Après une période de tests plus ou moins convaincants et d’excitation autour de l’intelligence artificielle présentée comme une solution miracle, les entreprises se concentrent sur des usages très concrets. Mais il reste encore des défis à relever !
Un récent rapport d’International Data Corporation (IDC), groupe de conseil et d’études sur les marchés des technologies de l’information, démontre que l’adoption de l’intelligence artificielle se développe dans le monde entier. Plus d’un quart de toutes les initiatives d’IA sont déjà en production et plus d’un tiers sont à un stade de développement avancé. Et les organisations font état d’une augmentation de leurs dépenses en la matière.
L’écart risque donc de se creuser entre les entreprises qui s’appuient sur des solutions à base d’IA et les retardataires comme le signale une étude mondiale du cabinet d’analystes McKinsey.
Le buzz word autour de l’IA s’étant estompé, les entreprises franchissent une nouvelle étape en déployant des solutions métier. « Les entreprises ont acquis plus d’expériences sur ce qui marche et sur ce qui ne fonctionne pas. Il ne s’agit plus d’utiliser de la techno pour faire de la techno. Elles priorisent leurs objectifs en matière de déploiement, car il y a pléthore de technologies : la blockchain, la mobilité, la réalité virtuelle, l’IA… Les organisations ne peuvent pas tout mener de front ; elles doivent faire des choix liés à leur activité », explique Olivier Ezratty.
Beaucoup de progrès à faire
Spécialisé dans les technologies numériques, ce consultant rappelle que le niveau de maturité n’est pas similaire selon les technologies à base d’IA. « Il faut faire la différence entre le traitement de données (qui progresse de façon logique), le traitement d’images (il y a une rupture technologique datant de 2012 qui a permis de démocratiser les outils et les usages comme l’imagerie médicale) et le traitement du langage dans l’IA. Ce dernier est celui qui a la capacité de concerner le plus de monde et de métiers, mais les applications de traductions ou d’analyse de texte ont encore beaucoup de progrès à faire », constate Olivier Ezratty.
Outre les limites de l’IA qui n’est pas une solution miracle capable de tout prévoir et organiser, l’intégration de systèmes d’IA dans les entreprises pose plusieurs challenges selon le Cigref (réseau de grandes entreprises et d’administrations publiques) dans un rapport de 2018 :
- coordonner et structurer les initiatives autour de l’IA, pour les développer, leur donner davantage de visibilité et en augmenter la valeur (avec notamment une « fertilisation croisée » des projets) ;
- prendre en compte le besoin de réconcilier les cultures métiers ;
- sensibiliser les équipes et directions aux enjeux et possibilités réelles de l’IA. La compréhension des grandes familles de pièges de l’IA (dérive, biais, surapprentissage) est essentielle pour les métiers. Cette acculturation de l’entreprise pourra aider à démystifier l’IA et à en faciliter l’appropriation.
Des résultats erronés
Mais le principal défi reste la qualité de la donnée. Les grandes entreprises qui ont beaucoup de données sont, a priori, privilégiées pour l’IA, mais leurs bases ne sont pas toujours exploitables par les algorithmes, car les données sont plus ou moins « propres ».
« Concernant la donnée, il y a deux niveaux de qualité à gérer. Premièrement, il faut des données propres et labellisées. C’est un principe de base, mais ce n’est pas suffisant pour faire du machine learning de qualité. Il faut s’appuyer sur une base de données qui représente bien l’espace du “possible” d’un point de vue probabiliste. Si ce n’est pas le cas, l’algorithme donnera de mauvais résultats comme nous l’avons vu récemment avec un algorithme visant à « déflouter » les images. Développée par des chercheurs de la Duke University, cette solution est affectée de biais discriminatoires et racistes, car sa base de données n’intégrait pas assez la diversité de la population », insiste Olivier Ezratty.
Selon Gartner Research, entreprise américaine de conseil et de recherche en informatique et nouvelles technologies, d’ici 2022, 85 % des projets d’IA produiront des résultats erronés en raison du biais dans les données, les algorithmes ou par manque de compétences en interne… « Il y a une pénurie générale de profils dans l’IA, que ce soit au niveau du développement, de la donnée ou du cloud », constate Olivier Ezratty.
La recherche de talents et la formation dans les domaines liés à l’IA deviennent donc des enjeux urgents pour l’entreprise. L’embauche de ces spécialistes a fait un bond de 74 % au cours des quatre dernières années, selon Linkedin.
À l’opposé, l’intégration de solutions d’IA fait craindre des pertes d’emplois. « L’IA pourrait impacter les métiers où l’on peut automatiser des processus (notamment dans la banque et l’assurance) avec la RPA (Robotic Process Automation). Mais on a peur de l’IA alors que l’on n’a pas eu peur de la PAO ou des tableurs. Quand ces derniers sont apparus, tout le monde n’a pas crié sur les toits à la disparition des experts-comptables. Ils ont au contraire démocratisé l’accès aux traitements de données », rappelle Olivier Ezratty.
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