Dans l’industrie, la maquette physique est le point de rendez-vous incontournable des équipes de conception et de développement. Dans un rituel bien défini, à l’occasion de jalons planifiés longtemps à l’avance, on la regarde, on la touche, on la caresse, on la manipule. On échange, on critique, on partage. On décide !
Des produits tels qu’un véhicule automobile, un avion ou un navire sont très complexes et leurs développements impliquent des centaines d’acteurs de spécialités bien différentes ; la maquette permet d’atteindre le consensus entre les différents métiers, parce que, quelle que soit la culture ou la formation des parties, chacun est confronté au même objet. Malheureusement, la maquette physique présente de graves défauts sur chacun des sommets du fameux triangle : coût, délai, prestations. C’est pourquoi l’industrie qui fait appel massivement au numérique entrevoit dans la réalité virtuelle un axe ultime permettant de tirer tous les bénéfices de l’investissement numérique des bureaux d’études.
De la CAO à la réalité virtuelle en milieu industriel
Après la révolution engendrée par l’introduction des techniques de CAO, les industries manufacturières ont connu un nouveau bouleversement avec l’introduction de la réalité virtuelle. Ces deux révolutions sont liées à plus d’un titre. Tout d’abord, la première a créé la notion de maquette numérique que la deuxième exploite pleinement. Ensuite, elles ont eu pour vocation d’optimiser le cycle de conception des produits industriels afin de réduire les temps de développement. Fondamentalement, par rapport au bureau d’études, la question posée par l’introduction de la réalité virtuelle dans la vie de l’ingénieur concerne le fait de savoir, d’une part, comment il pourra mieux réaliser avec la réalité virtuelle ce qu’il faisait avant et, d’autre part, comment il pourra exploiter l’outil pour concevoir, fabriquer ou produire différemment.
En CAO, seules des caractéristiques techniques et fonctionnelles dépendant de lois physiques peuvent être testées. Les caractéristiques techniques et fonctionnelles dépendant d’un comportement humain, comme les aspects ergonomique et esthétique du produit, ne sont pas prises en compte ou le sont difficilement.
Par exemple, il est difficile pour des concepteurs d’étudier l’ergonomie de l’intérieur d’une voiture en se basant sur des plans ou sur des images de synthèse affichées sur un simple écran d’ordinateur. Une vision immersive est plus adaptée à leur problématique pour leur permettre de tester et de modifier la conception de l’intérieur de la voiture, visualisée dans un CAVE (Automatic Virtual Environment : ensemble de 3 à 6 grands écrans entourant l’usager) à haute résolution avec la captation des gestes du testeur.
Maquette virtuelle en remplacement de maquette physique
Les outils de la réalité virtuelle permettent cette incursion dans l’écran, cette immersion dans l’environnement virtuel, cette simulation à la première personne où ce ne sont plus des mannequins numériques qui sont à bord et que nous observons de l’extérieur, essayant de comprendre ce qu’ils voient, ce à quoi ils accèdent. Nous sommes à bord, nous, êtres humains, nous voyons en vraie grandeur, nous ressentons en direct, nous interagissons en temps réel, ouvrant une porte, réglant la hauteur d’un volant, manipulant un pare-soleil ou réglant un rétroviseur : c’est tellement plus simple, tellement plus riche.
Cette immersion et cette interaction avec le produit devront être compatibles avec un fonctionnement en temps réel, ce qui est encore un verrou technologique pour des produits complexes. C’est un challenge difficile mais en voie d’être résolu, nommé par ce nouvel acronyme : CARV (Conception Assistée par Réalité Virtuelle). Une des grandes autres difficultés de la CARV est de pouvoir récupérer efficacement et facilement les données utiles des modèles géométriques CAO. Si les concepteurs modifient le modèle en CARV, ils souhaitent pouvoir « remonter » ces modifications dans le modèle CAO.
Quel est l’objectif principal de la CARV ? Sans aller jusqu’à penser qu’en conception toute maquette physique (réelle) d’un produit sera supprimée, l’objectif est d’en diminuer le nombre et (ou) d’améliorer la qualité de la conception. Dans le « cycle en V » de la vie d’un produit (de sa conception à sa fin d’utilisation), pendant l’étape de conception, la CARV permet de court-circuiter une partie du « cycle en V » (sans fabriquer le produit) pour tester certaines spécifications sur le prototype virtuel. Les stylistes et les ergonomes des constructeurs d’automobiles vont pouvoir concevoir ensemble et non séquentiellement comme auparavant, avec toutes les contraintes que cela entraînait. Mais, cela demande une approche différente, un changement culturel dans la façon de travailler. De même, quand les ingénieurs ont dû passer de la conception 2D à la conception 3D, le changement ne s’est pas fait sans remise en cause des habitudes de travail et de pensée.
Dès l’étude d’un avant-projet, la réalité virtuelle est un outil intéressant dans la démarche de conception. En partant du modèle fonctionnel du produit, on peut en avoir une représentation virtuelle sans avoir à spécifier précisément les dimensions et les caractéristiques techniques qui seront définies ensuite dans la phase CAO. En exemple, on peut citer l’étude du maquettage virtuel d’un appareil électronique, portable et utilisé en extérieur : la réalité virtuelle permet de tester les fonctionnalités de son boîtier de commande (accessibilité des boutons, qualité de l’affichage sur l’écran, couleurs, facilité de compréhension pour un novice…). En même temps, elle permet de valider le programme informatique dédié à cet appareil.
La conception d’un produit peut utiliser la réalité virtuelle pour permettre à un opérateur de tester l’ergonomie du produit, qu’il soit de petite ou de grande dimension (le poste de commande d’une machine, la signalétique dans une station de métro, d’une gare…). La signalétique de la gare SNCF de Saint Lazare à Paris a été analysée en réalité virtuelle avant la rénovation de cette gare. Les constructeurs de moyens de transport sont très intéressés par cette fonctionnalité. Des applications en réalité virtuelle sont exploitées quotidiennement aussi en aéronautique.
Il peut s’agir de tester la conception d’un produit au niveau géométrique : l’étude de l’encombrement des pièces, du montage et du démontage d’un ensemble, testé virtuellement par un utilisateur, pour concevoir la maintenance et le dépannage d’un mécanisme ou d’un processus, qu’il soit simple ou complexe (machine, raffinerie, véhicule…). Des tests virtuels d’accessibilité et d’assemblage peuvent valider ou remettre en question la conception d’un produit. Le deuxième cas est plus difficile à simuler : les gestes de l’opérateur doivent être les mêmes que ceux qui seront exécutés en environnement réel (dans un but d’étude ergonomique ou de formation à la maintenance). Les retours d’efforts, qui doivent être alors impérativement simulés, sont très difficiles à réaliser, surtout au niveau des doigts. Une solution est d’utiliser un « prop », une pièce réelle, ayant la forme et les dimensions de l’objet virtuel à manipuler, soumis aux bons retours d’effort en forces et couples grâce à une interface à retour d’effort 6D.
Exclusif ! L’article complet dans les ressources documentaires en accès libre jusqu’au 12 décembre !
Les véritables usages de la réalité virtuelle dans l’industrie , un article de Philippe FUCHS
Cet article se trouve dans le dossier :
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