne de l’Europe pour aller en Asie … Les Etats-Unis sont en train de devenir auto-suffisants en gaz et en pétrole et « inondent » l’Europe de charbon bon marché. Quand les américains exploitent des huiles de schiste, cela rebooste leur industrie du raffinage et plombe la nôtre… Assurer la sécurité énergétique apparaît donc comme un défi capital.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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