C’est une pollution pratiquement invisible qui n’a de cesse de gagner du terrain. Une étude publiée dans la revue Plos One indique qu’une équipe de chercheurs américains ont révélé la quantité astronomique de microfibres synthétiques présente dans l’environnement. Entre 1950 et 2016, environ 5,6 millions de tonnes de particules ont été émises dans les écosystèmes. Cette pollution suit une courbe ascendante, et connaîtrait une croissance annuelle de 12,9 %.
Tous les écosystèmes sont concernés par le phénomène. Ainsi, 2,9 millions de tonnes de microfibres synthétiques se trouveraient dans les eaux, qui sont les espaces les plus touchés par cette pollution. Dans les espaces naturels terrestres et dans les décharges, s’accumulent respectivement 1,9 et 0,6 million de tonnes de microfibres synthétiques. Les chercheurs ajoutent que chaque année, 141 900 tonnes supplémentaires de microfibres se retrouvent dans les environnements terrestres, et 34 600 tonnes dans les décharges.
De 5 à 51 kilos par an et par personne
Depuis 1950, la fabrication et l’utilisation de plastique ou de polymères synthétiques augmentent de 8,3 % chaque année. Ainsi, l’étude avance que « la production annuelle de plastique a dépassé la production de la plupart des autres matériaux artificiels ». En soixante-dix ans, 738 millions de tonnes de microfibres ont été fabriquées spécialement pour confectionner des vêtements. Dans le monde entier, l’utilisation de microfibres synthétiques pour le vestimentaire est en expansion. En 1990, la moyenne mondiale était de 8 kilos par personne et par an. Cette proportion est passée à 16 kilos en 2016. Et en Chine, l’augmentation est d’autant plus édifiante. La consommation de fibres synthétiques pour le vestimentaire est passée de 5 kilos par an et par habitant en 1990 à 51 kilos en 2016.
En parallèle, la pollution aux microfibres s’explique aussi par l’entretien de ce type de textile. Plus ce dernier est usagé, plus il relâche de microfibres. « Le stock de vêtements en usage et la possession de machines à laver augmentent, ce qui entraîne le rejet de quantités croissantes de microfibres synthétiques dans les environnements naturels », déclare l’équipe de recherche. Or, le développement des stations d’épuration n’a pas suivi la même croissance que l’équipement en lave-linge.
Cependant, les scientifiques alertent sur le fait que les stations d’épuration ne peuvent constituer à elles seules une solution contre cette pollution. Selon eux, elles détourneront « plutôt les microfibres synthétiques des plans d’eau vers les environnements terrestres et les décharges, à moins que les microfibres ne soient retirées des boues d’épuration avant l’épandage ».
Les microfibres synthétiques, « risques pour les organismes »
Les fibres synthétiques représentent désormais 14 % de la production annuelle mondiale de plastique. De ce fait, « les microfibres constituent une fraction importante des microplastiques s’accumulant dans l’eau douce, les écosystèmes marins, côtiers, terrestres et arctiques », affirme Jenna Gavigan, chercheuse associée à l’Université de Santa Barbara (Californie) et première auteure de l’étude. Elle ajoute que ces derniers engendrent « des risques pour les organismes aquatiques et la biodiversité terrestre ».
La santé humaine est elle aussi impactée par la pollution aux microfibres synthétiques. L’équipe de recherche révèle que les humains sont affectés par l’inhalation de microfibres en suspension dans l’air. La consommation d’eau, d’alcool, de fruits de mer, de sucre et de miel les expose également aux microfibres. Cette exposition est particulièrement inquiétante car une bioaccumulation pourrait survenir au niveau des poumons et provoquer une inflammation. À ce jour, ce phénomène est le seul à avoir été mis en évidence dans la littérature scientifique. Cependant, l’équipe de Jenna Gavigan n’exclut pas que d’autres pathologies puissent être liées aux microfibres.
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