La DeSci (« Decentralized science ») commence à se développer après quelques années de gestation. Grâce au Web3 et à la blockchain, la DeSci permettrait de créer un modèle de recherche scientifique plus décentralisé et distribué, ce qui limiterait les risques de censure et de contrôle des autorités, mais surtout d’accélérer la mise sur le marché de nouveaux traitements.
Mouvement disruptif ou buzz word ? La DeSci ambitionne de révolutionner la recherche scientifique en créant un écosystème dans lequel les scientifiques sont incités à partager ouvertement leurs recherches et à recevoir des crédits pour leurs travaux, tout en permettant à quiconque d’accéder et de contribuer facilement à ces recherches.
Apparue il y a quelques années, la DeSci pourrait profiter du Web3 et de la blockchain pour passer du stade de concept au mouvement disruptif. Comme nous l’avions évoqué dans un précédent article, le terme Web3 a été utilisé pour la première fois en 2014 par le Britannique Gavin Wood, le cofondateur de la cryptomonnaie Ethereum et popularisé dans un article publié dans Wired en novembre 2021 : « The Father of Web3 Wants You to Trust Less ». Pour simplifier, le Web3 serait un réseau décentralisé.
Avec un tel réseau et la blockchain, les différents défis auxquels est confrontée la recherche (le financement, la publication et la propriété des droits d’auteur) seraient résolus. Actuellement, les scientifiques dépendent des subventions ou des donateurs privés pour financer leurs recherches. D’où une forte concurrence entre laboratoires.
Smart contrat et réputation
C’est le cas en particulier dans la recherche biomédicale. La plupart des financements proviennent de deux sources principales : le gouvernement (par l’intermédiaire des universités et d’organismes spécialisés) et les sociétés biomédicales (par l’intermédiaire de leurs départements de recherche).
Concernant le partage de l’information, la recherche a toujours été un domaine monopolistique, contrôlé par une poignée de revues d’édition. Or, la publication d’un article est un processus long et fastidieux.
L’utilisation d’une infrastructure d’examen par les pairs, basée sur la blockchain, peut éliminer ces obstacles. La blockchain possède une technologie unique appelée « contrats intelligents » (ou « smart contrat »), qui sont des morceaux de code programmables. Lorsqu’ils sont utilisés en conjonction avec une communauté décentralisée de chercheurs scientifiques, ils peuvent être programmés pour exécuter de manière autonome des sections du processus de publication des revues, telles que les examens par les pairs.
Les systèmes de réputation sont un autre élément clé de la recherche scientifique bien adapté à la blockchain, car toute information détenue est vérifiable et immuable. Chaque fois qu’un scientifique publie ou révise avec succès un article, les contrats intelligents mettent automatiquement à jour leurs mesures sur la blockchain, augmentant ainsi leur crédibilité au sein de la communauté. C’est ce que propose une plateforme comme VitaDAO, qui a levé en janvier dernier 4,1 millions de dollars auprès de différents investisseurs, dont Pfizer Ventures.
La technologie blockchain se prête aussi directement au crowdfunding, ce qui est une autre façon de contribuer à la recherche. Par exemple, Molecule, une place de marché de subventions fondée en 2019 et basée sur la blockchain, permet aux utilisateurs de financer par crowdfunding le développement de médicaments.
Le protocole connecte directement les patients, les entreprises de biotechnologie ou les investisseurs aux scientifiques, alimentant ainsi des marchés ouverts pour la recherche. Les personnes qui ont un intérêt direct peuvent financer des projets spécifiques par le biais du VitaDAO de Molecule.
À la clé, une mise sur le marché plus rapide. Selon GenomicDAO, une plateforme basée à San Francisco et lancée le 19 février 2022 par la société de biotechnologie Genetica spécialisée dans l’intelligence artificielle, le délai pourrait passer de 12-18 mois à 4-6 mois.
Publication en libre accès
Ainsi, les parties intéressées peuvent détenir une participation dans le projet au lieu de passer par les voies traditionnelles telles que les éditeurs ou les grandes entreprises pharmaceutiques. Grâce à cet accès, elles peuvent accéder directement à des données cruciales et contribuer à leur développement par leur investissement.
Autre exemple à suivre, celui de Research Hub qui peut être comparé à GitHub. Lancé en 2008 (et racheté par Microsoft en 2018 pour 7,5 milliards de dollars), GitHub est un site web conçu pour fédérer et partager le code source d’un projet de développement d’application imaginé par plusieurs programmeurs. Il compte plus de 90 millions d’utilisateurs.
À l’instar de GitHub, la plateforme de recherche en libre accès Research Hub pourrait fournir une incitation sérieuse à la publication en libre accès et favoriser des financements dans des sujets que la National Science Foundation ne finance pas, comme la biologie quantique.
L’utilisation de la technologie blockchain présente donc de nombreux avantages. Mais il reste encore du chemin avant que la DeSci ne fasse bouger réellement les lignes dans le secteur pharmaceutique. Dans le secteur bancaire, la Fintech n’a commencé à s’imposer que lorsqu’elle a commencé à prendre des parts de marché aux établissements bancaires.
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