Depuis quelques semaines, les médias français sonnent le tocsin : en plus de coupures d’électricité, notre pays pourrait être victime d’une coupure d’Internet à cause d’un sabotage de câbles sous-marins par des Russes ! Un gros fantasme !
« Câbles sous-marins : l’Europe sous la menace d’un black-out d’Internet par la Russie », s’interroge BFMTV. « Guerre en Ukraine : la Russie peut-elle couper Internet en France en s’attaquant aux câbles sous-marins ? », s’inquiète France Info. « Une coupure d’Internet par la Russie : le cauchemar de l’Europe », renchérit La Tribune.
En plus d’avoir froid cet hiver, nous risquerions de ne plus pouvoir nous connecter à nos sites préférés à cause des Russes ? La présence récente d’un navire de « recherche » russe Akademik Boris Petrov, qui pourrait être un espion, repéré au large des côtes du Royaume-Uni, conforte ces craintes. La Royal Navy le suit à la trace après qu’il a changé de cap de façon inattendue.
On craint une attaque contre les câbles sous-marins essentiels à l’Internet. Les câbles à fibres optiques qui relient les États-Unis et l’Europe constituent la « colonne vertébrale » de l’Internet. Les responsables de la marine américaine mettent en garde depuis de nombreuses années contre les ravages que la Russie pourrait causer en cas d’attaque.
L’Europe est autosuffisante
Pourtant, cette affaire de sabotage de câbles sous-marins relève du fantasme. « Il y a une grosse confusion qui est faite dans de nombreux médias avec la situation de Monsieur tout le monde et celle d’un pays comme le nôtre. Quand un sous-traitant d’un FAI coupe maladroitement la fibre d’un particulier, ce dernier ne peut plus accéder à ses sites préférés. La situation n’est pas du tout comparable pour l’hexagone pour deux raisons principales. Premièrement, notre pays a beaucoup de connexions à l’extérieur dont une bonne partie est terrestre. Deuxièmement, une bonne partie de l’activité Internet est locale, car l’Europe occidentale est un cas particulier avec une interconnexion locale forte. Concernant l’Internet, l’Europe est autosuffisante. Ce n’est pas le cas de l’Afrique et l’Amérique du Sud qui sont très dépendants de connexions extérieures », précise Stéphane Bortzmeyer, spécialiste en réseau.
Pour cet expert qui connaît bien les rouages d’Internet, « des coupures de tous les câbles sous-marins de la planète auraient des conséquences ennuyeuses en France, car on ne pourrait pas joindre les États-Unis ou l’Australie. Mais ça ne serait pas une coupure d’Internet, car celui-ci est une interconnexion de réseaux. Seules les entreprises françaises qui hébergeraient toutes leurs données dans des datacenters d’Amazon ou de Microsoft aux États-Unis ne pourraient plus y accéder en cas de coupures des câbles transatlantiques ».
D’ailleurs, il n’est pas nécessaire que les Russes sabotent un câble sous-marin pour que des entreprises soient impactées. Une panne au niveau d’un Content delivery network¹ ou des actes de vandalisme comme ceux qui ont eu lieu récemment dans la région de Marseille ont des impacts pour certains services et entreprises.
« En fait, les médias et les hommes politiques fantasment beaucoup sur ces histoires de coupures de câbles sous-marins alors qu’on devrait plutôt se focaliser sur le système de santé français qui va très mal comme l’a démontré la pandémie », se lamente Stéphane Bortzmeyer.
¹ Un réseau de diffusion de contenu (CDN) est un groupe de serveurs géographiquement distribués qui accélèrent la diffusion de contenu Web en le rapprochant de l’endroit où se trouvent les utilisateurs
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